Les Pyrénées-Orientales à court d’eau : des universitaires lancent un cri d’alarme
L’or bleu a déserté les Pyrénées-Orientales et les paysages catalans brunissent. Alors que le département du sud de la France est privé de grosses pluies depuis près de deux années, 2024 ne sera pas un bon cru. Au moment où des communes manquent d’eau potable en plein hiver, des universitaires lancent un cri d’alarme.
« C’est du délire ! » réagit l’agroclimatologue Serge Zaka sur X à la vue des températures affichées dans plusieurs communes des Pyrénées-Orientales. Le 4 février, le mercure atteint 25,6°C à Perpignan et 27,5°C à Céret. Relevés en pleine période hivernale, ces chiffres ont de quoi faire tourner la tête. En ce début d’année, le département du Sud de la France connaît des températures élevées pour la saison, et toujours pas de précipitations. Depuis près de deux ans, les Pyrénées-Orientales connaissent une sécheresse historique, interminable. En 2023, seulement 245 mm de précipitations ont été recensés, contre 560 mm habituellement. 2024 démarre sur la même lancée. Pas une seule goutte d’eau n’est tombée depuis le mois de janvier sur des sols assoiffés et le déficit pluviométrique atteint déjà 80%. D’après Météo-France, les sols Pyrénéens-Orientaux se trouvent dans une situation digne d’une fin août. Vu du ciel, le département a même changé de couleur. Trop de chaleur et pas assez d’eau, les parcelles agricoles et la végétation fanent et s’assombrissent.
Des nappes phréatiques asséchées
Les sols manquent d’eau, les habitants aussi. Alors que le préfet des Pyrénées-Orientales a lancé en janvier un plan de gestion de la ressource en eau pour les prochains mois, plusieurs villages sont déjà privés d’eau potable, et alimentés par bouteilles et par citerne. 42 communes sont toujours en stress hydrique à ce jour, d’après la préfecture.
Les cours d’eau et les nappes phréatiques de la région ne sont pas mieux lotis. Alors que les pluies abondantes de la fin 2023 ont rechargé la grande majorité des nappes souterraines du territoire métropolitain, les Pyrénées-Orientales n’y ont pas eu droit. « Depuis la fin de l’été 2023, il n’y a pas eu de précipitations significatives alors qu’il s’agit d’une période favorable à la recharge des nappes », analyse dans son dernier rapport, le Syndicat mixte pour la protection et la gestion des nappes de la plaine du Roussillon. « Ce constat est d’autant plus préoccupant que ce nouveau déficit vient se cumuler à celui de l’année hydrologique précédente », précise-t-il. Résultat, les Pyrénées-Orientales sont à ce jour le seul département de France métropolitaine placé en couleur rouge, d’après le Bureau de recherches géologiques et minières.
La faute au changement climatique ?
Le dérèglement climatique est-il en cause dans les déboires du département français ? Oui. « Le changement climatique provoque une élévation des températures, provoquant plus d’évaporation et une saison végétative (où les plantes se développent et consomment de l’eau) plus longue » explique Météo-France. Sur l’ensemble de la région Sud-Est, « Les précipitations montrent depuis 50 ans une légère baisse de l’ordre de 10%, mais surtout avec une baisse en hiver et un allongement de la saison sèche notamment en fin d’été/début d’automne ». Et cela ne va pas aller en s’arrangeant. « À l’avenir, les projections climatiques anticipent une baisse globale des précipitations sur le bassin méditerranéen, couplée à des épisodes de fortes précipitations plus intenses. Une combinaison qui risque de provoquer d’importantes inondations » prévient le service français, le climat de Perpignan se rapprochant désormais de celui que connaissait la ville espagnole de Valence, avant le réchauffement climatique.
« Pour un territoire habitable et résilient »
Face à l’ampleur des effets du changement climatique sur leur territoire, une centaine d’universitaires lancent une fusée de détresse. Dans une longue tribune publiée le 6 février dans le média local « L’indépendant », 92 enseignants, chercheurs et ingénieurs de l’université de Perpignan appellent à une action forte pour modifier la trajectoire en cours. À commencer par une meilleure orientation des choix d’investissements.
« Alors que les décisions politiques et économiques devraient systématiquement tenter d’anticiper ces changements globaux sur la base de constats scientifiques, il semble qu’a contrario nombre de projets continuent de se développer dans une inquiétante occultation de ces enjeux. » Parmi les projets « hors-sol », tout droit venus de « l’ancien monde », les scientifiques pointent du doigt celui du golf de Villeneuve-de-la-Raho. D’après eux, pour éviter de reconduire des solutions anachroniques, « Les connaissances scientifiques locales, notamment, devraient être mobilisées pour accompagner des dispositifs en positionnant les enjeux climatiques et la transition au plus haut niveau de priorité. C’est donc avec responsabilité et cohérence que les choix doivent désormais être faits en lien avec des objectifs de solidarité, de coopération et de partage territoriaux. »
Imagination, audace et résilience : voilà ce que demandent les cosignataires. « Loin d’un immobilisme, c’est à partir de ces connaissances que pourront être avancés des projets audacieux, autour de la nécessité de penser l’aménagement du territoire des P.-O. selon un nouveau paradigme, celui de la sobriété : sobriété dans l’usage de l’eau, sobriété foncière, sobriété énergétique, etc. »
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