Qu’est-ce que la low tech ?

Par Wanis Cassim , le 19 juin 2024 — engagement écologique, Protection de l’environnement, Transition Écologique - 15 minutes de lecture

Longtemps, le terme “high-tech” a été synonyme de progrès et d’avancées technologiques, ce qui est évidemment le cas. En quelques années, Internet, le smartphone et la connectivité en général, ont révolutionné nos vies. Et pourtant, il est assez drôle de penser qu’avec la généralisation de ces technologies très avancées, le partage d’informations et la profusion de savoir en ligne ont contribué à un éveil des consciences en matière écologique et ont conduit à promouvoir une autre façon de penser l’innovation et la technologie : la “low-tech”

On pourrait penser alors à un oxymore ! Comment une technologie pourrait être “low” puisque le propre du high-tech est bien l’innovation et la recherche d’une refonctionnalisation des méthodes de production ou d’utilisation des objets. Cet élan écologique dans les entreprises permet une autre façon de voir la production et son optimisation.

A quoi correspond cette appellation ? Un produit low-tech s’oppose-t-il nécessairement au high-tech ? Existe-t-il des exemples concrets de ces produits “low tech” ? 

C’est ce que nous allons découvrir ensemble dans cet article ! 🦾

La “low-tech”, c’est quoi ?

Pour comprendre le mouvement “low-tech” (on peut même parler de “mouvements” au pluriel tant la définition est vague et la théorie diverge selon les acteurs-ices), il faut connaître la philosophie sous-jacente à ces pratiques et ces recherches.

Le high-tech, une course vers le productivisme

Pour beaucoup et depuis longtemps, l’objectif du progrès au niveau technologique est de produire plus rapidement des articles plus performants et qui seront vendus en plus grand nombre.

Cette course est “naturelle” selon plusieurs penseurs, qui y voient la simple compétition entre différentes entreprises d’un même secteur pour croître toujours plus.

C’est que la croissance est au cœur de la réflexion économique dans un système capitaliste. Une croissance toujours exponentielle, qui se trouve un jour limitée par les réserves de la planète qui ne sont pas infinies et qui, malgré le fait qu’elle semble obligatoire, prend de plus en plus l’aspect d’une fuite en avant, tant les ressources de la planète sont sur-exploitées.

C’est en réponse à ce productivisme forcené que le mouvement de la “low tech” se crée.

La low-tech, une naissance dans les années 1970 ?

C’est un économiste britannique, Ernst Friedrich Schumacher, qui popularise une pensée à contre-courant alors en invoquant la nécessité de “déconsommation” dans les pays les plus riches (une idée qui existe déjà, mais assez marginalement). Son livre, “Small is beautiful”, une société à la mesure de l’homme, tente de déconstruire le mythe de la croissance infinie dans un monde fini afin de revenir à une société plus sobre, qui ne sur-consomme pas tout,.

Les premières revendications de la low-tech portent sur : 

  • la prise en compte de la nature comme d’une richesse à préserver et pas simplement à exploiter ;
  • la création d’une économie basée sur la consommation raisonnées des ressources ;
  • l’intégration de la santé et du bien-être des travailleurs-euses dans l’équation de la production économique.

Pourtant, si cette revendication est formulée d’une nouvelle manière, elle n’est prescrite que dans le cas d’un nouveau paradigme technologique. 

Car avant l’émergence du high-tech, et notamment de ses dérives avec les obsolescences programmées par exemple, le low-tech était ce qui faisait avancer le monde.

Des premiers hommes jusqu’à la machine à vapeur, l’objectif a toujours été de faire mieux avec moins, tant pour faciliter la réparation des objets, que pour assurer la survie du plus grand nombre avec le minimum de ressources possible (parfois de manière contrainte). 


🤖 La low-tech s’érige contre l’obsolescence programmée. Son objectif, au contraire, est de créer des objets facilement réparables qui peuvent durer dans le temps. Il en va de même pour les techniques. Elles doivent être accessibles au plus grand nombre avec le moins de matériel possible.

La démarche “Low-tech” selon l’ADEME

En 2022 l’ADEME a publié les résultats d’une étude collective portant sur le low-tech afin d’en clarifier le concept.

Il en ressort cinq grands critères principaux : 

  • La recherche de la simplicité (un objet low-tech doit être le plus simple possible)
  • Le low-tech doit prendre en compte la dimension systémique de l’objet (matériaux, conception, transport) ou des techniques
  • Le low-tech doit rechercher l’accessibilité et la démocratisation des technologies (l’open-source est une pratique low-tech)
  • Le low-tech doit réduire au maximum les besoins pour le produit ou la technique (une technique de récolte agricole qui nécessite des dizaines de tracteurs n’est pas low-tech)
  • Le low-tech doit prendre en compte la dimension écologique et environnementale

Parce qu’ils font bien les choses, l’ADEME ajoute trois autres critères

  • La dimension innovante 
  • La remise en cause du rapport entre l’objet et l’usager
  • Une réflexion sur l’usage des techniques et la facilité de les appliquer

De nos jours, des startups comme des entreprises prennent la cause environnementale très au sérieux.

Un produit low-tech c’est quoi ?

Un produit low-tech doit avoir plusieurs caractéristiques qui ne sont pas exhaustives.

Il est réparable et recyclable

Un produit low-tech doit fonctionner selon un mécanisme simple qui est facilement réparable par toutes et tous afin d’augmenter sa durée de vie. On doit pouvoir réparer l’objet localement (pas besoin de l’envoyer à l’autre bout de la France ou du monde, ce qui augmente son impact carbone). Souvent, les produits low-tech sont donc très modulables, avec des pièces qui peuvent facilement être remplacées.

Plus encore, le produit doit être recyclable ! Et, si possible, il doit être entièrement récupérable afin de pouvoir en créer un nouveau ou même un autre. Pour cela, les objets low-tech sont souvent composés d’un seul matériau très accessible (tuyaux en PVC, bouteille plastique, etc.)

Un objet low-tech parfait est entièrement recyclable et fait à partir de matériaux réutilisés.

Il est viable dans le temps

Contrairement à l’obsolescence programmée, tout le but d’un produit low-tech est de durer le plus longtemps possible. Pour cela, il faut limiter le nombre et la provenance des composants et des matériaux en privilégiant les locaux. Un filtre à eau, composé de matériaux que l’on peut trouver localement sans problème, sera plus facilement fabriqué et réparable.

Il remet le consommateur au centre

La low-tech permet de déplacer le prisme du consommateur habituel pour le placer au cœur de la chaîne de production de l’objet. En le réparant, ou en réalisant lui-même l’objet, le consommateur est forcément plus soucieux de son fonctionnement et de sa durée de vie. Cette approche améliore l’état du produit ou de la technique, et l’implication du consommateur joue un rôle positif dans la préservation des ressources, leur juste utilisation, ainsi que dans l’empreinte carbone de l’objet produit.

Il développe le commerce de proximité

Comme il doit être fabriqué et réparé à partir de matériaux locaux, le produit low-tech développe le commerce de proximité et tisse des liens entre différents consommateurs.

Il lutte contre l’exploitation

En utilisant des matériaux accessibles et communs, la low-tech s’assure que personne n’est exploité dans l’acquisition de ces ressources. On peut notamment penser aux métaux rares, illustrés dans la high-tech en grande quantité, qui sont à l’origine du forage des mines dans des conditions de travail précaires, voire inhumaines. L’humain est donc au centre du mouvement low-tech. La possibilité de changer de voie ou de diversifier ses tâches est possible avec ce mouvement (comme Julien, passé de journaliste à développeur pour participer à la transition énergétique).

La low-tech, un savoir-faire à apprendre et réapprendre

La low-tech est un ensemble de technologies et techniques ou savoir-faire qui peuvent être partagés facilement et exécutés avec le minimum de matériel et de finances nécessaires. 

🚰En général, ces techniques et technologies répondent à un besoin primaire comme l’accès à l’eau ou la nourriture, l’accès à l’électricité, ou un moyen de chauffer l’habitation ou les aliments en tentant de respecter au maximum les personnes comme l’environnement.

🛖 Certaines pratiques ancestrales se marient aussi parfaitement avec le mouvement low-tech !

La low-tech rassemble donc des technologies aussi durables qu’accessibles ! Elle tente de changer notre façon de consommer pour revenir à des pratiques plus raisonnées et acceptables dans la perspective d’une meilleure cohabitation avec les autres espèces et notre environnement.

Le but n’est pas de produire de la décroissance par principe, il est d’inventer de nouvelles voies de production et de consommation plus réfléchies pour les besoins essentiels de toutes et tous.🛠️Le DIY (Do It Yourself) est souvent une pratique low-tech.

La low-tech, et pour quoi faire ?

Comme nous l’avons vu, la low-tech cherche avant tout à avoir un impact sur le plus grand nombre, avec le moins de conséquences écologiques ou économiques possibles. 

En revenant à une consommation plus sobre avec des objets faciles à produire et réparer, la low-tech cherche à démocratiser les moyens d’auto-subsistance. L’accès à l’eau et à l’alimentation représente ainsi une des branches actives du mouvement low-tech, que ce soit avec la permaculture ou la création de pompe à eau manuelle qui permettra une indépendance par rapport à l’électricité, l’essence et toute autre énergie fossile, qui peuvent augmenter la production de la pompe n’ont aucune influence sur sa durée de vie, ni sur son potentiel de réparabilité.

La low-tech tente ainsi de répondre à un des défis majeurs qui nous attend, la fin ou le début de la fin du moins, des énergies fossiles d’ici quelques décennies. Et le problème ne touche pas que les énergies fossiles. Les métaux ou les matières premières sont aussi dans la ligne de mire de la low-tech, puisque ces ressources sont exploitées plus rapidement qu’elles ne peuvent se reconstituer. 

Face à un consumérisme qui ne prend pas en compte les capacités de régénération de nos ressources, la low-tech a donc pour ambition de cadrer l’innovation humaine dans le contexte d’une planète aux ressources limitées.

Face à cela, la low-tech tente donc de créer des objets robustes et des pratiques durables, faciles à transmettre et ne demandant que le minimum de ressources.

🪶“Le superflu, chose très nécessaire” disait Voltaire dans l’un de ses poèmes. Rien n’est moins vrai pour le mouvement low-tech.
Au niveau sociétal, l’émergence de la low-tech pourrait permettre l’émergence d’un nouveau tissu social basé sur des artisans qui fabriquent, réparent et entretiennent des produits issus de la low-tech. De par son principe même, aucune formation spécifique ne devrait être nécessaire, garantissant ainsi l’accès à un travail accessible à toutes et tous et surtout utile pour la société comme pour la planète !

Low-tech / green-tech : quelles différences ?

Au vu de la description de la low-tech, on peut facilement être tenté par l’amalgame entre celle-ci et la green-tech, cependant les différences existent et elles sont majeures.

La green-tech permet d’utiliser des ressources renouvelables pour créer de l’énergie par exemple. Prenons les panneaux solaires. Ceux-ci sont certes fabriqués pour générer de l’électricité ou de la chaleur grâce à l’énergie solaire, démarche respectueuse de l’environnement. Toutefois, la fabrication des panneaux solaires requiert des matériaux et des métaux issus des ressources fossiles, comme le plastique.

Certaines technologies green-tech peuvent même permettre de séquestrer des gaz à effet de serre ou encore produire de l’énergie à partir de ressources renouvelables. Néanmoins, elles ne sont pas forcément entièrement recyclables ou respectueuses de l’environnement lors de leur fabrication. Plus encore, certaines green-tech peuvent être équipées d’outils à obsolescence programmée, ce qui est en opposition avec la low-tech.

Un objet low-tech sera durable, contrairement à un objet green-tech.

👆Il existe également la Green IT qui consiste en un numérique plus durable.

La low-tech en pratique !

Maintenant que la théorie est acquise, passons donc à la pratique avec quelques exemples !

🍽️Le four solaire est une des technologies low-tech les plus anciennes et les plus connues. Avec l’avancée des techniques, il est possible de créer un four solaire avec quelques planches de bois, du verre pour l’effet de serre et de l’aluminium pour réfléchir la lumière ! En plaçant le four au soleil dans la bonne direction, on peut ainsi concevoir un objet parfaitement low-tech !🚴

🚴 Le vélo est assurément un moyen de transport qui peut entrer dans la démarche low-tech. Il faut dire que tout le monde peut normalement réparer un vélo, et les pièces de tous les modèles sont standards (sauf exceptions).

Toutefois, le vélo illustre bien le fait que la low-tech ne prétend pas se passer des processus industriels complexes. En effet, à moins d’éliminer les métaux nécessaires à la fabrication du cadre, de la chaîne, du plastique nécessaire pour les pneus, il est impossible de rendre cet objet parfaitement low-tech. Et le but n’est pas là ! Il est bien de réduire au maximum ces procédés industriels coûteux en ressources et pour la planète.

En ce sens, un vélo électrique n’est pas low-tech.

🚮L’objectif zéro déchet (le japon a plusieurs pratiques en ce sens) est une démarche low-tech.

 🌞Le cas des panneaux solaires ou des éoliennes est particulièrement intéressant. S’ils ne sont assurément pas low-tech, leurs caractéristiques green-tech peuvent tout de même être utiles dans une démarche low-tech. 

Concrètement, si l’énergie produite par ces panneaux ou ces éoliennes servent des appareils low-tech qui consomment très peu, pour une ville conçue selon cette démarche par exemple, alors cette énergie est partie prenante d’une démarche low-tech.

🛍️Dans un magasin bio, la vente d’articles en vrac collectés dans des sacs recyclés et réutilisables que l’on peut redonner au magasin est une pratique low-tech.

🪱Le compostage qui vise à réutiliser les déchets alimentaires ou organiques pour en faire du compost par exemple entre dans la grande famille de la low-tech.

D’autres techniques agricoles, comme les biosphères du désert, sont aussi des technologies low-tech au service d’une alimentation saine et responsable.

🪡Le DIY qui remet le consommateur au centre de la création du produit s’insère dans ce mouvement !

🧼Faire du savon avec la cendre produite par la cheminée ou le poêle à granulés entre parfaitement dans la démarche low-tech !

💻Dans le high-tech, le low-tech aussi est à la mode ! En effet, des sites, comme Wikipédia, qui sont sobres et demandent donc le strict minimum de données pour être efficaces, sont dans une démarche low-tech. Le système d’exploitation Linux, qui est gratuit et collaboratif, est dans le même mouvement ! Ce système se paie même le luxe de booster les ordinateurs aux performances obsolètes pour allonger leur durée de vie ! Si ça c’est pas du low-tech !

📱Le smartphone Fairephone est un téléphone durable, réparable et qui tente au maximum de se rapprocher de la démarche low-tech en fournissant des mises à jour pendant 7 ans !

La low-tech est donc à la fois un mouvement, une pratique, des techniques et des procédés. En lien avec la sobriété et la volonté de consommer ce qui est nécessaire sans artifice, elle se fond parfaitement dans les aspirations des nouvelles générations, soucieuses de leur environnement et de trouver le remède à un productivisme qui ne correspond plus à leurs attentes. Loin d’être un retour en arrière, la low-tech tente d’élaborer des solutions innovantes à des problématiques basiques du quotidien afin d’améliorer la vie de tous les jours sans créer de gros impact sur l’environnement qui nous entoure. 

Faire symbiose avec la nature et lui prendre juste ce qu’il faut sans jamais renier l’innovation qui permet de la transformer, s’affranchir des chaînes de production pour avoir l’indépendance de fabriquer, de réparer ou de faire réparer facilement les objets, redonner aux humains un rôle central dans la production de leurs outils du quotidien et leur utilisation, voilà ce que cherche à accomplir ce mouvement qui a l’avenir devant lui ! 🍃

Source : 

https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/5421-demarches-low-tech.html

https://lowtechlab.org/fr

Wanis Cassim

Après des études de philosophie, Wanis décide de laisser la théorie afin d’agir à sa façon en faveur de l’écologie. Passionné de science-fiction, de nouvelles technologies aussi bien que de la nature, il tente d’allier ses centres d’intérêts dans son travail de rédacteur Web.

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