Ombre climatique : quel est cet outil qui pourrait remplacer « l’empreinte carbone » ? 

Par Virginie Hilssone-Levy , le 17 janvier 2024 - 5 minutes de lecture
Avion dans le ciel de Barcelone. Crédit URBANANDSPORT / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP

Avion dans le ciel de Barcelone. Crédit URBANANDSPORT / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP

Quelle est la taille de mon ombre climatique ? Ce concept émergent, lancé par la journaliste américaine Emma Pattee, pourrait remplacer celui d’empreinte carbone, dont certains pensent qu’il est dénué de sens. 

Quand il est question d’agir contre le réchauffement climatique, la majorité des scientifiques s’accordent à dire que réduire son empreinte carbone est le moyen le plus efficace. Introduit il y a près de deux décennies, cet outil est un indicateur qui vise à mesurer l’impact d’une activité sur l’environnement, et plus particulièrement ses émissions de gaz à effet de serre. Il peut s’appliquer à une personne, à des ménages, à une entreprise (selon ses activités), un territoire, ou encore à des produits. Il a longtemps été perçu comme incontournable pour évaluer notre impact individuel sur le changement climatique. Pour autant, il est de plus en plus dépourvu de pertinence. 

Ne vous êtes-vous jamais posé cette question ? : est-ce qu’une personne qui a pris l’avion le mois dernier pollue davantage la planète qu’une autre qui n’a pas bougé de chez elle et se déplace la plupart du temps en vélo ? Pas si sûr !  Notamment parce qu’il est aussi possible que cette première personne soit une militante pour le climat et que son voyage se soit révélé efficace pour stopper le projet très polluant d’une entreprise. Et que l’autre, celle qui a opté pour une mobilité douce, travaille en réalité pour une entreprise évoluant dans le domaine des énergies fossiles. Un cas qui amène presque à nous demander s’il existe du bon ou du mauvais carbone. C’est de là que l’idée de l’ « ombre climatique » a émergé comme une alternative globale.

Mettre en lumière les possibilités de transformation systémique 

Le terme « ombre climatique » a été popularisé par la journaliste américaine spécialisée en climat Emma Pattee en 2021. « Une des raisons pour lesquelles j’ai créé l’ombre climatique vient de ma frustration à l’égard de l’empreinte carbone et de la façon dont elle dévalorise les actions qui ne peuvent être mesurées, telles que le vote ou l’activisme », déclare-t-elle dans le Guardian.

Selon elle, encourager la population à se focaliser sur l’empreinte carbone, c’est courir le risque qu’elles dépensent toute leur énergie dans des actions individuelles à faible impact et faciles à quantifier (recyclage, extinction des lumières…), réduisant ainsi les possibilités de transformation systémique rendues possible par des actions plus larges et significatives. 

Expliquer aux Français qu’ils doivent passer de 10 tonnes CO₂  eq en moyenne à moins de 2 tonnes pour freiner le changement climatique serait impossible sans changement structurel et un changement radical de l’approche consumériste de l’économie actuelle.

De ce fait, l’ombre climatique ne repose pas sur des critères quantifiables mais sur la somme de nos choix et leur influence, directe et indirecte, comme l’éthique ou encore l’énergie consacrée à la cause. Oui, Imaginez si vous arrivez à convaincre votre meilleur(e) ami(e) de devenir végétarienne ? 

Un outil en trois parties

« Votre ombre climatique est une forme sombre qui s’étend derrière vous. Elle vous suit partout où que vous alliez et prend en compte, non seulement l’usage que vous faites de la climatisation et la consommation d’essence de votre voiture, mais aussi pour qui vous votez, le nombre d’enfants que vous choisissez d’avoir, votre lieu de travail, la manière dont vous investissez votre argent, à quel point vous parlez du changement climatique, et si vos paroles encouragent un sentiment d’urgence, d’apathie ou de déni » poursuit la journaliste. 

L’ombre climatique se compose de trois parties : consommation, choix et attention.
La consommation intègre les attentes en matière de style de vie (transports, alimentation…) ainsi que la participation à la culture de consommation (publication de nouveaux achats sur Instagram, fast fashion…).
Les choix incluent la manière dont on dépense et investit son argent (nombre d’enfants, type d’entreprise pour laquelle on travaille, notre argent placé en banque…).
Et enfin, est prise en compte l’attention que l’on porte de manière globale à la crise climatique. Par exemple, combien d’heures consacrons-nous à soutenir des causes climatiques et à en informer les autres ? 

L’ombre climatique ne peut pas servir de compensation

Alors que l’empreinte carbone peut fournir des indications pour modifier son comportement individuel, l’ombre climatique offre une approche plus complète, et encourage à transcender le débat sur l’action individuelle versus systémique.

Attention toutefois : il est évident que l’ombre climatique ne doit pas servir de « compensation » entre les différentes actions que vous pourriez entreprendre. Ce n’est pas parce que vous êtes un(e) activiste pour le climat que vous pouvez vous permettre de prendre l’avion tous les mois.

Virginie Hilssone-Levy

Virginie Hilssone-Lévy est journaliste, présentatrice spécialisée en météo, climat environnement pour différents chaînes de televison ou radio comme BFM TV, Mouv et FranceInfo. Elle crée du contenu digital sur ces thématiques qui la passionne sur ses réseaux ou pour celui de différents médias dont Deklic. Ses passions : la lecture, le sport et son chien Brooklyn.

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