Paysages de France, 30 ans de lutte contre la « France moche »

Par La rédaction de Deklic , le 18 décembre 2023 - 4 minutes de lecture
Exemples de panneaux publicitaires à Lille, en 2005. Crédit PHILIPPE HUGUEN / AFP

Exemples de panneaux publicitaires à Lille, en 2005. Crédit PHILIPPE HUGUEN / AFP

Au départ, ils étaient un petit groupe d’amis révoltés par l’explosion de la pollution visuelle : 31 ans plus tard, leur collectif a obtenu le retrait de milliers de publicités illégales et encourage chacun à « ne pas s’habituer à la laideur ».

Leur association Paysages de France est surtout connue du grand public pour ses « prix de la France moche », décernés avec humour depuis 2020 à des sites jugés particulièrement dégradés.

Parmi la sélection 2023, rendue publique en novembre, figurent la place des Vosges à Paris pour les bâches publicitaires gigantesques qui masquent ses monuments historiques, ou encore l’entrée de ville de Honfleur, qualifiée de « foire à l’enseigne ».

Bien que l’association, qui se veut apolitique, prenne soin de préciser qu’elle ne cherche pas à « stigmatiser » une commune ou une autre, les prix et la mauvaise publicité qu’ils suscitent sont parfois mal accueillis par les récipiendaires. L’édition 2021 de ce palmarès lui a ainsi valu une plainte – toujours en cours – pour atteinte à l’image de la part du maire du village de Montalieu-Vercieu (Isère), qui lui réclame 3,5 millions d’euros pour le préjudice.

Pas de quoi tourmenter les membres de l’association, rompue aux batailles judiciaires. En trois décennies, l’organisation se targue d’avoir remporté plus d’une centaine de procès, fait « reculer des ministres, modifier la réglementation (et) plier des publicitaires ». Elle affirme également avoir fait retirer ou mettre en conformité des dizaines de milliers de panneaux en France.

Fondée en 1992 à Grenoble par « quelques inconscients (…) un peu militants, un peu écolos », Paysages de France s’est donné pour mission de « contrecarrer les ambitions débordantes des bétonneurs de tout poil, des publicitaires sans vergogne, voire des politiques sans vision au-delà du court terme », peut-on lire dans l’un de ses rapports d’activité. « Non élitiste », elle compte aujourd’hui quelque 2.000 adhérents sur tout le territoire.

Le collectif est parti « du constat de détérioration des paysages français » par un groupe d’amis, dont certains avaient vécu à l’étranger et jugeaient la comparaison peu flatteuse pour la France, relate à l’AFP Josiane Delpiroux, co-fondatrice et administratrice. « On s’est dit « ce n’est pas possible tous ces panneaux publicitaires, ces enseignes gigantesques, c’est une horreur, il faut qu’on fasse quelque chose » ».

Les premiers temps, l’association se contente d’envoyer des « courriers très gentils » aux autorités pour demander le respect de la loi, mais, faute de résultats, doit rapidement se résoudre à poursuivre les préfets devant les tribunaux administratifs pour « inaction ou refus de faire appliquer le Code de l’environnement ». « C’est le pot de terre contre le pot de fer », résume Mme Delpiroux. 

Pourtant, l’association « a gagné des procès au fur et à mesure, plus de cent », obligeant les contrevenants à se mettre en règle, typiquement en enlevant ou mettant en conformité les panneaux. 

L’association, qui qualifie l’affichage publicitaire illégal de « puits sans fond » en fera retirer entre 600 et 800 rien qu’en Corse, ainsi que de grandes enseignes sur des toits en face de la gare de Lyon à Paris.
Deux « gros dossiers de panneaux hors-la-loi » sont actuellement en cours sur l’île de la Réunion et l’association bataille également pour faire changer la réglementation au sujet de la publicité numérique.

Alors que le gouvernement a dévoilé en septembre un programme expérimental de transformation des zones commerciales doté d’une enveloppe de 24 millions d’euros, l’administratrice se montre sceptique : « C’est un projet de communication, c’est tout, on n’est pas dupe », estime Mme Delpiroux. 

L’association s’alarme aussi des conséquences « catastrophiques » du transfert prévu au 1er janvier 2024 du pouvoir de police de la publicité des préfets aux maires dans le cadre de la loi Climat.

Mais pour cette fonctionnaire retraitée qui attribue sa propre sensibilité à l’environnement à une enfance passée dans un village isérois préservé, une chose est sûre, ce combat est tout sauf anecdotique : « La beauté, c’est important : si on vit dans un cadre beau, on vit mieux, les sociologues l’ont remarqué, ce n’est pas une vue de l’esprit ». 

(Avec AFP)

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