Qui est Roland Lescure, le nouveau ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie ?
À la faveur du remaniement gouvernemental, Roland Lescure est nommé Ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’Industrie et de l’Énergie. Qui est cet homme qui succède à Agnès Pannier-Runacher sur le dossier énergétique en France ? Portrait.
« Je remercie le président de la République et le Premier ministre de leur confiance » partage sur X le franco-canadien de 57 ans. « En charge de l’industrie et de l’énergie, je continuerai à œuvrer, aux côtés de Bruno Le Maire, à faire de la France la première nation verte d’Europe » promet-il. Le 8 février 2024, Roland Lescure élargit son portefeuille. Celui qui était déjà ministre délégué à l’Industrie dans le gouvernement d’Elisabeth Borne, récupère l’énergie dans celui de Gabriel Attal, sous le joug du ministre de l’Économie. Alors qu’a disparu le ministère de la Transition énergétique, c’est Bercy qui est depuis en charge de ces questions.
N°2 d’un fonds de pension
L’économie, c’est un sujet que l’homme d’affaires maîtrise bien. Après une enfance passée à Montreuil, le demi-frère de Pierre Lescure se forme à l’École polytechnique, à l’École nationale de statistique et de l’administration économique (ENSAE), ainsi qu’à la London School of Economics and Political Science au Royaume-Uni. Très tôt, il met un pied à Bercy. Le jeune diplômé commence sa carrière au Ministère de l’Économie et des Finances en tant qu’économiste, avant de partir dans le privé pour plusieurs années.
Spécialiste de la gestion d’actifs, Roland Lescure passe par Ixis, Naxitis et Groupama puis devient en 2009, le premier vice-président et chef des placements à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), l’un des fonds de pension les plus importants d’Amérique du Nord. Nommé à la tête de cet établissement financier pour sa réputation de gestionnaire prudent, il y gère quelque 200 milliards d’euros d’actifs et double, d’après Mediapart, les investissements dans les paradis fiscaux. Un job qui lui vaut d’être très, très bien payé, comme le rapporte Libération dans un portrait titré « Roland Lescure, l’international ». Un million d’euros par an.
En marche vers la politique
En 2017, il prend un virage à droite, direction la politique. « À l’aube des élections françaises, j’ai pris la décision de m’engager davantage dans la vie publique et politique, parce que je souhaite jouer un rôle plus actif à un moment déterminant pour la France et l’Europe tout entière », déclarait-il dans un communiqué.
Après avoir démissionné confortablement de son poste de numéro 2 à la CDPQ, le petit-fils d’un résistant, fils d’un journaliste à L’Humanité et d’une dirigeante syndicale à la Régie autonome des transports parisiens (RATP), décide de rejoindre le parti de La République en Marche. Emmanuel Macron, Roland Lescure le rencontre quelques années auparavant, en 2012, au cours d’une réunion d’investisseurs à l’Élysée. Cinq ans plus tard, il est élu député LREM des Français d’Amérique du Nord et prend la présidence de la Commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale.
Pacte ?
Roland Lescure va jouer un rôle clé, en tant que rapporteur général, dans la promulgation de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, en 2019. Parmi les mesures principales de cette loi dite « Pacte » : la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP), de la Française des Jeux, mais aussi d’Engie et de sa filiale GRTgaz, gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel ou assimilé en France. Des suspicions vont s’éveiller, tandis que figure parmi les repreneurs potentiels d’ADP et d’Engie : la CDPQ, ex-employeur de Roland Lescure.
Dans une enquête publiée en 2019, le média Basta s’interrogeait sur ce potentiel conflit d’intérêt. « Il ne semble pas que ce risque ait fait l’objet d’un examen approfondi » expliquait l’article, avant de conclure que « le problème de fond est sans doute que dans un contexte où les allers-retours entre le public et le privé deviennent la norme, les conflits d’intérêt caractérisés ne sont même plus nécessaires ». Au moment de son élection, Roland Lescure avait assuré à Mediapart qu’il serait « un député-député, pas un député-investisseur », rappelle le média.
« Décarboner notre industrie »
Après avoir évolué au sein de LREM – et activement participé à la campagne présidentielle de 2022 – Roland Lescure est nommé ministre délégué chargé de l’Industrie, et désormais, de l’Énergie. Fraîchement reconduit, le franco-canadien consacre à l’énergie son premier déplacement en visitant une ferme solaire à Marcoussis (Essonne), opérée par Engie. L’occasion d’afficher son intérêt pour les énergies renouvelables : « Le déploiement des panneaux solaires doit s’accélérer partout sur le territoire, et surtout que ces panneaux soient produits en France » partage-t-il sur X, le 12 février.
Mais derrière la symbolique, c’est tout le secteur qui s’inquiète. Invité dans l’émission Dimanche en politique sur France 3 le dimanche 11 février, Roland Lescure met frein au projet de loi sur la « souveraineté énergétique ». S’il assure qu’« évidemment, il y aura des dispositions législatives qui passeront à l’Assemblée », ce qu’il veut d’abord, c’est « un débat public ». Déjà attendu depuis près d’un an et demi, le texte devrait sortir « dans l’année ». Mais pas forcément au premier semestre, « il n’y a pas d’urgence » indique-t-il.
Feu vert aux nouveaux puits de pétrole
Ce n’est pas la seule déclaration du ministre de l’Industrie et de l’Énergie qui a fait grincer des dents les défenseurs de l’environnement lors de cette interview. Interrogé sur la légitimité des bénéfices records enregistrés par TotalEnergies dans un contexte de crise écologique et sociale, Roland Lescure redore le blason du géant pétro-gazier, qu’il considère comme étant « au cœur de nos contradictions ». « Total, c’est le premier investisseur dans les énergies renouvelables en France » et « Total c’est l’acteur majeur dans le monde de la capture de carbone » avance-t-il notamment.
En outre, le ministre s’est dit favorable à l’exploitation de huit nouveaux puits de pétrole en France, dans la forêt de la Teste-de-Buch. « Pour une simple et bonne raison : c’est qu’on l’a voté » précise-t-il, avant d’ajouter que « le temps des lanceurs d’alerte est un peu passé ». Un langage jugé « irresponsable et dangereux » pour Edina Ifticene de Greenpeace, « gravissime » pour Thomas Wagner du média Bon Pote et dénoncé par plusieurs scientifiques et associations.
Le 13 février, une enquête publiée par le journal L’Humanité révèle qu’au moins la moitié des ministres de Gabriel Attal disposent d’un patrimoine de plus d’un million d’euros. Roland Lescure en fait partie.
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