Qu’est-ce que la théorie du donut ?

Par Wanis Cassim , le 23 août 2024 — engagement écologique, Protection de l’environnement, réchauffement climatique, Transition Écologique - 10 minutes de lecture

La théorie du donut n’a pas été développée par un policier californien pendant sa tournée. C’est une idée de Kate Raworth, économiste et éditorialiste britannique ayant travaillé plus d’une décennie pour OXFAM, une confédération regroupant une vingtaine d’organisations caritatives indépendantes à travers le monde, qui travaille notamment sur les enjeux sociaux, écologiques et économiques.

L’autrice a écrit tout un ouvrage sur le sujet : la Théorie du Donut

Cette nouvelle vision de l’économie et de son rapport aux personnes comme à la nature a connu un grand succès, tant par l’imagerie originale qui illustre cette pensée que par la pertinence de celle-ci dans un monde économique qui doit changer, s’il ne veut pas se heurter au mur du dérèglement climatique qu’il provoque en partie. 

Si ce n’est pas dans une pâtisserie que nous allons, partons tout de même à la rencontre de la théorie du donut de Kate Raworth.

La croissance, un modèle obsolète

A la manière de la théorie Cradle to cradle, celle du donut place le concept de croissance au centre de sa réflexion de départ. 

Lors d’une conférence, Kate Raworth utilise une analogie pour interpréter le rapport passionnel que l’on entretient avec le concept de croissance.

Lorsqu’un bébé se lève et se met à marcher, c’est un progrès. La représentation de l’évolution humaine, du singe à quatre pattes, jusqu’à l’humain avançant sur deux jambes, illustre aussi cette corrélation que l’on fait naturellement entre le fait de croître, d’avancer, et le progrès.

Alors, avec l’émergence du problème écologique et des émissions de gaz à effet de serre, les concepts de “croissance verte”, “croissance raisonnée”, et autres sont apparus. En somme, il faut bien essayer tout ce qu’on peut, du moment que la croissance se poursuit !

L’économie se base donc sur ce même concept. La croissance n’est rien d’autre que la vision humaine du progrès appliquée à l’économie. 

Pourtant, dans un monde vivant, qui forme un tout parfaitement équilibré, la croissance éternelle n’est pas une bonne chose. Comme le démontre l’économiste, tout élément qui croît de façon exponentielle et irraisonnée au sein d’un organisme vivant, que ce dernier soit un corps ou une planète, n’a jamais rien de positif.

Kate Raworth nous interroge donc : comment se fait-il qu’instinctivement nous ressentons le mal en cas de croissance exponentielle d’une matière au sein d’un organisme vivant, sauf pour l’économie ? Qu’est-ce qui a bien pu persuader nos sociétés que le système économique pouvait échapper à des règles qui régissent tous les systèmes connus (biologiques, sociologiques, physiques) ?

Plus encore, le concept même d’une croissance infinie sur une planète finie est utopique au mieux, inconscient au pire.

Le but de la thèse de Raworth est clair : inventer de nouveaux concepts pour trouver des solutions à un problème qui n’existait pas pour les pontes de l’économie du 20e siècle. Répondre à nos difficultés contemporaines avec les concepts de l’ancien monde ne peut pas marcher, il faut donc en concevoir de nouveaux !

Et Kate Raworth ne se contente pas de le dire, elle le fait avec la théorie du donut.

🧑‍🏫 Contrairement à la théorie de la décroissance qui cherche à diminuer le PIB des pays par exemple, Kate Raworth a une autre approche en tentant de démontrer que de nouveaux indicateurs (autres que le PIB) sont à créer.

La théorie du donut : un objectif simple

L’objectif de la théorie du donut est de créer un modèle économique prenant en compte les réalités écologiques, tout autant que les réalités sociologiques. 

L’enjeu est donc double : une orientation de l’économie en harmonie avec la nature tout autant qu’avec les travailleurs-euses !

Pour trouver cet équilibre, l’économiste s’appuie sur un constat porté par les sciences.

🏞️ Les sciences naturelles ont d’ores et déjà défini les limites extérieures dans lesquelles une théorie économique peut être pensée. En effet, nous pouvons calculer le jour “du dépassement”, c’est-à-dire la date où l’humanité a consommé ce que la planète peut produire en un an. Si cette date est de plus en plus proche du début de l’année, elle prouve aussi que l’on peut quantifier les limites de ce que l’on peut prendre à la nature. 

🥧 Celles-ci forment les limites extérieures du donut.

👪 On détermine les limites intérieures du donut à travers d’autres critères plus sociétaux (égalité des sexes, représentation politique, eau, logement, etc). 

Pour que le système fonctionne, les limites extérieures comme intérieures doivent être respectées. Entre ces deux limites, l’humanité peut s’épanouir avec la nature et autrui.

Naturellement, la forme d’un donut apparaît donc entre les deux bornes, sociétales et naturelles.

Les limites sociétales forment le plancher social, les limites naturelles forment le plafond environnemental. C’est entre le plancher et le plafond que l’humanité doit meubler sa pièce ! 🛋️ 

https://www.notre-environnement.gouv.fr/IMG/png/schema_04_donut.png

Image : https://www.notre-environnement.gouv.fr/IMG/png/schema_04_donut.png

Le donut en détail

Kate Raworth et son donut embrassent donc deux réalités, la réalité naturelle et la réalité sociologique.

Le plancher social

Au cœur du donut, les deux besoins de base des êtres humains sont listés. Ce sont les limites intérieures au système. 

  • ⚡ Energie 
  • 👫 Egalité des sexes 
  • 💧 Eau 
  • ⚖️ Paix et justice
  • 🏫 Education
  • 🏙️ Représentation politique
  • 🛜 Réseau
  • 🫶 Equité sociale
  • 🩺 Santé
  • 🏡 Logement
  • 💶 Revenu et travail
  • 🥫 Alimentation

Le plancher social, premier cercle vert, constitue donc, pour les individus, leur protection dans la société. C’est un but à atteindre car ces droits ne sont pas assurés partout pour toutes et pour tous. En atteignant ce plancher social, on garantit, à l’individu, son bien-être au travail comme à la maison.

Toutefois, le plafond est aussi important. Le bien-être de l’humanité ne peut remettre en cause l’état de notre maison à toutes et à tous : la planète terre.

Il faut donc aussi respecter les limites naturelles exprimées sous le terme de plafond environnemental.

Le plafond environnemental

  • ⛈️ Changement climatique
  • 🚰 Utilisation mondiale de l’eau
  • ☣️ Perturbation des cycles de l’azote et du phosphore 
  • 🦀 Introduction d’identités nouvelles dans la biosphère
  • 🌊 Acidification des océans
  • ☀️ Augmentation des aérosols dans l’atmosphère
  • 🕳️ Appauvrissement de l’ozone stratosphérique (la couche d’ozone)
  • ☠️ Erosion de la biodiversité 
  • 🪱 Changement d’utilisation des sols

Ces limites naturelles sont donc communes à toutes les sociétés et doivent être pensées de façon mondiale. En créant ainsi deux limites qui englobent à la fois la terre et l’individu, l’économiste crée naturellement un espace entre les deux. 

Un espace où la société et l’économie peuvent se développer ! Non pas contre l’individu et son épanouissement personnel, non pas contre la nature et ses cycles, en collaboration avec ceux-ci, au contraire !

Face à l’urgence sociale et environnementale, Kate Raworth propose d’englober les deux dans une théorie pour permettre l’éclosion de concepts qui marchent, tout en respectant le plafond environnemental et le plancher social !

Un monde actuel qui dépasse les limites

De nos jours, on le sait grâce aux rapports du GIEC, nous ne sommes assurément pas dans l’espace sûr entre le plafond et le plancher. 

Les vagues de chaleurs (entraînant les canicules, feux de forêts, etc), les inondations, les catastrophes naturelles, ainsi que les protestations et les mobilisations sociales sont récurrentes dans nos sociétés.

L’explosion de l’inégalité économique comme environnementale illustre un monde dans lequel les limites du donut ne sont absolument pas respectées. 

Les modèles de sociétés comme de moyens de production sont donc à transformer.

Le donut, une économie circulaire illustrée

La forme du donut n’est pas aussi anodine qu’on pourrait le croire. Si l’autrice avoue elle-même que l’amusement provoqué par ce parallèle est un moyen de mieux faire passer ses idées pour qu’elles marquent l’esprit, elle développe aussi dans son livre la vision d’une économie circulaire qui arrête de consommer et jeter de façon automatique.

Pour Kate Raworth, le processus industriel est linéaire et dégénératif : 

  1. on capte les ressources de la planète
  2. on les transforme
  3. on les consomme
  4. on les rejette

Ce processus est responsable des manquements environnementaux de nos sociétés. Les énergies fossiles, les émissions de gaz à effet de serre, les millions de tonnes de déchets que l’on produit, sont autant d’obstacles qui empêchent les sociétés d’accéder à l’espace sûr du donut.

Au-delà de ce système linéaire qui est voué à l’échec et à la catastrophe, d’autres solutions sont possibles, comme les modèles d’économies circulaires. 

🍅 Les déchets organiques de tomates peuvent servir d’engrais pour faire pousser…des tomates !

♻️ Le recyclage entre parfaitement dans ce modèle économique circulaire en redonnant de la valeur à un produit usagé. 

🌬️ Les énergies renouvelables (éolien, solaire hydraulique, etc), sont aussi partie prenante des économies circulaires puisque ce sont, par définition, des énergies qui peuvent être puisées, en continu, sans dommage pour la planète.

Le schéma distributif, une autre façon de penser le partage

Face à la croissance des inégalités économiques dans le monde (1% de la population possède 50 % des richesses mondiales), Kate Raworth propose aussi un système plus redistributif, ce qui permettra d’accroître sensiblement le bien-être des individus pour qu’iels rentrent dans les limites sociales du donut.

Afin d’illustrer la différence entre un système distributif et un système confiscatoire, penchons-nous sur les énergies. 

🛢️ Qu’il s’agisse du charbon, du pétrole ou du gaz, ces énergies fossiles sont puisées dans un endroit précis du monde. On les extrait, puis on les vend. A cause de cette inégalité de base, certains pays sont devenus extrêmement riches, et d’autres ont connu des périodes de guerres et d’instabilité car des puissances ont voulu accaparer ces ressources. 
🌞 Avec le solaire, chaque toit, jardin, balcon ou mur peut produire de l’électricité (ou de la chaleur), rendant la dépendance à une énergie centralisée bien moins importante. Plus encore, l’indépendance énergétique des individus rime dans ce cas avec les énergies renouvelables. Un point gagnant pour la planète, un point gagnant pour la société !

Un outil pour développer le monde de demain

Kate Raworth ne propose pas une théorie clé en main, elle a mis sur pied un modèle sur lequel d’autres conceptions économiques, sociétales peuvent s’émanciper. Le donut n’est que le cadre dans lequel nous devons élargir nos idées pour trouver les solutions de demain.Plusieurs initiatives modernes s’inspirent ainsi de la théorie du donut afin de tenter de trouver des pratiques et des concepts qui respectent l’individu et la planète !

Sources : 

www.oxfamfrance.org/actualite/la-theorie-du-donut-une-nouvelle-economie-est-possible/ 

https://www.notre-environnement.gouv.fr/rapport-sur-l-etat-de-l-environnement/themes-ree/enjeux-de-societe/objectifs-de-developpement-durable/le-concept-du-donut/article/presentation-du-concept-du-donut

Wanis Cassim

Après des études de philosophie, Wanis décide de laisser la théorie afin d’agir à sa façon en faveur de l’écologie. Passionné de science-fiction, de nouvelles technologies aussi bien que de la nature, il tente d’allier ses centres d’intérêts dans son travail de rédacteur Web.

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