Top 10 des pires phrases climatosceptiques entendues en 2023
Entre les phrases climatosceptiques, climatorassuristes, climatonégationnistes ou encore climato-je-men-foutistes, nombreuses ont été les sorties médiatiques qui ont fait saigner les oreilles des défenseurs de l’environnement cette année. Classement chronologique – et debunkage – de dix d’entre elles.
1. « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? », Emmanuel Macron
De quoi bien commencer l’année. Cette phrase désormais célèbre, Emmanuel Macron la prononce quelques heures avant l’entrée en 2023, à l’occasion des sempiternels vœux présidentiels. « Qui aurait pu prédire la vague d’inflation ainsi déclenchée ? Ou la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été dans notre pays ? » se désole-t-il en s’adressant aux Français en ce jour de 31 décembre. Ce pied de nez impudent aux scientifiques qui alertent depuis des décennies sur les risques liés au dérèglement climatique n’a pas manqué de les faire réagir.
« C’est un discours qui rate le sens de l’histoire. Il aurait pu être tenu dans les années 1980, pas en 2022 » confiait Magali Reghezza-Zitt, géographe et membre du Haut Conseil pour le climat (HCC) au micro de Franceinfo deux jours après. « Il y a déjà eu six rapports du GIEC, 27 COP, des alertes dans les années 1970 et 1980… On ne peut pas dire qu’on ne l’avait pas prévu », commente de son côté Gonéri Le Cozannet, géologue et co-auteur du dernier rapport de l’institution intergouvernementale. Le premier date de 1990. « Ce qui se produit aujourd’hui, c’est ce que nous avions anticipé » rappelle le paléontologue Jean Jouzel.
2. « La température moyenne du monde est en train de baisser », Christian Gérondeau
Fake news sur CNews. Le 3 mars dernier, Christian Gérondeau, une figure bien connue de la sphère climatosceptique vient faire la promotion de son dernier livre sur le plateau de « L’heure des pros » de Pascal Praud. Dès le début de l’émission, le polytechnicien et essayiste français affirme que « la température moyenne du monde est en train de baisser ». Son explication hasardeuse : « la température augmente » car elle « augmente plus dans l’hémisphère Nord » que « dans l’hémisphère Sud ». « L’hémisphère Sud ne connaît pas du tout ces températures. Moi, je parle de température moyenne. Ce ne sont pas des chiffres qu’on invente. Ce sont des relevés officiels du GIEC. Simplement, le GIEC ne les publie pas » affirme-t-il avant de conclure que tout cela fait partie d’un « complot ».
Le sixième rapport des experts intergouvernementaux est pourtant clair. Les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique ont réchauffé le climat à un rythme sans précédent : la température de la surface du globe s’est élevée d’ 1,1 °C par rapport à la période pré-industrielle. La décennie 2011-2020 est la plus chaude depuis 125 000 ans. Quels que soient les scénarios d’émission, le GIEC estime que le réchauffement de la planète atteindra 1,5 °C dès le début des années 2030.
3. « Le réchauffement climatique n’est pas une réalité politique, mais naturelle », Christophe Béchu
Si des phrases à tendance climatosceptiques prononcées par le chef de l’État sont pour le moins inquiétantes, que dire de celles entendues de la bouche d’un ministre de la Transition écologique. « Le réchauffement climatique n’est pas une réalité politique, mais naturelle ! » lance Christophe Béchu le 11 avril, devant un parterre de députés à l’Assemblée. Une sortie qui a fait grincer des dents les écologistes.
Si les conséquences du dérèglement climatique (sécheresses, inondations, canicules…) peuvent paraître « naturelles », elles résultent des activités anthropiques, elles-mêmes régies par des décisions politiques – ou des non-décisions. Si bien qu’en février dernier, l’État est pour la seconde fois condamné pour inaction climatique dans le cadre de l’Affaire du siècle. Le Conseil d’État a sommé l’exécutif de prendre « toutes les mesures permettant d’atteindre les objectifs que la France s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ».
4. Les experts du GIEC « ont parfois tendance à exagérer », Thomas Ménagé
Après le climatoscepticisme, place au climatorassurisme. C’est Thomas Ménagé qui nous en fait la démonstration. Au micro de France Inter le lundi 21 août, le porte-parole du groupe RN à l’Assemblée nationale a estimé que « nous ne pouvons pas nous baser uniquement sur les données du GIEC ». Pour la simple et bonne raison qu’ils « ont parfois tendance à exagérer », même si « c’est leur rôle ».
Là encore, les réactions de la part des défenseurs du climat ne se sont pas fait attendre, à commencer par celle de François Gemenne, coauteur principal du dernier rapport du GIEC. « Il me semble important que chacun réalise bien que : 1. le GIEC ne produit pas de données; 2. les rapports du GIEC reflètent le consensus scientifique. Par conséquent ils sont par nature très prudents et mesurés, et parfois trop conservateurs de ce fait » rappelle le scientifique sur X (ex-Twitter). Autrement dit, si tendance il y a, elle serait plutôt du côté de la minimisation.
5. « Je respecte l’avis des scientifiques mais il y a la vie réelle », Patrick Pouyanné
Lors de l’université d’été du Medef, le 29 août, le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné s’adresse à Jean Jouzel. « Cette transition, je suis désolée Jean, mais elle prendra du temps. J’assume de poursuivre mes investissements pétro-gaziers car la demande croît. Je respecte l’avis des scientifiques mais il y a la vie réelle » lance-t-il, alors que l’expert du climat tentait une énième fois d’alerter sur la nécessité de stopper les investissements dans les énergies fossiles.
Tout comme le GIEC, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) appelle à laisser les énergies fossiles dans le sol pour tenir la trajectoire de la neutralité carbone en 2050. « Aucun nouveau projet de champs gaziers et pétroliers n’est nécessaire au-delà de ceux qui ont déjà été approuvés en vue de leur développement » affirmait-elle en mai 2021. Quant à la vie réelle, c’est elle qui est précisément en danger, selon les scientifiques. « Nous devons changer notre point de vue sur l’urgence climatique, qui n’est plus un problème environnemental isolé mais une menace systémique et existentielle » alertait un groupe de chercheurs de renom dans une étude publiée dans la revue BioScience en octobre dernier.
6. « La vérité de tout ça, c’est que la première source de pollution mondiale, c’est la surpopulation », Nicolas Sarkozy
Un bel exemple de climatoscepticisme, teinté de racisme. Invité de l’émission C à vous sur France 5 le 6 septembre, l’ancien président Nicolas Sarkozy a enchaîné les sorties problématiques, associant le dérèglement climatique en cours à un prétendu « dérèglement démographique », en provenance des pays du Sud. « Je conteste l’expression dérégulation du climat, car le climat n’a jamais été régulé », affirme-t-il avec aplomb, en se trompant de terminologie. « 40 millions d’habitants à Lagos qui consomment bien, ça fait plus de dégâts écologiques que 12 millions qui consomment mal » assène-t-il encore à propos du Nigeria.
Des propos erronés, démentis par François Gemenne, spécialiste des migrations climatiques, dans une vidéo diffusée sur le plateau : « Il est important de bien délier les questions de démographie et les questions de climat, c’est avant tout la manière dont nous avons organisé notre économie dans les pays industrialisés qui est en cause ». D’après les chiffres de Carbon brief relayés par le média Vert, les États-Unis sont par exemple responsables de 20% du réchauffement historique. Pour l’ensemble du continent africain, ce chiffre se situe entre 3 et 7%. Autre donnée qui concerne directement le pays de M. Sarkozy : d’après le WWF, si toute l’humanité consommait comme les Français, nous aurions besoin de 2,9 planètes.
7. « La France, c’est 1 % des émissions mondiales », Emmanuel Macron
Une formule rhétorique classique. Cette fois-ci, elle est prononcée par Emmanuel Macron lors d’une interview accordée au youtubeur Hugo Décrypte le 6 septembre dernier. « Ces dernières années, on a deux fois plus réduit que durant les cinq années qui précédaient nos émissions de CO₂. On est parmi les pays d’Europe qui ont le moins d’émissions de CO₂ par habitant » affirme-t-il. À l’écoute de cet argument, le jeune créateur de contenu reprend aussitôt le Président : « On est parmi les pays d’Europe qui ont le moins d’émissions de CO₂ émis par habitant parmi les pays développés ! Sinon on est parmi les pays les plus pollueurs au monde dans l’historique ».
En effet, la France est l’un des plus gros pollueurs historiques. Le huitième plus exactement, si l’on se base sur les émissions mondiales cumulées depuis 1750. Quant au « 1% des émissions » attribuées au pays, la donnée est juste, mais cache une réalité plus nuancée. Seules les émissions territoriales, c’est-à-dire générées sur le sol français, sont prises en compte. Dans un article dédié au sujet, le média Bon Pote explique par ailleurs que « Si la France représente moins de 1% des émissions mondiales, elle n’est pas le seul pays dans ce cas. D’après les données du Global Carbon Project, ils sont plus de 200 à l’être ».
8. « Toutes ces politiques qui accusent l’Homme d’être responsable du changement climatique sont bidons, et la seule chose que ces politiques cherchent à faire est de collecter de l’argent pour financer des minables socialistes qui écrivent des articles merdiques », Javier Milei
Cette phrase, le nouveau président de l’Argentine Javier Milei la prononce le 8 octobre, quelques jours avant son élection, selon les sources du média Chequandon. Le « Trump Argentin » a laissé peu de doute sur ses positions en matière d’écologie. Cet été, il avait par ailleurs proposé de supprimer le ministère de l’environnement avant de sortir lors d’un congrès d’économie du 1er septembre : « Dans le cas d’une entreprise qui pollue la rivière, le droit de propriété n’est pas bien défini. Cette entreprise peut polluer la rivière autant qu’elle le veut. Où est le dommage ? Où est le problème ? ».
Les politiques qui dressent ce constat s’appuient pourtant sur une réalité scientifique, comme nous l’avons vu. L’occasion de rappeler qu’un « consensus scientifique n’a rien à voir avec un consensus politique : il n’y a pas de vote. C’est un long processus qui émerge au fil du temps, fondé sur des preuves scientifiques » comme l’explique Thomas Wagner avec l’aide de Jean Jouzel dans un article dédié au sujet. En outre, si les représentants de la cause écologique – qui prônent avant tout la sobriété – cherchaient à collecter plus d’argent, n’y aurait-il pas là un problème de méthode ?
9. « Je respecte la science, mais il n’existe aucune base scientifique ni aucun scénario pour affirmer qu’il faut sortir des énergies fossiles pour stabiliser le réchauffement à +1,5 °C », Sultan Al-Jaber
L’une des dernières en date, et pas des moindres, nous vient du président controversé de la COP28 de Dubaï : Sultan Al-Jaber. Dans une vidéo du 21 novembre dernier rendue publique par The Guardian et le Center for Climate Reporting, celui qui est aussi le PDG de la compagnie pétrolière émirati ADNOC répond non sans agacement à l’ancienne présidente irlandaise Mary Robinson. « Je respecte la science, mais il n’existe aucune base scientifique ni aucun scénario pour affirmer qu’il faut sortir des énergies fossiles pour stabiliser le réchauffement à +1,5 °C », assure-t-il. « Montrez-moi la feuille de route d’une sortie des énergies fossiles qui soit compatible avec le développement socio-économique, sans renvoyer le monde à l’âge des cavernes » réagit-il encore.
C’est pourtant écrit noir sur blanc dans le sixième rapport d’évaluation du GIEC. « Tout nouveau projet d’extraction de ces fossiles est incompatible avec une limite du réchauffement de la planète à 1,5 °C, objectif de l’Accord de Paris ». « La réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’ensemble du secteur de l’énergie nécessite des transitions majeures, notamment une réduction substantielle de l’utilisation globale des combustibles fossiles » peut-on lire par ailleurs. Quant à la feuille de route, elle n’a rien d’imaginaire non plus. La preuve, en septembre 2023, l’AIE publie la sienne, titrée « Une voie mondiale pour atteindre l’objectif de 1,5 °C ». Parmi les préconisations sans passer par la case caverne : tripler la production d’énergies renouvelables et doubler l’efficacité énergétique.
10. « Le plus vieux thermomètre du monde montre qu’il y a eu des fluctuations de températures tout le temps et qu’il y en a pas plus maintenant », François Gervais
« Il y a bien un problème quand même avec le climat ? » demande le présentateur de L’Hebdo de l’Éco dans l’émission du 3 décembre. « Je ne suis pas sûr » répond François Gervais. Une réponse qui donne le ton de l’interview, dans lequel le physicien ne va faire que multiplier les phrases ouvertement climatosceptiques. L’auteur de l’essai « Le déraisonnement climatique » assure que « la terre se réchauffe depuis 360 ans » et que l’accélération des émissions de CO₂ « joue un rôle » mais « qui n’est pas aussi important que le GIEC a tendance à le dire ».
C’est pourtant une donnée qui ne fait plus l’objet de débat, puisqu’elle fait l’objet d’un consensus scientifique depuis 2007. C’est en s’appuyant sur des milliers de publications scientifiques que le GIEC écrit qu’il est « incontestable que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres » dans son sixième rapport d’évaluation. D’après le CNRS, la concentration de CO₂ dans l’atmosphère a augmenté de plus de 40% depuis les débuts de la période industrielle. Mais surtout, elle est de plus en plus rapide : de 0,5 ppm/an il y a 50 ans, elle est passée à 2 ppm/par an sur la dernière décennie.
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