TotalEnergies : Patrick Pouyanné et l’éternelle apologie des énergies fossiles

Par Anaïs Hollard , le 16 février 2024 - 4 minutes de lecture

© Kamran Jebreili/AP/SIPA

TotalEnergies et la transition énergétique seraient-ils comme l’eau et l’huile ? Le CEO du géant des hydrocarbures a saisi l’occasion d’une interview accordée au média britannique « Financial Times », pour avertir les États des risques supposés de la transition énergétique. Pour le grand patron, la « dépollution » des moyens de production devrait entraîner une inévitable hausse des prix de l’énergie.

Un investissement nécessaire dans les énergies fossiles ?

Décidément, l’énergie décarbonée et les hydrocarbures ne font pas bon ménage. C’est en tout cas ce que laisse supposer la récente sortie de Patrick Pouyanné, PDG de la cinquième major pétrolière mondiale. Selon ce dernier, il est fondamental de « rester fort dans le pétrole et le gaz ». Il a par ailleurs insisté sur le rendement des combustibles fossiles. « C’est pour cela que les gens achètent des actions », a-t-il ajouté. En août dernier, le CEO s’épanchait pourtant auprès du JDD, au cours d’une longue interview, qualifiant d’ « injustes » les reproches formulés à l’égard du manque d’investissement du groupe en faveur de la transition énergétique. D’après lui, TotalEnergies ne serait autre que « la major pétrolière la plus impliquée dans ce pari stratégique ». Preuve à l’appui, puisqu’ils ont « investi 2 milliards d’euros dès 2020, puis 3 milliards en 2021, puis 4 milliards l’an dernier. Et 5 milliards d’euros en 2023 dans les énergies renouvelables et bas-carbone ». 

Pour rappel, dès 2022, TotalEnergies rejoignait le club, on ne peut plus select, des « superprofits ». Depuis, cette success story ne s’est pas démentie, puisqu’en 2023, le pétrolier a généré de nouveaux profits records, avec un résultat net de 21,4 milliards de dollars (19,9 milliards d’euros), en hausse de 4 %. Parmi les investissements du groupe en 2023, qui se sont élevés à 16,8 milliards, environ deux tiers ont été alloués au secteur des combustibles fossiles. Nul besoin d’être mathématicien pour procéder à un rapide calcul, qui ne laisse que peu de doutes quant à la réelle volonté du groupe de s’investir dans le déploiement des énergies renouvelables.

Pour Patrick Pouyanné, l’investissement de Total dans les combustibles fossiles demeure nécessaire afin de faire croître ses actifs du côté de l’électricité. « Si vous commencez à dire “parce que j’investis dans la transition, je dois réduire mes rendements”, cela ne fonctionnera pas » ajoute-t-il. 

Transition énergétique = hausse des prix : vrai ou faux ?

Alors que l’écrasante majorité des investissements de l’expert des hydrocarbures se tournent donc du côté du fossile, un rapide tour du côté du site Internet de ce dernier suffit à relever une dissonance de taille : 

« Pour les années à venir, les investissements dans les énergies bas-carbone représenteront un tiers de nos investissements, plus que les nouveaux projets Oil & Gas (30 %). » 

Pour un groupe qui prétend vouloir devenir un acteur majeur de la transition énergétique, cette mise en garde à l’égard… de la transition énergétique adressée par son PDG a donc de quoi étonner. Pour rappel, en août dernier, dans les colonnes du JDD, Pouyanné précisait par ailleurs que « la critique la plus injuste, c’est de nous accuser de greenwashing ».

Penchons-nous toutefois un instant sur l’argumentaire évoqué par le CEO : système moins polluant = inévitable hausse des prix de l’énergie. Dès 2021, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a indiqué dans son rapport qu’en 2050, toutes les énergies seront moins coûteuses, mais que celles utilisant des ressources renouvelables seront 2 à 5 fois moins onéreuses que le nucléaire. Un constat partagé par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), par la voix de Francesco La Camera, son Directeur général : « Aujourd’hui, les énergies renouvelables sont sans conteste la forme d’énergie la moins chère »

Finalement, quand on veut tuer son chien, ne dit-on pas qu’il a la rage ? Il semblerait que Patrick Pouyanné l’ait bien compris.

Pour rappel, à l’automne dernier, Greenpeace estimait qu’en 2022, « TotalEnergies était impliqué, en tant qu’opérateur ou en tant qu’actionnaire, dans 33 projets d’énergies fossiles super-émetteurs ». Depuis 2015 la major a été impliquée dans l’acquisition de nouvelles licences d’exploration fossile dans le cadre de 84 projets. 

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Anaïs Hollard

Captivée par les sujets liés à l’énergie, Anaïs a longtemps collaboré avec de grands acteurs du secteur, avant de choisir la voie de l’indépendance, en tant que journaliste web. Aujourd’hui, elle continue de délivrer son expertise en matière d’énergie et de transition écologique. Ses passions : la lecture, l’écriture (forcément) et les DIY créatifs !

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