Un monde plus chaud de 1,5°C : ça veut dire quoi ?
Le climat mondial a une chance sur deux d’atteindre dans une dizaine d’années la barre de 1,5°C de réchauffement depuis l’ère préindustrielle, limite la plus ambitieuse de l’Accord de Paris de 2015. À quelle échéance et quelles conséquences ?
Quand sera vraiment atteinte la barre de 1,5°C ?
Le GIEC, qui rassemble les experts du climat mandatés par l’ONU, affirme que les années 2011-2020 ont été environ 1,1°C plus chaudes que sur la période 1850-1900, avant l’effet des émissions de gaz à effet de serre de la révolution industrielle. Mais avec le réchauffement continu et des modélisations, la communauté scientifique retient en général que le climat actuel est déjà 1,2°C plus chaud. Pour la première fois, la barre de 1,5°C vient d’être franchie sur douze mois. Pour être considérée comme une norme climatique, cette mesure doit cependant être atteinte en moyenne sur au moins 20 ou 30 ans.
Au rythme actuel des émissions, ce seuil de 1,5°C a une chance sur deux d’être atteint en moyenne sur cinq ans pendant les années 2030-2035, a retenu le GIEC dans son dernier rapport. Certaines régions du monde ont déjà atteint un réchauffement durable de 1,5°C : c’est le cas de la France (+1,7°C), dans une Europe qui se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. En Australie, le Bureau de météorologie a annoncé jeudi que le climat local « s’est réchauffé d’environ 1,5°C » depuis « le début des mesures nationales en 1910 ».
Même si 1,5°C est atteint au niveau mondial, la baisse des émissions est cruciale pour rester en-dessous de 2°C, limite maximum de l’Accord de Paris, mais aussi pour éviter chaque dixième de degré supplémentaire. Car « chaque incrément du réchauffement climatique intensifiera les risques multiples et concomitants », avertit encore le GIEC, alors qu’une réduction « profonde, rapide et soutenue » des émissions « conduirait à un ralentissement perceptible » du réchauffement « en l’espace d’environ deux décennies ».
Quels impacts dans un monde à +1,5°C ?
Des canicules plus chaudes et plus longues, des précipitations plus fortes dans certaines régions, synonymes d’inondations, et des sécheresses plus marquées dans d’autres : les principaux effets, déjà visibles, du changement climatique seraient encore accentués.
Les extrêmes de chaleur, aux latitudes moyennes (Amérique du Nord, Europe, Asie centrale et Chine), y seraient en moyenne 3°C plus chaudes, estimait le GIEC en 2018 dans un rapport spécial. Parmi les premiers dégâts irréversibles, les coraux déclineraient de 70 à 90%. Ces animaux, dont les récifs abritent une faune immense et protègent les côtes en servant de brise-lames, disparaîtraient même à 99% dans un monde à +2°C. L’augmentation de la durée de la saison des feux et les pertes de biodiversité sont aussi parmi les premiers impacts les plus visibles d’un climat plus chaud de 1,5°C, selon le GIEC.
Les experts soulignent aussi la dégradation accélérée du permafrost, synonyme de libération potentielle de quantités importantes de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Actuellement qualifiée de « modérée » par le GIEC, cette dégradation serait « élevée » dans un climat d’environ +1,5°C.
Une désertification ou une mortalité des arbres accrues sont aussi listées par le GIEC, tout comme l’acidification des mers, synonyme de mortalité de la faune et de la flore marines ainsi que d’un ralentissement de l’absorption de CO2 par les océans, premiers régulateurs du climat mondial.
Sur la vie humaine, l’ampleur des impacts dépendra des efforts d’adaptation. La mortalité due aux canicules est l’une des premières menaces, si le refroidissement des habitats et le renforcement des systèmes de santé ne sont pas à la hauteur. L’« insécurité alimentaire » est un autre point d’inquiétude très souligné par le GIEC.
Certains effets sont, comme déjà aujourd’hui, irréversibles, à commencer par la montée des eaux en raison de la fonte des pôles, ralentissable mais pas rattrapable. Le niveau des mers pourrait être entre 26 et 77 cm plus élevé en 2100 qu’à la fin du XXe siècle, retenait le GIEC en 2018, avant des mètres de hausse sur plusieurs siècles. « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible », avertissait toutefois Antoine de Saint-Exupéry, cité par le GIEC en exergue de son rapport sur la limite de 1,5°C.
(Avec AFP)
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