Une espèce migratrice sur cinq est menacée d’extinction dans le monde

Par Charlotte Combret , le 14 février 2024 - 5 minutes de lecture
Une espèce migratrice sur cinq est menacée d’extinction dans le monde

Le jaguar est une espèce migratrice qui parcourt les États-Unis jusqu’en Argentine. Crédit : Mauro Pimentel / AFP

Publié dans le cadre de la 14e Conférence des Parties (COP) sur la conservation des espèces sauvages, un rapport historique des Nations Unies dresse un constat alarmant. Alors que les animaux migrateurs jouent un rôle essentiel pour l’ensemble du vivant, leurs populations sont en déclin et le risque d’extinction à l’échelle mondiale s’accroît.

Le 12 février s’est ouvert à Samarcande en Ouzbékistan, la 14e édition de la COP de la Convention sur les espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS). Moins populaire que son homologue consacré au climat, ce rassemblement international est l’un des plus importants en matière de biodiversité depuis l’adoption du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal fin 2022. Jusqu’au 17 février, des représentants des gouvernements 133 parties, des scientifiques et des associations, se réunissent pour faire progresser l’application de la Convention. 

C’est dans ce contexte que l’ONU a publié le tout premier rapport sur la situation des espèces migratrices dans le monde. Ce qu’il révèle est édifiant. Si certaines espèces migratrices répertoriées voient leur état de conservation s’améliorer, près de la moitié d’entre elles (44 %) présentent un déclin de leur population. En conséquence, plus d’une espèce sur cinq (22 %) est menacée d’extinction. Plus inquiétant encore, presque toutes les espèces de poissons (97%) – dont les requins, les raies et les esturgeons migrateurs – sont concernées par cette menace, leurs populations ayant diminué de 90 % depuis les années 1970. 

Un voyage semé d’embûches 

Albatros, tortues, esturgeons, chauve-souris… Chaque année, ils sont des milliards à entreprendre de longs voyages sur terre, dans les océans et dans le ciel. Traversant régulièrement les frontières nationales et continentales, les espèces migratrices peuvent parcourir jusqu’à des milliers de kilomètres à travers le monde, afin de se nourrir et de se reproduire. 

Au travers de ces migrations, la faune sauvage joue un rôle clé dans le maintien et la résilience des écosystèmes de la planète. La pollinisation des plantes, le transport de nutriments, l’élimination de parasites ou encore le stockage du carbone sont autant de services écosystémiques rendus par ces animaux au cours de leurs périples. À titre d’exemple, certaines chauves-souris remplissent une fonction centrale dans la pollinisation des fleurs et la dispersion des graines, permettant la propagation de manguiers ou papayers dans certains pays. Ces déplacements, qui font partie de leur comportement naturel, mettent les espèces migratrices de plus en plus en danger. « Elles font face à d’énormes difficultés et menaces tout au long de leur parcours, ainsi qu’à leur destination » explique Amy Fraenkel, Secrétaire exécutive de la CMS, dans un communiqué de presse.

La faute aux activités humaines

Sans grande surprise, ce cataclysme est d’origine anthropique. « Le rapport publié aujourd’hui démontre que les activités humaines non-durables mettent en péril l’avenir des espèces migratrices » résume Inger Andersen, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement. 

Deux grandes menaces pèsent plus particulièrement sur les animaux migrateurs, explique le rapport : d’un côté, la surexploitation des espèces – en lien avec la chasse, la surpêche et les prises accessoires (bycatch) – et de l’autre, la perte, la dégradation et la fragmentation des habitats – en lien notamment avec l’agriculture et l’expansion des infrastructures de transport et d’énergie. Pour ne rien arranger, le changement climatique, la pollution et les espèces envahissantes ont également de profondes répercussions sur le peuple migrateur.

Protéger les routes migratoires

« Compte tenu de la situation précaire de bon nombre de ces animaux, nous ne pouvons pas nous permettre de retarder les choses et nous devons travailler ensemble pour faire de ces recommandations une réalité » souligne Inger Andersen. La priorité : cartographier et protéger les sites clés des routes migratoires. À ce jour, plus de la moitié des zones essentielles pour la biodiversité ne disposent pas d’un statut de protection. Le rapport insiste également sur la nécessité de renforcer la lutte contre les prélèvements illégaux et accidentels d’espèces migratoires, contre le changement climatique et contre la pollution lumineuse, sonore, chimique et plastique. 

Si ce bilan est éminemment inquiétant, la CMS rappelle dans son rapport que des solutions existent et fonctionnent. Des espèces sauvages migratrices peuvent être sauvées grâce à la mise en place d’actions politiques coordonnées, locales et internationales. Au Kazakhstan, l’antilope saïga, au bord de l’extinction, se porte mieux suite au déploiement de programmes de conservation, tandis qu’à Chypre, l’utilisation illégale de filets pour la capture d’oiseaux a été réduite de 91%.

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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