Yoann, fondateur de Solikend propose un « nouveau moyen de soutenir des associations, tout en se faisant plaisir »
Vous pouvez désormais soutenir une cause… en dormant ! Avec ses « nuits solidaires », Solikend propose de valoriser les chambres vacantes au profit d’une association. Sensible à l’engagement depuis ses débuts, Yoann Magnin, cofondateur, nous ouvre les portes de son entreprise.
Comment est né Solikend ?
J’ai une sensibilité pour l’engagement, ce que j’ai en tête, ce sont les besoins du monde associatif. J’ai été bénévole dans pas mal d’assos, sur des thématiques d’action sociale, de service social… Je ressentais qu’elles faisaient plein de super trucs, mais que la principale problématique était la recherche de fonds. C’est un peu par hasard que j’ai eu cette idée de valoriser les chambres vacantes. J’ai emménagé à Biarritz il y a une dizaine d’années. Je constatais qu’à partir de septembre, il y avait une baisse de la fréquentation et des disponibilités dans les hôtels. J’avais mes habitudes dans un hôtel à côté de chez moi, mais à partir de septembre, j’étais souvent seul pour boire mon café. Du coup, je me suis dit « Pourquoi pas essayer de valoriser ces chambres vacantes et le faire dans une démarche solidaire ».
Pouvez-vous nous expliquer le concept de « nuit solidaire » ?
Le constat de base, c’est qu’un hôtel n’est pas si souvent complet. Les dates qui sont 100 % complètes sont assez occasionnelles. Notre idée, c’est de permettre aux hôtels, sur des périodes sur lesquelles ils ne sont pas complets, de valoriser une chambre vacante en la mettant en vente sur notre site. Et sur notre site, on va vendre cette chambre au profit d’une association. C’est-à-dire que tout le monde peut réserver cette chambre, mais quand vous réservez, vous choisissez une asso. L’hôtel reverse 100 % du paiement à l’association choisie.
Pourquoi toutes les parties sont-elles gagnantes ?
Côté hôtelier, on a développé une démarche RSE pour engager l’établissement dans une démarche solidaire. Et effectivement, cela présente des intérêts comme toute démarche RSE dans d’autres domaines ou d’autres entreprises. Côté grand public, c’est intéressant parce que ça permet de s’offrir une petite escapade touristique et de le faire pour une cause qu’on a envie de soutenir. C’est un nouveau moyen de soutenir des associations, tout en se faisant plaisir.
Dans l’industrie hôtelière, quels sont les principaux problèmes liés aux géants de la réservation en ligne ?
On est une initiative qui avance modestement avec pour enjeu de valoriser ces chambres vacantes. Là où il y a une sensibilité côté hôtelier, c’est qu’il y a des grosses plateformes type Booking ou Expedia (c’est plus l’industrie du web que l’industrie hôtelière) qui ont vampirisé le secteur des réservations, qui prennent des marges conséquentes et par lesquelles les hôtels sont, en règle générale, obligés de passer. Donc la solution qui est connue depuis longtemps, mais qui n’est pas si simple, c’est d’encourager les gens à toujours réserver en direct. Sur Solikend, l’offre solidaire étant limitée, quand elle n’est pas dispo, on passe le message de privilégier la réservation en direct.
Prenez-vous en compte les bonnes pratiques environnementales des hébergeurs que vous référencez ?
Quand on développe un partenariat, on priorise plutôt les établissements engagés d’un point de vue écologique. On a d’ailleurs beaucoup d’hôtels qui viennent du Label Clef Verte sur notre site. Après, on a de très beaux établissements avec un engagement écologique qui se situe à des niveaux différents. Certains ont un engagement qui est énorme d’un point de vue écologique. Pour autant, notre enjeu numéro un reste d’essayer de générer des dons pour des assos. On a des assos partenaires en action sociale, en recherche médicale, en protection de l’enfance… Et ça aurait été dommage de ne pas générer des fonds pour ces causes. Donc on a préféré ne pas fermer la porte à des hôtels partenaires qui n’ont pas forcément un engagement environnemental de premier plan.
De quelle façon votre solution favorise-t-elle un tourisme de proximité ? Est-ce un moyen d’attirer un public local ?
On encourage deux choses et effectivement, le tourisme local fait partie des enjeux. C’est de se dire qu’on peut découvrir des établissements sympas à proximité de chez soi. Et aussi, cela favorise le tourisme en moyenne et basse saison. En fait, la très haute saison n’est pas disponible sur Solikend parce que les hôtels sont déjà complets. Par contre, on a tout le reste. Donc, ça permet aussi de lisser l’activité touristique au cours de l’année, de manière encore très modeste parce qu’on n’a pas non plus un volume infini. Mais voilà, c’est une petite pierre à l’édifice !
Après avoir réservé une nuit solidaire, quelles pourraient être les autres actions à mettre en place pour améliorer son impact, en tant que voyageur ?
L’un des enjeux, c’est d’essayer de créer ce lien entre les assos et les clients qui réservent sur notre site. Quand un client réserve sur notre site, il reçoit à l’issue d’un séjour un mot de remerciement de l’asso, il reçoit aussi les différentes manières de prolonger son engagement pour la cause qu’il a choisi. De notre côté, on essaie de créer un engagement prolongé. Solikend permettra peut-être à un public de découvrir certaines causes, de découvrir certaines assos et de s’engager sur du plus long terme.
Selon vous, est-ce que l’on pourrait envisager un export de votre modèle à d’autres industries ?
Là où je pense qu’il y aurait quelque chose à faire, ce serait au niveau des trains qui sont rarement complets. Je ne penserais pas forcément à la collecte de dons, mais plus simplement au pouvoir d’achat et aux droits aux vacances. C’est-à-dire qu’on pourrait faire en sorte qu’il y ait une plateforme qui récupère les billets de train invendus pour permettre aux gens qui ont moins de moyens d’y avoir accès gratuitement ou à moindre coût. Et du coup, moi si je devais travailler sur un nouveau projet, ce serait les places vacantes dans les trains !
Êtes-vous optimiste pour la suite ?
En fait, la réflexion que j’ai avec les associations partenaires, comme Médecins du monde que j’aime beaucoup, c’est de se dire que même si la situation est critique, on peut toujours faire quelque chose de bien et avancer. Même si on ne règle pas complètement les problèmes, quoiqu’il arrive, agir ça aura toujours du sens. Nous, on a cet impact-là qui aide les gens, qui font plaisir aussi à nos clients. Donc, on ne va pas plus loin. Ça nous permet d’être optimiste et de se dire « il faut continuer à avancer sans se poser trop de questions sur l’avenir trop lointain ». On peut déjà faire beaucoup à l’instant présent et c’est déjà très bien.