Algues vertes : la justice pose un ultimatum à l’Etat
L’Etat dispose de quatre mois pour renforcer son combat contre les algues vertes, ce fléau couleur désespoir qui empoisonne le littoral breton depuis des décennies. C’est ce qu’a annoncé le tribunal administratif de Rennes, dans une décision inédite, quelques jours après la sortie du film de Pierre Jolivet.
J-120 à compter de mi-juillet
Une course contre la montre démarre pour l’Etat. « Il est enjoint au préfet de la région Bretagne de compléter le 6e programme d’actions régional » contre les algues vertes « dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement » est-il écrit noir sur blanc dans la décision de justice du 18 juillet dernier.
L’Etat a eu près de 50 ans pour s’emparer du problème breton, il dispose désormais de 120 jours. Dans ce laps de temps, ce dernier est sommé de passer à l’action « par l’adoption de mesures d’application immédiate, contrôlées dans leur exécution, de limitation de la fertilisation azotée et de gestion adaptée des terres agricoles ».
Tant attendue, cette décision résonne pour l’association Eau et Rivières de Bretagne (ERB) comme « un signal important » adressé à l’Etat, enfin contraint de « passer à la vitesse supérieure ». Celle qui tente d’alerter sur ce désastre écologique depuis les années 80 avait, une nouvelle fois, saisi les juges sur cette affaire.
Décision inédite, action immédiate
La décision est inédite. C’est en effet la toute première fois que l’Etat se voit imposer un délai ferme pour prendre des mesures concrètes face à la propagation de ces marées vertes. Pour Francis Natival, président d’Eau et Rivières, la nouvelle arrive comme « un motif supplémentaire pour que l’État agisse enfin à la hauteur des enjeux environnementaux, sanitaires et financiers, que pose la prolifération des algues vertes en Bretagne ».
L’association explique que, « bien qu’elles mobilisent d’importants fonds publics », les différentes actions « portées par les pouvoirs publics depuis plus de 10 ans, et basées sur le volontariat des exploitations agricoles (…), ont montré leurs limites. Elles sont nécessaires mais pas suffisantes ». Point noir de cette victoire contre les algues vertes, des inquiétudes légitimes vis-à-vis de la « baisse régulière depuis des années » des effectifs publics en charge de ces contrôles.
De son côté, « l’Etat prend acte de ce jugement et va apporter les réponses nécessaires, tout en poursuivant, à travers les différents dispositifs existants, son action de lutte contre les algues vertes, enjeu majeur en Bretagne », selon les mots d’Emmanuel Berthier, préfet de la région. Il n’oublie pas de préciser également, que « les services de l’État examinent les conditions d’un éventuel appel de ces jugements ».
Raz de marée verte
Naturellement présentes sur de nombreux littoraux de la planète bleue, les algues vertes deviennent dangereuses en cas d’échouages trop importants. C’est ce qui se passe le long des côtes bretonnes, où elles colorent selon les années, entre 75 et 115 sites. En se décomposant sous l’effet du soleil, les algues vertes émettent du sulfure d’hydrogène, un gaz potentiellement mortel pour les êtres vivants qui se trouvent à proximité.
Cette invasion terrienne est causée, en grande majorité, par les rejets de nitrates en provenance de l’élevage intensif. Ce scandale sanitaire qui éclabousse l’industrie agroalimentaire bretonne, a été révélé au grand public le 12 juillet, à l’occasion de la sortie du film « Les Algues vertes ». Coécrite par la lanceuse d’alerte Inès Léraud, la fiction a remporté l’adhésion collective de plusieurs mouvements green.
Alors que le film met un coup de projecteur sur l’indigence dont ont fait preuve, jusqu’à présent, les têtes d’affiche des politiques publiques, la justice réagit à son tour avec cet ultimatum. Le long métrage a-t-il joué un rôle dans ce récent rebondissement ? Mystère. En tout cas, le cinéma d’engagement semble visiblement apte à tenir le sien.
(Source AFP)