Climat et droits humains : la commission d’enquête au Sénat sur les activités de TotalEnergies se précise
Le groupe écologiste du Sénat va lancer une commission d’enquête sur TotalEnergies. L’objectif est double : examiner les investissements financiers et les activités développées par le géant pétrolier au regard à la fois des « obligations climatiques de la France » et des orientations de sa « politique étrangère ».
C’est quasi fait. Fin novembre, le média en ligne Contexte révélait qu’une commission d’enquête sur les investissements de Total pourrait être mise en place, à la demande du groupe écologiste du Sénat. Les contours sont désormais connus. Le 5 décembre, Yannick Jadot et ses collègues ont déposé une proposition de résolution « tendant à la création d’une commission d’enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France ».
Le lancement de cette procédure, dotée de moyens d’investigation importants, doit être acté par une réunion de la Conférence des présidents du Sénat le 13 décembre prochain. Une simple formalité, puisque celui-ci relève du « droit de tirage » annuel du groupe écologiste, libre de lancer une commission d’enquête par année parlementaire sur le sujet de son choix. La commission des Lois de la chambre haute sera également consultée pour juger de sa recevabilité.
Des investissements massifs vers les énergies fossiles
Dans la proposition de résolution, les sénateurs pointent du doigt l’incompatibilité des investissements et des activités de TotalEnergies avec la réduction urgente et nécessaire des émissions de gaz à effet de serre à l’origine du dérèglement climatique. Le groupe écologiste rappelle que la France s’inscrit juridiquement dans le cadre de l’Union européenne qui « vise la neutralité climatique d’ici 2050, avec un objectif de réduction de nos émissions de 55 % d’ici 2030 », comme le rapporte Public Sénat.
Or « malgré des campagnes permanentes de communication, son portefeuille d’activités et, plus dramatiquement, ses plans d’investissements restent très massivement orientés vers les énergies fossiles, pétrolières et gazières », écrivent-ils à propos de la multinationale française. En outre, les projets fossiles très émetteurs du groupe pétro-gazier « notamment en Arctique, au Mozambique, aux Émirats arabes unis ou encore en Ouganda, représentent 12 % du budget carbone restant à l’humanité pour rester sous 1,5°C de réchauffement ».
« On voit que la COP28 se déroule dans des conditions particulières, avec un impact des lobbies pétroliers et gaziers. On n’arrivera pas à décarboner avec cette pression des entreprises, comme TotalEnergies ou d’autres, dont les actions peuvent poser question », explique le président du groupe écologiste Guillaume Gontard. Selon les résultats d’une enquête d’une coalition d’ONG dévoilés le 5 décembre, près de 2500 lobbyistes des énergies fossiles ont obtenu une accréditation pour la conférence de l’ONU sur le climat à Dubaï. Un record. Dès lors, « il faut s’assurer qu’il n’y ait pas à l’étranger des activités contradictoires avec la volonté de décarbonation de la France » souligne-t-il.
« Violations des droits humains »
Le second angle proposé par les sénateurs Verts est celui des droits humains. Il faut dire que du côté de la major pétrolière, ce ne sont pas les scandales qui manquent. Les écologistes relèvent l’importance de questionner « les investissements financiers » de TotalEnergies « pouvant alimenter des situations de corruption, de conflits armés, de violations des droits humains et des libertés fondamentales ».
En juillet dernier, c’était l’ONG de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) qui faisait état, dans un rapport de 47 pages, du désastre d’EACOP, le plus grand oléoduc de pétrole brut chauffé du monde de TotalEnergies, pour les droits des populations locales. Selon les auteurs, « l’oléoduc en cours de construction […] a dévasté les moyens de subsistance de milliers de personnes en Ouganda ». Face à ce type de pratiques, les sénateurs écologistes promettent également de « formuler au gouvernement des recommandations pour permettre d’agir en matière de régulation des multinationales ».
Yannick vs. Patrick
Le premier signataire du texte est l’ancien candidat à l’élection présidentielle Yannick Jadot, fraîchement élu sénateur de Paris. En toute logique, c’est lui qui devrait être le rapporteur de cette commission d’enquête. De son côté, le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné, sera appelé à être auditionné, sans possibilité de reculer. Les personnes convoquées par une commission d’enquête sont tenues de répondre à la convocation et de prêter serment, au risque d’écoper de 2 ans de prison et de 7 500 euros d’amende.
Ces dernières années, plusieurs commissions d’enquête sénatoriales ont eu un retentissement non négligeable, sur l’affaire Benalla, le Fonds Marianne ou encore les cabinets de conseil. Patrick Pouyanné est donc prévenu.
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