Comprendre : le traité pour la haute mer

Par Anaïs Hollard , le 24 janvier 2024 — Protection de l’environnement - 5 minutes de lecture
Haute mer

© CATERS/SIPA

Après deux décennies de pourparlers, le 19 juin 2023, les États membres de l’ONU ont adopté le premier traité international pour protéger la haute mer. Un accord historique destiné à « assurer la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les eaux internationales ». Mais que dit exactement cet accord ?

Quid du traité pour la haute mer

Pour commencer, un petit point sémantique s’impose. Selon le droit de la mer, la haute mer, définie par la convention de Montego Bay (1982), désigne la partie de la mer située en dehors des zones de souveraineté et des zones économiques exclusives (ZEE) des États côtiers. Autrement dit (et en théorie), la haute mer n’appartient à personne. Ce traité a donc pour principal objectif de définir un cadre réglementaire commun, afin d’assurer la protection de cette entité, considérée comme un « bien public mondial » et qui représente pas moins de 60 % de la surface des océans et près de la moitié de la surface du globe. Comme le rappelle le gouvernement, ce texte a avant tout vocation à :

🐳 Garantir la protection du milieu marin au delà des frontières ;
🌊 Lutter contre la pollution chimique et les déchets plastiques en haute mer ;
🐟 Favoriser une gestion plus durable des stocks de poissons ;
🌡 Réguler le problème de la hausse des températures des océans et de l’acidification des eaux marines.

Cette démarche s’inscrit donc dans le cadre de l’objectif « 30 pour 30 », qui vise à préserver au moins 30 % des océans de la planète d’ici 2030, en les plaçant dans des zones protégées. À ce jour, les Aires Marines Protégées (AMP) recouvrent moins de 8 % de l’océan, et moins de 3 % de l’océan bénéficie d’une protection forte ou intégrale. Pour pallier cette carence criante, le traité fixe donc des objectifs ambitieux à commencer par :

📝 La définition d’un cadre réglementaire ;
🌏 La reconnaissance comme patrimoine commun de l’humanité ;
🌱 L’internationalisation des décisions sur les études d’impact environnemental ;
💰 Le partage juste et équitable des avantages qui découlent des ressources génétiques marines ;
🐡 La création d’aires protégées marines, pour préserver, restaurer et maintenir la biodiversité et les écosystèmes ;
👩‍🔬 La production de connaissances, d’une compréhension scientifique et d’innovations techniques.

Si les pourparlers ont débuté en 2004, cet accord représente une avancée capitale « pour faire face à la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution », rappelle António Guterres, secrétaire général des Nations Unies.

Pourquoi un traité pour la haute mer est indispensable ?

En 2019, Greenpeace publiait « le rapport 30×30 : feuille de route pour la protection des océans », issu d’une année de collaboration entre des scientifiques des universités de York et d’Oxford. L’occasion de rappeler que, comme les forêts, les écosystèmes marins de haute mer constituent une « pompe biologique », un puits de carbone, qui capture les émissions de CO2. « Sans ce service essentiel, notre atmosphère contiendrait 50 % de CO2 en plus, et la hausse des températures rendrait la terre inhabitable », souligne l’étude. En effet, d’après les observations, les systèmes océaniques fabriqueraient à eux seuls plus de la moitié de l’oxygène. Ils participent également très largement à lutter contre le réchauffement climatique, en absorbant une importante part du CO2 émis par les activités humaines, via un processus chimique. En effet, le dioxyde de carbone se dissout dans l’eau à dès lors que la température de celle-ci est inférieure à 20°C. Il est ensuite emporté par les courants marins, puis transporté vers les fonds, avant de remonter à la surface au bout d’une centaine d’années.

Les phytoplanctons sont également en mesure d’absorber le CO2, pour dégager de l’oxygène par photosynthèse, de la même façon que les arbres. En plus de produire de l’oxygène, ce phénomène permet de stocker un quart du dioxyde de carbone lié aux énergies fossiles. Deux mécanismes qui démontrent l’absolue nécessité pour les différents États de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires en vue de protéger la haute mer.

Qui a signé le traité pour la haute mer ?

Depuis l’ouverture des signatures en septembre, 83 États, parmi lesquels les États membres de l’Union européenne (UE) dont la France, ou encore les États-Unis, la Chine, les pays du Pacifique ont signé ce traité majeur pour la survie de l’Océan, ouvert à signature pendant deux ans.

À ce jour néanmoins, seuls les Palaos, petit archipel du Pacifique, ont ratifié cet accord et ont donc transformé leur intention en obligation juridique. La prochaine conférence des Nations unies sur l’Océan à Nice (UNOC 3) devrait être l’occasion de faire aboutir les 60 ratifications nécessaires avant février 2025 pour réaliser l’entrée en vigueur du traité pour la haute mer à l’UNOC 3.

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Anaïs Hollard

Captivée par les sujets liés à l’énergie, Anaïs a longtemps collaboré avec de grands acteurs du secteur, avant de choisir la voie de l’indépendance, en tant que journaliste web. Aujourd’hui, elle continue de délivrer son expertise en matière d’énergie et de transition écologique. Ses passions : la lecture, l’écriture (forcément) et les DIY créatifs !

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