Effondrement de la biodiversité : la stratégie de la France face à cette « menace existentielle »
Après avoir qualifié l’effondrement de la biodiversité de « menace existentielle », la Première ministre Elisabeth Borne a présenté fin novembre la « stratégie biodiversité » de la France. Un plan attendu depuis deux ans mais qui, pour de nombreuses ONG, préserve trop le monde agricole.
La France est le sixième pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées, inscrites sur la Liste rouge UICN. Plus de 2 700 espèces y sont en danger. C’est ce qui est écrit vert sur blanc dans la Stratégie Nationale Biodiversité 2030 (SBN), récemment dévoilée par le gouvernement. « L’effondrement de la biodiversité est si fort, si rapide, si généralisé qu’une sixième extinction menace », a déclaré Mme Borne en présentant 40 mesures destinées à « stopper l’effondrement du vivant » d’ici à 2030.
Si l’on peut s’attendre au déploiement d’un plan à la hauteur de l’urgence, la Première ministre a rapidement tempéré. Elle souhaite que les objectifs de cette stratégie suivent « un même principe : la radicalité des résultats sans la brutalité des mesures ». Cette troisième SNB doit prendre la suite des deux premières, dont les objectifs n’ont pas été atteints.
40 mesures pour « vivre en harmonie avec la nature »
Cette stratégie est censée être la déclinaison française de l’accord de Kunming-Montréal, adopté en décembre 2022 par la communauté internationale à la COP15 Biodiversité qui inclue, entre autres, la protection effective de 30% des terres et des mers, la restauration de 30% des écosystèmes dégradés et la réduction de moitié des pesticides.
Les 40 mesures sont réparties en quatre grands axes : « Réduire les pressions qui s’exercent sur la biodiversité », « restaurer la biodiversité dégradée partout où c’est possible », « mobiliser tous les acteurs » et « garantir les moyens d’atteindre ces ambitions ». Parmi les grands chantiers, Elisabeth Borne, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu et la secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité Sarah El-Haïry, s’engagent notamment à placer 10% du territoire français sous « protection forte » (contre 4,2% en 2023).
Un milliard d’euros pour la biodiversité
Sont donc prévues plus d’aires protégées avec notamment un douzième parc national dédié aux zones humides, dont l’emplacement sera connu au printemps. Trois territoires ont été sélectionnés : la Camargue (sud), la Loire (centre) et la Guyane. L’objectif est aussi de planter un milliard d’arbres, 50 000 km de haies supplémentaires et de mobiliser davantage les entreprises, en accueillant d’ici à 2030 10 000 jeunes de 16-25 ans en service civique « Jeunes et nature ».
La Première ministre a confirmé qu’un milliard d’euros allaient être consacrés à la protection de la biodiversité en 2024, en hausse de 250 millions d’euros. Parmi les nouveautés du plan, une action de « réduction de la pollution sonore sous-marine » sera engagée avec les compagnies maritimes mais aussi les activités récréatives dans les aires marines protégées, notamment en Méditerranée pour les compétitions motorisées, du type jet-ski, dès 2024.
L’agriculture, mal intégrée ?
Plusieurs associations ont cependant jugé le plan annoncé insuffisant sur la réduction des subventions agricoles dommageables à l’environnement, à propos desquelles le gouvernement promet l’élaboration en 2024 d’un plan de réorientation ou suppression « progressives ». Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue nationale pour la protection des oiseaux (LPO) a déploré les atermoiements du gouvernement à ce sujet. « On espérait un grand plan agriculture où l’on change de paradigme », a-t-il commenté.
« Si elle n’intègre pas mieux l’agriculture dans sa stratégie pour la biodiversité, la France échouera à atteindre en 2030, huit des 23 cibles du cadre mondial de la biodiversité, sur lequel elle s’est pourtant engagée il y a moins d’un an » a encore réagi Jean Burkard, directeur du plaidoyer du WWF France. « Pire », d’après lui, « elle met en scène un devoir de protection de la nature tout en maintenant un droit à sa destruction. Nous nous retrouvons dans une situation où l’argent public s’efforce de colmater à petite échelle les trous qu’il a lui-même creusé ». Sans grande surprise, le président des chambres d’agriculture, Sébastien Windsor, a quant à lui salué une volonté « d’embarquer et pas d’imposer », pour « ne pas stigmatiser telle ou telle profession ».
(Avec AFP)
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