Gaz : l’UE accro au GNL russe, une équation compliquée
L’UE et le GNL russe : une dépendance complexe malgré les tensions. Malgré la crise en Ukraine, l’UE augmente ses achats de gaz liquéfié (GNL) russe, soulignant sa dépendance aux énergies fossiles et son inquiétude face à l’hiver à venir.
En dépit de la guerre en Ukraine, l’UE a gonflé ses achats de gaz liquéfié (GNL) russe : accros aux énergies fossiles et nerveux à l’approche de l’hiver, les Européens peuvent trouver des
fournisseurs alternatifs, mais cela prendra du temps, sur un marché tendu.
Après l’invasion, Moscou avait fortement réduit ses acheminements par gazoduc à l’UE, poussant les Vingt-Sept à diversifier tous azimuts leurs approvisionnements.
Investissant dans des terminaux portuaires, ils ont ainsi gonflé de 70% l’an dernier leurs achats de GNL, transporté par navires et venu à plus de 40% des États-Unis. Les importations de GNL russe, notamment via TotalEnergies qui a beaucoup investi en Sibérie, se sont aussi envolées – le gaz ne faisant l’objet d’aucune sanction ni restriction.
Certes, la part de la Russie dans les importations de gaz de l’UE (gazoduc et GNL) est tombée à 15% au cours des sept premiers mois de 2023, contre 24% en 2022 et 45% en 2021.
Mais ce recul camoufle le bond des achats de GNL russe, à 12,4 milliards de m3 (bcm) sur janvier-juillet (17% des achats européens de GNL), contre 19,3 bcm sur l’ensemble de 2022 et 13,5 bcm pour toute l’année 2021, selon la Commission européenne. La moitié du gaz russe importé par l’UE était du GNL en janvier-juillet, contre seulement un quart l’an dernier.
« Nous pouvons et devons réduire ces livraisons russes de GNL, voire les éliminer complètement. J’exhorte entreprises et États membres à tous faire leur part », a lancé la commissaire à l’Energie Kadri Simson mi-septembre depuis Varsovie. Bruxelles rappelle qu’il s’agit d’ « un volume relativement limité », et qu’États-Unis et Norvège ont parallèlement gonflé leurs livraisons.
Les Vingt-Sept sont par ailleurs parés pour l’hiver: leurs réserves de gaz sont remplies à 90% depuis mi-août, et ils ont reconduit l’objectif de réduction de leur consommation.
« Nous sommes en meilleure position » cette année, assurait le 18 septembre le chef de l’Agence internationale de l’énergie Fatih Birol, restant cependant prudent car l’hiver peut être « plus rude que l’an dernier ».
Face à la réalité commerciale
« Les gouvernements doivent élaborer un plan d’urgence pour interdire le commerce du gaz russe qui remplit les poches de Poutine (…), alimentant la guerre et la crise climatique », s’est indignée fin août l’ONG Global Witness, avançant des estimations d’importations européennes plus élevées encore que les chiffres officiels.
Pour autant, se passer rapidement du GNL russe apparaît très compliqué dans l’immédiat, estiment les experts.
« Il existe une réalité commerciale : des entreprises européennes ont des contrats à long terme avec des fournisseurs russes » et pourraient donc ne réduire leurs achats que progressivement à mesure qu’expirent ces contrats, résume Simone Tagliapietra, de l’institut Bruegel.
Seule solution pour surmonter l’obstacle légal: instaurer un embargo sur le GNL russe ou restreindre son importation à des volumes coordonnés via une plateforme commune, à un prix plafonné, estime le chercheur, une façon selon lui de réduire l’exposition européenne « à un fournisseur non fiable »
constituant un risque géopolitique.
« Même sans livraison de GNL de Russie à partir d’octobre, l’Europe pourrait passer l’hiver, car en raison d’une baisse de la demande de la Chine », victime d’une conjoncture morose, « le marché mondial est moins tendu que prévu », rendant plus facile pour l’UE de trouver des sources alternatives, argumente M. Tagliapietra.
Mais si le GNL, transporté par navire, peut facilement être redirigé d’une région à l’autre, l’offre mondiale reste encore « limitée » alors que « les nouveaux projets annoncés ne verront pas le jour avant plusieurs années », tempère cependant Moez Ajmi, du cabinet EY.
Les sources alternatives (États-Unis, Qatar…) seraient aussi plus onéreuses : si renoncer au GNL russe a un effet, « il est négatif pour l’UE car il faudra payer le GNL plus cher puisqu’il faudra payer plus de navires » pour le faire venir de plus loin, ajoute un acteur du secteur gazier.
Pour l’heure, aucun embargo gazier n’est sur la table à Bruxelles. La possibilité d’autoriser les États membres à restreindre individuellement leurs achats de gaz russe est simplement envisagée dans une législation européenne sur le marché gazier en cours de négociations.
Plusieurs pays (Portugal, Suède…) ont déjà sabré leurs achats de GNL russe en 2022, tandis que France, Espagne et Belgique – principaux ports d’entrée du continent- gonflaient les leurs de 55% au total, selon le think-tank IEEFA.
(Avec AFP)
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