Gronde des agriculteurs : l’écologie est-elle le problème ?

Par Gaëlle Coudert , le 23 janvier 2024 — réchauffement climatique - 4 minutes de lecture
Mobilisation des agriculteurs

À l’appel de la FNSEA 64, des agriculteurs ont organisé, ce mardi 23 janvier, des points de blocage au niveau des échangeurs de Bayonne et de Pau, Crédit photo : Quentin Top/Hans Lucas via AFP

Les mobilisations d’agriculteurs se multiplient en France et en Europe. Parmi les sujets de mécontentement : la multiplication des normes environnementales. 

Tracteurs bloquant la route, panneaux de signalisation retournés, rassemblements devant les administrations ou sur les ronds-points… Ce mardi 23 janvier 2024, la colère des agriculteurs ne faiblit pas. Plusieurs autoroutes sont bloquées, notamment l’A64 en Occitanie, l’A7 dans la Drôme, l’A16 dans l’Oise, l’A63 à Bayonne ou l’A62 à Agen. « Dès aujourd’hui et toute la semaine et aussi longtemps qu’il sera nécessaire, un certain nombre d’actions vont être menées », avait expliqué lundi 22 janvier Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, au micro de France Inter. « Ce que veulent les agriculteurs, c’est redonner une forme de dignité à leur métier, c’est parler des questions de revenus et de la compétitivité », a-t-il souligné. Une gronde qui ne s’arrête pas aux frontières de la France, mais essaime aussi en Allemagne, en Pologne ou en Roumanie. 

Des doléances diverses

Lors de ses vœux à la presse du 10 janvier, Arnaud Rousseau précisait que « ces mouvements ont les mêmes ferments : l’incompréhension grandissante entre la réalité de la pratique du métier d’agriculteur sur le terrain et les décisions administratives centralisées, qu’elles soient à Bruxelles ou dans les capitales européennes, qui créent une incompréhension majeure et finalement une sorte de révolte ». Sur toute une série de « sujets brûlants », la profession « attend des réponses très claires avant le Salon de l’agriculture » (à partir du 24 février à Paris), a-t-il mis en garde.

Les sujets d’irritation vont de l’inflation aux normes environnementales, en passant par le prix du lait et des produits agricoles payés aux producteurs, les indemnisations après les intempéries ou les conséquences du réchauffement climatique. « Il y a un sentiment général d’incompréhension, une perception de non-écoute » a indiqué à l’AFP une source à la FNSEA vendredi 19 janvier. Le syndicat « fait remonter les doléances, il est en phase d’écoute avec le terrain » a ajouté cette source.

Si les agriculteurs français reprochent au gouvernement les reports du projet de loi sur l’agriculture qui entend notamment simplifier les normes applicables, le Pacte vert européen qui devrait notamment prévoir de réduire de moitié d’ici à 2030 l’utilisation des produits phytosanitaires chimiques est au centre des préoccupations. Un changement des pratiques pour lequel certains agriculteurs ne se sentent pas préparés.

Comment prendre en compte l’écologie ?

Est-ce à dire que les enjeux des agriculteurs et les enjeux écologiques sont inconciliables ? Pour la députée écologiste Sandrine Rousseau invitée par Sud Radio lundi 22 janvier, les normes environnementales « ne sont pas le sujet » du malaise des agriculteurs, pour qui « le sujet, c’est comment faire en sorte que les agriculteurs puissent exercer leur métier avec le réchauffement climatique ». « Comment fait-on pour que ça n’assèche pas totalement les ressources en eau ? Comment fait-on pour qu’on ne détruise pas le cycle de l’eau qui est le bien le plus précieux pour un agriculteur ? Comment fait-on pour que les sols soient vivants ? », a-t-elle énuméré. « J’aimerais qu’il n’y ait pas de réchauffement climatique, j’aimerais qu’il n’y ait pas 60 % des oiseaux qui aient disparu, j’aimerais qu’on continue comme avant.

Aujourd’hui, on n’est pas dans cette situation », a-t-elle souligné en déplorant « un déni permanent ». « Il va falloir produire différemment. Quand un kilo de bœuf, ça utilise 13 000 litres d’eau, nous ne pouvons plus continuer cela », a-t-elle affirmé. « C’est pour ça qu’il faut trouver d’autres sources de revenus. Il faut rémunérer les agriculteurs pour la préservation de l’environnement », a-t-elle plaidé. Le député LFI Eric Coquerel a quant à lui estimé que « la principale revendication des agriculteurs, c’est qu’ils veulent vivre de leur travail », selon l’AFP. Libération souligne que les écologistes ont été peu nombreux à réagir publiquement face à la gronde des agriculteurs, évoquant « un malaise » de ces derniers face aux demandes des agriculteurs. De son côté, la présidente des députés LFI a rappelé « la nécessité de normes environnementales ».

(Avec AFP)

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Gaëlle Coudert

Ancienne avocate parisienne reconvertie en journaliste basée dans les Pyrénées-Atlantiques, Gaëlle s’est spécialisée sur les sujets liés à l'écologie. Elle a cofondé le magazine basque Horizon(s), a été rédactrice en chef d'ID, l’Info Durable et rédige aujourd’hui des articles pour divers médias engagés dont Deklic. Ses passions : le sport (surf, yoga, randonnée) et la musique (guitariste et chanteuse du groupe Txango)

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