Clément Beaune : « Je suis devenu maniaque du gaspillage d’énergie »
Clément Beaune n’est pas éco-anxieux. Dans sa fonction, il se déplace en train ou en voiture hybride (bientôt électrique), mais, dans le privé, il alterne entre le vélo, le métro et la marche à pied. Sa fierté ministérielle est d’avoir mis en place le plus gros investissement ferroviaire depuis quatre décennies. S’il a banni le plastique dans ses usages personnels, il veut davantage se soucier du bien-être animal. Alors qu’on aborde d’habitude davantage ses annonces et actions en tant que Ministre, on vous propose cette fois en exclusivité un entretien plus personnel d’un écologiste en devenir.
Êtes-vous éco-anxieux ?
Je n’ai pas d’angoisse qui me bloque ou m’empêche de dormir. Mais je suis préoccupé et de plus en plus engagé dans ma vie quotidienne. Quand j’avais 20 ans, cette anxiété n’était pas un sujet. Elle l’est devenue et, pour la génération de mes neveux et nièces, aujourd’hui jeunes ados, l’angoisse comme le combat du climat sont des évidences. La jeunesse a mûri !
Êtes-vous dans la culpabilité en tant que consommateur ?
Souvent. Sur les questions sociales autant qu’environnementales. J’ai deux obsessions systématiques : l’origine du produit, que ce soit une tomate ou un jean, et les emballages, encore multiples avec un sentiment de gâchis terrible. Même si on progresse avec beaucoup de règles françaises et européennes.
Qu’est-ce qui vous a donné le Deklic green ?
Le discours général, la lecture, les médias. Quand j’étais ado, être écolo c’était une marginalité. Aujourd’hui, c’est une action publique et, avec beaucoup de limites bien sûr, une prise de conscience collective nettement plus forte.
Qu’avez-vous banni de votre quotidien ?
Le plastique, très largement. Et je suis devenu maniaque du gaspillage d’énergie : je chasse la lumière qui reste allumée, le chauffage trop fort…
Qu’est ce qui n’est pas écologique chez vous ?
La nourriture, je pense. J’adore la bonne bouffe et je ne fais sans doute pas assez attention aux impacts environnementaux. Via la question du bien-être animal, à laquelle je suis de plus en plus sensible, je questionne toutefois mes habitudes.
Quel est LE mot écologique du moment et pourquoi ?
TRAIN. Parce qu’il en faut plus, pour tous. Parce qu’on est en train d’y investir comme jamais ces 40 dernières années, en France et en Europe.
Comment vous déplacez-vous ?
Comme Ministre, pas mal en voiture (hybride, bientôt électrique). Personnellement, jamais en voiture, mais plutôt à vélo ou en métro. Et beaucoup à pied, car j’adore marcher dans Paris.
Quelles sont les premières étapes pour faire bouger chaque citoyen ?
La prise de conscience est le champ des possibles. La plupart des gens n’ont pas envie de polluer : si vous mesurez les conséquences et qu’on vous offre des options alternatives (des transports publics, le vélo, le covoiturage…), vous bougez, dans tous les sens du terme.
Quelles sont les remarques les plus absurdes et récurrentes que vous entendez autour de vous sur l’écologie ?
« C’est punitif ». Il faut dire la vérité : bien sûr, pour changer les comportements au-delà des initiatives individuelles, il faut des règles, des normes voire des taxes qui évoluent. Ce n’est pas une punition, c’est la base de l’action publique en tous domaines. Il faut juste doser et être juste.
Comment expliquez-vous qu’encore autant d’êtres humains ne se sentent pas concernés par l’avenir de notre planète ?
Une partie par ignorance ou par indifférence. Une large part par contrainte : quand on se bat pour vivre ou survivre, on ne peut pas faire d’effort supplémentaire. C’est là qu’on joue son rôle comme responsable politique : en créant des solutions et des mesures sociales, du leasing des voitures électriques aux transports publics subventionnés.
Quels sont les écologistes ou personnalités qui vous ont inspiré ?
Daniel Cohn-Bendit car il a d’emblée intégré une dimension pragmatique et européenne à l’écologie, c’est indispensable à l’efficacité. Laurence Tubiana aussi.
Enfant, vous sentiez vous déjà concerné par l’avenir de notre planète ?
Oui, mais honnêtement moins qu’aujourd’hui. Je fais partie de la génération pour laquelle le premier débat mondial connu sur l’environnement, c’était le trou dans la couche d’ozone. Ça nous a utilement stressés. Dans mon éducation, quelque chose a toujours été présent : la lutte contre toutes les formes de gaspillage et de surconsommation.
Comment éduquez-vous vos enfants pour qu’ils soient éco-responsables ?
Je n’ai pas d’enfant, j’ai des neveux et nièces. Je leur parle de transports et, pour les comportements de la vie quotidienne, ce sont plutôt eux qui m’éduquent !
Pourriez-vous vivre dans un écolieu ?
Pas au sens d’une communauté isolée. Mais faire de nos villes des lieux de vie neutres en carbone, des transports aux déchets, c’est un engagement que je veux développer !
Comment faire pour que votre métier soit plus écolo ?
En investissant plus, plus vite, dans le rail et les transports publics.
Si vous étiez président de la République, vous…
Je me donnerais un budget encore meilleur !
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