L’interview écolo de Thomas Dutronc : « Le plastique et tous les gadgets inutiles m’exaspèrent »

Par Joséphine Simon-Michel , le 24 juillet 2023 — interview - 7 minutes de lecture
Thomas Dutronc, Crédit Nivière/SIPA

Thomas Dutronc, Crédit Nivière/SIPA

Dans son petit village Corse, il se réjouit d’avoir sept types de déchets à trier. À 50 ans, le chanteur Thomas Dutronc déplore la surconsommation et rêve d’un monde dans lequel chaque être humain agit individuellement pour préserver notre planète. Sa maman, en avance sur son temps, lui a transmis sa sensibilité pour l’écologie dès son plus jeune âge en l’habituant à manger bio et en le responsabilisant pour qu’il adopte des gestes simples mais efficaces pour l’environnement.

Etes-vous éco-anxieux ?

Un peu. Je trouve les gens globalement irresponsables en matière d’écologie ! Mais pas seulement… Irresponsables dans d’autres domaines aussi. Toujours à critiquer, plus rarement à faire ou à rester humbles. Toujours à penser à leur nombril plutôt qu’aux autres… On en devient légèrement misanthrope !

Etes-vous dans la culpabilité en tant que consommateur ?

Non car je fais plutôt très attention ! J’achète tout en bio « supérieur », c’est à dire du bio historique … Et puis mes autres dépenses vont principalement vers des luthiers ou des viticulteurs ! Le plastique et tous les gadgets inutiles m’exaspèrent. On met des normes de plus en plus draconiennes en France et en Europe. Mais si l’Inde et la Chine ne font pas comme nous, non seulement on va encore perdre en compétitivité mais surtout ça ne changera rien au niveau du réchauffement climatique.

Quels sont vos gestes simples mais efficaces en matière d’environnement ?

Le tri sélectif poussé. En Corse, dans ma commune, nous avons sept sortes de déchets à trier.
C’est dommage que la dictature du vélo à Paris n’ait pas été plutôt celle du tri sélectif ! Il reste tant de progrès à faire à Paris, et ailleurs. Il faut croire que les mesures réfléchies ne sont pas les priorités de la mairie. Dans nombre de quartiers parisiens, à peine les travaux ont été terminés qu’on a tout recassé. Gouverner c’est surtout prévoir.

Ensuite je fais attention à l’eau en me lavant, aux WC… J’éteins toujours les lumières dès que possible quand d’autres gens laissent tout allumé. Je consomme des fruits et légumes de saison et je bannis la nourriture industrielle. Pour mes tournées, je privilégie le train à l’avion.

Quel geste avez-vous complètement banni de votre quotidien ?

L’utilisation de crèmes solaires mauvaises pour les océans.

Qu’est-ce qui vous a donné le deklic green ?

Petit à petit le réchauffement climatique est devenu une triste réalité.

Qu’est-ce qui n’est pas écologique chez vous ?

Je prends des taxis, souvent verts car je suis avec une ou deux guitares, des sacs remplis de câbles et autres pédales pour guitare ainsi que des costumes. Et de toute façon, le vélo à Paris me fait peur.

Et puis je prends l’avion pour aller en Corse car je n’ai pas trop le choix… J’ai beau être bon nageur…

Quel est LE mot écologique du moment et pourquoi ? 

Éco-responsable ! C’est à chacun de faire des petits gestes… Mais encore une fois, si tous les Français devenaient soudain irréprochables, du moment que les Indiens et les Chinois ne font rien, ça ne changera absolument rien.

C’est quoi pour vous être écolo ?

Faire attention à notre Terre, aux animaux, aux êtres humains, être conscient que l’homme est le plus gros pollueur de la planète.

Faites-vous attention à votre empreinte/bilan carbone ? 

J’essaie de réduire un peu les dépenses et les consommations d’énergie. J’ai baissé les températures de un degré chez moi.

Comment faire pour que votre métier soit plus écolo ?

Je joue déjà beaucoup de guitare acoustique ! (rires) Plus sérieusement, on fait de petits efforts sur les piles, les jeux de cordes à recycler, le train… D’ailleurs, à ce propos, je me suis battu pour que les contrebassistes puissent être libres de voyager en train. Ils n’ont d’ailleurs pas le choix mais la SNCF s’est mise à les verbaliser de plus en plus souvent pour « objet encombrant » alors que c’était toléré depuis toujours… La seule autre solution pour ces contrebassistes serait de prendre leur voiture. Compliqué quand on habite le Sud par exemple et qu’on doit jouer un soir à Paris, le lendemain en Bretagne… Et niveau pollution le train est beaucoup mieux.

Quelles sont les premières étapes pour faire bouger chaque citoyen ?

Il suffit d’informer tout le monde des soucis de notre planète. Et ce serait bien aussi que l’écologie ne soit pas systématiquement à gauche politiquement. La planète et la pollution, ça concerne tout le monde. Il ne faudrait pas que les partis verts braquent les électeurs d’une sensibilité plus à droite.

Comment expliquez-vous qu’encore autant d’êtres humains ne se sentent pas concernés par l’avenir de notre planète ?

Par connerie, lâcheté, égoïsme … et la saleté des gens est hélas une réalité.

Quels sont les écologistes ou personnalités qui vous ont inspirés ?

Ce sont plutôt des scientifiques que des politiques : Jean-Marie Pelt, Hubert Reeves, Konrad Lorenz.

Enfant, vous sentiez-vous déjà concerné par l’avenir de notre planète ?

Oui, ma mère était déjà très écolo et très bio dans les années 70. Elle se ravitaillait dans un petit magasin rue Sarrette dans le XIVeme à Paris. Les sodas et autres bonbons industriels ne rentraient pas chez moi ! On mangeait tout le temps des salades et crudités. Ma mère était déjà en avance sur son temps. 

Selon vous, où en serons-nous dans 50 ans ?

Mal barrés ! Vu le nombre que nous serons même avec beaucoup de morts dus à la pollution, nous, les humains, seront encore majoritaires à salir notre belle planète !

En 1974, René Dumont (mort en 2001) premier candidat écologiste à l’élection présidentielle et chercheur ingénieur agronome est passé pour un hurluberlu lorsqu’il a déclaré à la télévision que la planète manquerait d’eau potable dans les 40 prochaines années. Qu’aimeriez-vous pouvoir lui dire ?

On parle des années 70, c’était l’éveil des consciences écologiques malgré tout ! Je me rappelle des dessins animés comme Barbapapa, Watoo-Watoo, Spectreman ou d’autres qui étaient vraiment ultra écolos et faisaient passer des messages aux enfants. Je ne saurais pas trop quoi lui dire sinon que les gens n’étaient hélas pas prêts à l’entendre…

Comment éduquez-vous les enfants pour qu’ils soient éco-responsables ?

Les enfants d’aujourd’hui sont tout de même plus écolos avec tout ce qu’on leur montre et apprend à l’école. Il faut leur apprendre à trier et à ne pas ingurgiter des boissons ou nourritures industrielles !

Si vous étiez président de la République, vous…

Si j’étais président de la République, je répéterais plus volontiers que la surpopulation est la première cause de pollution. J’essaierais de parler un peu plus du reste du monde aux Français, tellement centrés sur eux-mêmes qu’ils en sont fatigants… J’arrêterais de chercher à ménager la chèvre et le chou. C’est la tendance depuis un bon moment, et je la comprends fort bien, mais je la déplore… Un peu plus de franc parler et moins de prompteur nous feraient du bien !

Pour aller plus loin :

🎤 L’interview écolo de Kareen Guiock-Thuram : “Nous vivons au-dessus des moyens de la Terre »

🎤 L’interview écolo d’Alexandra Rosenfeld : “Si rien ne change, l’humanité en paiera le prix”

🎤 L’interview écolo de Gil Alma : “Je suis devenu végétarien il y a 10 ans « 

Joséphine Simon-Michel

Journaliste infotainment, Joséphine excelle dans l'art des interviews. Pour Deklic, elle interroge des personnalités de différents univers (cinéma, télé, humour, politique…), toutes engagées pour la protection de l’environnement et conscients que la transition écologique est l’affaire de tous.

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