La colère monte face au grand projet de Canal Seine-Nord Europe

Par Anaïs Hollard , le 18 décembre 2023 - 4 minutes de lecture
Chantier du canal pour les navires de grands gabarits à travers la région picarde et l'Oise

© Mario Fourmy

Ils étaient près de 200 réunis ce samedi 16 décembre à Compiègne, sur les bords de l’Oise, pour manifester contre le grand projet de canal Seine-Nord Europe. Étudiants, militants de la première heure et riverains se sont rassemblés pour dénoncer une construction anti-écologique masquée sous un argumentaire environnemental.

Un argumentaire écologique en trompe l’œil

Comme le rappelle le site dédié au projet, « le Canal Seine-Nord Europe est un Canal à grand gabarit qui reliera Compiègne dans l’Oise à Aubencheul-au-Bac dans le Nord. Maillon central de la liaison fluviale Seine-Escaut, il traversera les Hauts-de-France et permettra aux péniches à grand gabarit de circuler efficacement entre la France, la Belgique et les Pays-Bas ». Au programme donc, 107 kilomètres de canal, qui traverseront pas moins de 64 communes et un projet présenté comme « écologique par nature » puisqu’il serait supposément une alternative à l’autoroute A1, engorgée par les camions de marchandises qui la traversent quotidiennement. Toutefois, ce samedi 16 décembre, ils étaient plusieurs dizaines à ne pas partager l’avis de la SCSNE, le maître d’ouvrage du Canal Seine-Nord Europe.

Pour Pierre Parreaux, fondateur du Comité de liaison pour des alternatives aux canaux interbassins (CLAC), l’argumentaire écologique invoqué ne tient pas et il le fait savoir, citant au passage le rapport Massoni-Lidsky de 2013 sur le projet : « On ne désengorge pas une autoroute avec un canal car c’est de nature très différente. Les études montrent que seulement 3-4 % du trafic autoroutier pourrait être pris en charge par le canal. Je lutte donc contre ce faux-semblant ». Un pourcentage anecdotique, pour un projet qui ne l’est pas. Ils étaient donc presque 200 lors de cette fête de l’eau improvisée sur les bords de l’Oise à partager les conclusions de Pierre Parreaux et se sont attelés à animer les stands d’information qui visaient à « déconstruire les bienfaits supposés de ce projet pas si environnemental que ça ».

Réhabilitation contre construction

Pour les manifestants du Collectif contre le canal, interrogés par Oise Hebdo, s’en est trop. 

« Nous voulons protéger une rivière que le grand capital pense qu’il va malmener. C’est pour ça que nous célébrons le vivant et l’eau. L’Oise, notre rivière, est déjà fragile. Ce “projet du siècle” va à rebours des problèmes d’eau et de l’arrêt de l’artificialisation des terres agricoles. Cette autoroute fluviale va consommer énormément d’eau, pour une faible réduction des émissions de CO2. Il va surtout contribuer aux flux de marchandises internationaux. Ça perpétue le modèle et ça va à rebours de la relocalisation » assène Chat Sauvage, l’une des militantes. Pas question toutefois pour ces manifestants de remettre en question les vertus du transport fluvial, puisqu’ils appellent avant tout à l’abandon de ce projet à 5,1 milliards d’euros, au profit d’une réhabilitation des canaux existants. « On a déjà des canaux qui sont laissés à l’abandon, on a des liaisons nord-sud qu’il faudrait réhabiliter et moderniser » précise d’ailleurs Mathis, étudiant ingénieur à l’Université Technologique de Compiègne (UTC), qui dénonce au passage la démesure du projet et l’absence de solutions réelles proposées pour faire face à la surexploitation des transports routiers : « On n’a pas besoin d’un projet gigantesque alors qu’on ne fait rien pour diminuer réellement le fret routier. Nous, on défend, des modes de transports et une économie à échelle humaine », dit-il. Si les travaux ont déjà débuté, pour les militants, il est encore temps d’y mettre un terme.
Si ces voix ne sont pas entendues, le canal Seine-Nord devrait toutefois être mis en service d’ici 2030.

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Anaïs Hollard

Captivée par les sujets liés à l’énergie, Anaïs a longtemps collaboré avec de grands acteurs du secteur, avant de choisir la voie de l’indépendance, en tant que journaliste web. Aujourd’hui, elle continue de délivrer son expertise en matière d’énergie et de transition écologique. Ses passions : la lecture, l’écriture (forcément) et les DIY créatifs !

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