Le Parlement Européen vote une résolution contre l’exploitation minière des fonds marins

Par Charlotte Combret , le 7 février 2024 - 5 minutes de lecture
Un rassemblement pour stopper le deep sea mining devant le Parlement européen en mars 2023

Un rassemblement pour stopper le deep sea mining devant le Parlement européen en mars 2023. Crédit : Kenzo Tribouillard / AFP

Ce mercredi 7 février, le Parlement européen a voté une résolution pour exiger un moratoire sur l’exploitation des fonds marins (« Deep sea mining »), à l’heure où la Norvège prévoit d’explorer les eaux profondes de l’Arctique. Une nouvelle victoire pour les défenseurs des océans ! 

« Pas les mots » réagit sur Instagram Anne-Sophie Roux, responsable de l’exploitation minière en eaux profondes pour l’Europe à la SOA, à l’annonce du résultat. À 523 votes pour et 34 contre, le texte est largement adopté. Voilà qu’un signal fort est envoyé à la Norvège sur sa volonté de promouvoir l’exploitation minière en eaux profondes dans l’Arctique. « L’adoption de cette résolution intervient alors que la résistance mondiale à cette industrie a atteint un niveau record » partagent collectivement La Deep Sea Conservation Coalition (DSCC), l’Environmental Justice Foundation (EJF), Greenpeace, Seas at Risk (SAR), Sustainable Ocean Alliance (SOA) et le Fonds mondial pour la nature (WWF), dans un communiqué publié dans la foulée.

Cette résolution appelle la Commission européenne, les États membres et tous les pays à appliquer l’approche de précaution et à promouvoir un moratoire sur l’exploitation minière en eaux profondes, y compris au sein de l’Autorité internationale des fonds marins, expliquent les organisations. « Nous nous félicitons de cette résolution du Parlement européen qui réaffirme son appel à un moratoire sur cette industrie destructrice et risquée avant qu’elle ne commence. Alors que la dynamique en faveur d’un moratoire s’amplifie au niveau mondial, nous appelons la Norvège à revenir sur sa décision avant que des dommages irréversibles ne soient infligés à nos océans », a déclaré Sandrine Polti, responsable de la DSCC pour l’Europe.

Le plan de la Norvège tombe à l’eau ? 

Si cette résolution est à l’ordre du jour, c’est qu’elle fait suite à la décision prise le 9 janvier 2024 par le Parlement norvégien d’autoriser l’exploitation minière en eaux profondes sur plus de 280 000 kilomètres carrés – soit une superficie équivalente à celle de l’Italie – dans la zone sensible de l’Arctique. Un projet controversé qui avait fait l’objet d’une mobilisation massive de la part de la communauté internationale : scientifiques, ONG, activistes et membres de la société civile. Plus de 550 000 signatures ont à ce jour été apposées sur la pétition lancée en opposition à cette décision.

« À l’heure actuelle, nous ne disposons pas de connaissances scientifiques solides, complètes et crédibles permettant une évaluation fiable des impacts de l’extraction minière en eaux profondes. Toute activité minière irait donc à l’encontre de l’engagement de la Norvège en faveur de l’approche de précaution, de la gestion durable et des obligations internationales en matière de climat et de nature » explique l’activiste Anne-Sophie Roux. 

De son côté, Kaja Lønne Fjærtoft, responsable de la politique mondiale d’interdiction de l’exploitation minière des grands fonds marins pour le WWF International déclare que « La décision du gouvernement norvégien d’ouvrir la voie à l’exploitation minière en eaux profondes passe outre les recommandations de ses propres organes d’experts, de scientifiques de renom, d’universités, d’institutions financières et de la société civile. En tant que leader autoproclamé dans le domaine des océans, la Norvège devrait être guidée par la science. Les preuves sont claires : pour un océan sain, nous avons besoin d’un moratoire mondial sur l’exploitation minière des grands fonds marins ».

24 pays appellent à un moratoire

La pêche européenne, la sécurité alimentaire, la biodiversité marine de l’Arctique et les impacts transfrontaliers sur les pays voisins figurent parmi les sujets d’inquiétude qui entourent cette potentielle nouvelle industrie. En ne remplissant pas les critères de l’évaluation stratégique de l’impact sur l’environnement, la Norvège pourrait en outre être en infraction avec le droit national et international, rappellent les associations.

« Les écosystèmes arctiques sont déjà soumis à d’énormes pressions en raison du changement climatique. Si l’exploitation minière en eaux profondes est autorisée, elle pourrait perturber le plus grand puits de carbone au monde – les eaux profondes – et entraîner une perte irréversible et permanente de la biodiversité marine à l’intérieur et au-delà des eaux norvégiennes. Nous ne pouvons pas laisser faire cela » prévient Simon Holmström, responsable de la politique d’exploitation minière en eaux profondes à Seas At Risk. 

À ce jour, 24 pays – dont 7 pays de l’UE (la Finlande, la France, l’Allemagne, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et la Suède) – appellent à un moratoire ou à une pause dans l’industrie. Mêmes des multinationales telles que Google, Samsung, Northvolt, Volvo et BMV se sont engagées à ne pas s’approvisionner en minerais provenant des fonds marins. 

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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