« Les Algues vertes » : lumière sur le film qui retrace cette enquête noire
Sorti en salles en juin 2023, le long métrage événement de Pierre Jolivet est désormais disponible en VOD. Adapté de la bande-dessinée « Les Algues vertes, l’histoire interdite » (éditions Delcourt, 2019), il retrace l’éprouvant combat d’une lanceuse d’alerte qui, contre vents et marées, veut faire éclater la vérité. Notre avis.
Alerte verte !
L’histoire est celle d’une journaliste d’investigation, Inès Léraud, interprétée par l’actrice Céline Sallette. Après avoir eu vent d’étranges disparitions le long du littoral breton, elle part s’y installer pour mener son enquête. Sur place, la lanceuse d’alerte se heurte à des murs bien épais derrière lesquels se terrent en silence les lobbies de l’agroalimentaire, les syndicats agricoles et même les autorités publiques.
Il faut dire que ses découvertes ont eu l’effet d’un raz-de-marée au sein du microcosme breton. Inès Léraud révèle le lien entre l’utilisation de produits phytosanitaires par l’agro-industrie locale et la prolifération d’algues vertes à l’origine du décès de plusieurs habitants et animaux. En se décomposant, ces dernières dégagent de l’hydrogène sulfuré (H₂S), un gaz hautement toxique qui, en quelques minutes seulement, peut s’avérer fatal pour celles et ceux qui l’inhalent.
Petits secrets sur grand écran
S’il s’agit d’un film de fiction, coécrit par la protagoniste elle-même quelques années après la publication de son roman graphique éponyme, ce drame sanitaire et écologique n’en reste pas moins tristement réel.
Alors que le fléau des algues vertes aurait fait sa première victime humaine en 1989, l’omerta ne semble toujours pas complètement levée. C’est ce qu’explique Pierre Jolivet, pour qui le tournage s’est transformé en véritable parcours du combattant. « Vous ne pouvez pas savoir le nombre de personnes qui ne voulaient pas qu’on tourne…» a-t-il confié à l’AFP. Les enjeux économiques qui entourent l’agriculture intensive et le tourisme local sont tels que leurs défenseurs ont tout intérêt à noyer le poisson.
Engagé depuis plusieurs années dans un cinéma social, le réalisateur aimerait cependant que « ces gens se réconcilient, se parlent ». Le film pourrait-il délier les langues et renouer le dialogue en direction d’une agriculture plus raisonnée ? Affaire à suivre. Ce qui est sûr en revanche, c’est que « Les Algues vertes » a déjà fait des vagues auprès du grand public. Pour de nombreuses personnalités militantes, comme Cyril Dion, le long métrage est même considéré d’utilité publique.
Des héros qui démasquent
On ne peut que leur donner raison ! À la manière d’un thriller haletant, le film nous fait plonger la tête la première dans l’intrigue, pour finalement nous encourager à la sortir de l’eau. Les causes et conséquences de ces marées vertes bretonnes et la fabrique du silence qui s’est tissée autour d’elles nous sont racontées avec précision.
Ce scandale d’État aurait pu prendre la forme attendue d’un documentaire. Il investit pourtant le cadre de la fiction. Résultat, nous voici propulsés dans les baskets, plus au moins confortables, d’Inès Léraud. Ce point de vue nous permet d’entrevoir aussi celui d’autres parties, en apparence adverses. C’est le cas pour le personnage d’un agriculteur, coincé dans les rouages d’une agriculture intensive qui le broie.
Dans la veine des personnages de « Dark Waters », « La fille de Brest » ou encore « Erin Brockovich, seule contre tous », ce genre de super-héros engagés, incarnée ici par Inès Léraud, nous inspire par sa soif inétanchable de vérité. Son pouvoir ? Une pugnacité à toute épreuve, mais aussi, un entourage solide. Au milieu des messages politiques portés par le film, se cache en effet, une relation précieuse entre la journaliste et sa compagne.
Puis le générique défile. La salle se vide et nous laisse emplis d’émotions contraires. Un « on ne s’en sortira jamais » plutôt résigné côtoie un nouvel élan de révolte, de celles qui poussent à l’action.
Trois points à retenir :
🌱 La Bretagne est la première région agroalimentaire d’Europe. Le secteur représente 40,1 % des emplois industriels régionaux.
🌱 Suite à la disparition des barrières naturelles, les nitrates provenant des engrais et du lisier des animaux d’élevage se déversent en partie dans les rivières et finissent dans la mer. Leur présence entraîne la prolifération des algues vertes.
🌱 Selon les années, entre 75 et 115 sites bretons sont touchés par le phénomène des algues vertes. Seules 40 à 50 communes ramassent les algues échouées.
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