Les transports en commun deviennent gratuits à Montpellier 

Par Charlotte Combret , le 22 décembre 2023 - 5 minutes de lecture
Le centre historique de Montpellier

Le centre historique de Montpellier. Crédit : Franck Guiziou / Hemis / AFP

Depuis hier soir, les transports en commun sont gratuits pour les 500 000 habitants de la métropole. À l’heure où Montpellier devient la plus grande collectivité française engagée dans une telle démarche, dans le centre-ville, les habitants célèbrent.

Et l’une des plus grandes à l’échelle européenne. Précurseur, la capitale estonienne Tallinn avait rendu les transports en commun gratuits à 445 000 habitants en 2013. Sept ans plus tard, c’est le Luxembourg qui avait pris cette décision en faveur de ses 650 000 habitants. En France, une quarantaine de collectivités ont déjà franchi ce pas, parmi lesquelles Dunkerque, Aubagne ou Compiègne, mais toutes sont moins peuplées que la métropole de Montpellier et ses 31 communes.

« La gratuité des transports, c’est une idée de l’engagement européen, du Green New Deal, à savoir le climat et le pouvoir d’achat », a expliqué le maire de Montpellier Michaël Delafosse jeudi à l’AFP. « On a décidé de monter ici une association pour aider d’autres maires européens à faire ce choix », a-t-il ajouté, se félicitant de voir que le gouvernement espagnol s’apprête à lancer « la gratuité des transports pour l’été ». À Montpellier, avant la gratuité, la facture annuelle totale des abonnements de transport urbain s’élevait à 1 472 euros pour un couple avec deux enfants. « Vu le prix de l’essence, cette mesure peut aider à réduire l’utilisation de la voiture », commentait mercredi Audrey Benezech, 46 ans, directrice d’une agence de voyage.

Mise en place progressive du « pass gratuité »

Promesse de campagne du maire socialiste de Montpellier, cette gratuité s’est imposée étape par étape, comme à Dunkerque ou Tallinn. En 2020, elle a été déployée les week-ends pour tous les habitants de Montpellier Méditerranée Métropole, puis élargie en 2021 à la semaine entière pour les moins de 18 ans et les plus de 65 ans. Depuis ce jeudi 21 décembre à 18h30, elle concerne donc tous les habitants munis d’un pass gratuité, disponible sur smartphone ou via une carte. L’usager ne validera plus mais devra justifier, en cas de contrôle, d’un pass valide, renouvelable chaque année avec un justificatif de domicile.

« Nous avons équipé toutes les rames de tramways de cellules compteuses. Elles comptent, grâce à un faisceau lumineux, le nombre de personnes entrantes et sortantes. Cela nous aidera à objectiver notre politique de gratuité », détaille Julie Frêche, vice-présidente déléguée aux transports. Avant le début de la mise en place de cette gratuité, les abonnés aux transports en commun étaient 86 000, selon des chiffres obtenus par l’AFP. Mi-décembre, à quelques jours du lancement de la gratuité, ils étaient 260 000.

Ticket payant pour les non-Montpelliérains

Pour les habitants extérieurs à la métropole comme pour les touristes, le ticket (1,60 euros l’unité) restera payant et pourrait même augmenter. Un choix critiqué par l’opposition, qui y voit un frein au report modal. « On loupe la cible », déplore Alenka Doulain, élue du groupe MUPES (Montpellier, union populaire écologique et sociale). Le pôle d’emplois de Montpellier Méditerranée Métropole attire beaucoup « d’actifs résidant sur les territoires voisins et génère de nombreux déplacements domicile-travail », selon l’Insee. « Ces personnes ont déjà dû renoncer à habiter dans la métropole à cause de la pression foncière » et ne verront pas d’amélioration du transport, regrette l’élue.

Pour compenser le manque à gagner sur la billetterie, la collectivité s’appuiera sur le versement mobilité, une taxe due par les entreprises de plus de onze salariés, qui progresse depuis trois ans. Elle prévoit également des économies de près de deux millions d’euros grâce à la suppression des valideurs et donc de leur entretien. En 2022, les recettes de la billetterie représentaient 39 millions d’euros, abondées à 90% par les habitants métropolitains.

Qualité dégradée ?

Face aux craintes d’une baisse de qualité du service, la métropole a répondu par des investissements d’envergure : 70 nouveaux bus électriques et 77 nouvelles rames de tramway ont été achetés pour 224 millions d’euros. La métropole montpelliéraine espère une hausse de fréquentation de 20%. En 2019, avant la crise sanitaire, le nombre de voyages dans cette collectivité réputée pour le développement de son tramway atteignait près de 84 millions, selon un rapport de 2023 de la Chambre régionale des comptes. Celle-ci mettait cependant en garde : avec « la mise en place progressive de la gratuité, l’offre de transport proposée a été dégradée » et a « conduit à réduire la fréquence de passage sur plusieurs lignes ».

En attendant, à Montpellier, l’heure est à la fête. Sur la place de la Comédie, au centre de cette ville étudiante, deux tramways colorés remplis de passagers, certains déguisés, se sont immobilisés pour marquer le passage à la gratuité au milieu d’une foule joyeuse.

(Avec AFP)

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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