L’interview écolo de Philippe Vandel : « Être écolo, c’est agir local, penser global »
Récemment, il a troqué son scooter pour le vélo. Le journaliste et chroniqueur Philippe Vandel n’est pas donneur de conseils mais il porte un discours pointu sur l’environnement. Pour lui, être écolo, c’est agir local et penser global.
Êtes-vous éco-anxieux ?
Comme tout le monde. Il suffit d’ouvrir un journal ou allumer une radio pour le devenir.
Quels sont vos gestes simples mais efficaces en matière d’environnement ?
Avoir remplacé le scooter pour le vélo pour circuler à Paris. J’aime beaucoup la loi qui a interdit les sacs plastiques jetables, par exemple. Mais hélas, cette mesure n’est pas mondiale. Le continent de plastique au milieu des océans est un problème planétaire.
Quels gestes avez-vous complètement banni de votre quotidien ?
Depuis très longtemps : ne pas acheter de nouveaux vêtements à tort et à travers. Je porte encore les T-shirts que j’avais dans nulle part ailleurs au XXe siècle. Il ne faut pas hésiter à répéter ces chiffres : le textile est la deuxième cause de pollution industrielle dans le monde. C’est 10 % des émissions de CO2 dans le monde. Au même niveau que l’informatique. NB : c’est seulement 2,5 % pour l’aviation. Autrement dit, le textile génère 4 fois plus de CO2 que l’aviation. Idem pour l’informatique.
Qu’est-ce qui vous a donné le deklic green ?
Une très ancienne conversation avec Léon Mercadet, journaliste à Actuel, qui m’a convaincu de l’importance de l’enjeu environnemental. C’était en 1987 ou 1988.
Qu’est ce qui n’est pas écologique chez vous ?
Le simple fait d’exister. Comment vivre au XXIe siècle sans extraire des ressources de la terre? Si vos lecteurs lisent cet article sur tablette, cela consomme de la ressource électrique, donc du CO2 ; si c’est en version papier : il aura fallu, en plus, abattre des arbres ! Je ne partage pas leur avis, mais je comprends l’argument des jeunes qui ne veulent pas d’enfants.
Comment vous déplacez-vous ?
À vélo. Electrique à l’aller, pour ne pas arriver transpirant au bureau et musculaire au retour.
C’est quoi pour vous être écolo ?
Agir local, penser global. Je ne comprends toujours pas comment les verts allemands peuvent préférer au nucléaire civil, le charbon qui est l’industrie la plus polluante. Je ne comprends toujours pas comment des comédiennes osent nous donner des leçons d’écologie avant de filer en croisière sur un yacht privé.
Quelles sont les premières étapes pour faire bouger chaque citoyen ?
J’ai l’impression que les citoyens veulent bouger. Le problème, c’est la volonté politique qui manque. Par exemple : les ZFE, les zones à faible émission. De mémoire, cela faisait partie des promesses de campagne de la nouvelle municipalité de Marseille et aussi de Lyon et de Bordeaux. Une fois parvenues à la mairie, ces équipes se sont rendues compte que l’application de cette mesure allait mettre la ville sens dessus dessous. L’élection passée, la promesse a été enterrée.
Un autre exemple ? Selon l’OMS, le diesel (la pollution de l’air – ndlr) cause (rien qu’en France) entre 44 000 et 48 000 morts par an. Imaginez un gouvernement qui décide d’interdire le diesel : il est certain de perdre les prochaines élections…
Quelles sont les remarques les plus absurdes et récurrentes que vous entendez autour de vous sur l’écologie ?
Une image. Voir dans des sujets du 20 heures de grandes chaines des images de tours de refroidissement de centrales nucléaires pour illustrer la pollution par le CO2, à cause du réchauffement climatique. Pour info, ce panache blanc au-dessous des énormes cheminées, c’est de la vapeur d’eau. De l’eau, les gars, de l’eau…
Comment expliquez-vous qu’encore autant d’êtres humains ne se sentent pas concernés par l’avenir de notre planète ?
Il y a déjà tellement d’êtres humains qui sont d’abord concernés par leur avenir à eux : pouvoir manger à leur faim et nourrir leur famille. C’est l’éternel débat : fin du mois contre fin du monde. Pour reprendre un exemple précédent : les Français modestes qui roulent en diesel ont rarement les moyens de s’acheter une voiture neuve, électrique voire même à essence.
Quels sont les écologistes ou personnalités qui vous ont inspiré ?
René Dumont le premier, évidemment. Puis pour le mensuel Actuel, pro-écolo avant l’heure, où j’ai débuté en presse écrite, j’avais rencontré les trois principaux leaders écologistes des années 90 : Brice Lalonde, Antoine Waechter, et Dominique Voynet, qui est devenue ministre. Chez eux. Des rencontres très intéressantes.
Enfant, vous sentiez vous déjà concerné par l’avenir de notre planète ?
Ni moi ni aucun gamin des années 60. Quand j’étais enfant, il y avait 3 milliards d’humains sur terre. Désormais, c’est plus du double. Quand j’étais enfant, le milliard de Chinois vivait comme au XIXe siècle, la population roulait à vélo, les maisons n’avaient même pas l’électricité. Alors la climatisation…
En revanche, mon grand-père maternel habitait les Alpes-de-Haute-Provence, dans la vallée de l’Ubaye. On allait souvent se balader en montagne, en voiture ou à pied, et nous étions déjà très concernés par la défense de l’environnement. Lui-même avait été douanier entre la France et l’Italie, au col de Larche. Il a parcouru les sentiers de montagne pendant toute sa vie. Il fustigeait les gens qui abandonnaient leurs détritus dans la nature.
Selon vous, où en serons-nous dans 50 ans ?
Comme disait Jacques Chirac : les prévisions sont difficiles, surtout quand elle concernent l’avenir.
En 1974, René Dumont ( mort en 2001) premier candidat écologiste à l’élection présidentielle et chercheur ingénieur agronome est passé pour un hurluberlu lorsqu‘il a déclaré à la télévision que la planète manquerait d’eau potable dans les 40 prochaines années. Qu’aimeriez-vous pouvoir lui dire ?
Qu’il avait raison, et qu’il s’était aussi trompé. Heureusement.
Comment éduquez-vous vos enfants pour qu’ils soient éco- responsables ?
Ce sont eux qui m’éduquent !
Dans un récent rapport, la Cour des comptes appelle à élever moins de vaches pour respecter les engagements français de réduction des émissions de méthane. Qu’en pensez-vous ?
C’est une bonne idée, mais comme toute mesure, elle a son revers. Cela va déplacer le problème dans d’autres pays, augmenter les importations de viande bovine, et faire baisser encore le revenu des éleveurs français. Pour qu’une mesure écologique soit efficace, il faut qu’elle soit mondiale.
Je parlais des sacs plastiques. Je suis tombé l’autre jour sur une statistique. Les sacs plastiques sont interdits en France. Très bonne chose. Toutefois, selon une étude du WWF de 2019, 600 000 tonnes de plastique sont rejetées chaque année en Méditerranée. En détail : la France rejette 10 000 tonnes, mais l’Égypte rejette à elle seule 250 000 tonnes de plastique par an en mer, soit près de la moitié du total méditerranéen ! Et la Turquie suit avec 110 000 tonnes!
Comment faire pour que votre métier soit plus écolo ?
Comme la plupart des médias sont à Paris, il faudrait faire en sorte que la ville soit mieux équilibrée socialement. Toutes les grandes chaînes de télévision et les grandes radios sont à l’ouest de Paris. Et à part les chefs, la plupart des journalistes habitent à l’est, car Paris est devenue trop chère. L’écologie rejoint le bon sens : il faudrait être capable d’habiter près de son lieu de travail. C’est valable pour toutes les professions d’ailleurs.
Si vous étiez président de la République, vous…
Ah ah ah ! Eternelle question. Si j’étais président de la République, je changerais de métier…
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