L’Observatoire du loup en guerre contre l’Office français de la biodiversité

Par Anaïs Hollard , le 29 décembre 2023 - 5 minutes de lecture
Loups

©Virginie Clavieres/SIPA

Tantôt craint, tantôt admiré, le loup ne cesse en tout cas pas de susciter de nombreuses réactions. Cette fois-ci, c’est l’Observatoire du loup, l’association qui œuvre en faveur de la protection et de la cohabitation entre l’Homme et le canidé, qui appelle l’Office français de la biodiversité (OFB) à éclaircir ses positions.

Un loup tout en discrétion sur le territoire

S’il a effrayé des générations entières d’enfants, craignant de finir dévorés par la bête en quête de grands-mères esseulées, il est à noter qu’en France, le loup se fait discret. À tel point que même sur ses zones de présence, rares sont les petits chanceux à avoir eu l’opportunité de croiser son ombre. Pour le répertorier, les spécialistes du genre se basent donc essentiellement sur la recherche d’indices indirects : excréments, poils, urines, sang ou encore restes de proies qui trahissent sa présence. À la sortie de l’hiver 2020-2021, le réseau Loup-Lynx estimait sa population sur l’Hexagone aux alentours de 620 individus seulement. Une population qui fait d’ailleurs l’objet d’un suivi permanent de la part de l’OFB depuis 1992, année de la première détection de l’espèce, dans le parc national du Mercantour. Depuis, c’est tout le territoire qui est passé au peigne fin pour suivre au mieux les pérégrinations du canidé.

Si sa présence est loin de faire l’unanimité, en Europe, le loup est protégé par la Convention de Berne (1979) transcrite dans le droit français en 1989. Il est également inscrit dans les annexes II et IV de la directive « Habitats » de l’Union Européenne et fait partie des espèces prioritaires. Du côté de la France, l’espèce est protégée sur le territoire national par l’arrêté ministériel du 22 juillet 1993.

Toutefois, et en dépit du droit européen, depuis 2004, le gouvernement français autorise sous certaines conditions l’abattage de loups suite à des dommages aux troupeaux. Au fil des ans, les conditions ont même été assouplies et chaque année, 19 % de la population de loups peut être abattue (soit 174 loups en 2022). Face à cette situation, l’Observatoire du loup, constitué de bénévoles experts du pistage, cherche à protéger l’espèce, en faisant de l’observation et de la prévention ses fers de lance. L’objectif de l’organisme étant de suivre l’évolution des populations afin de pouvoir, au besoin, mettre en garde les éleveurs en amont et trouver des solutions et des mesures de protection adaptées, sans avoir recours à l’abattage. L’association, également créée dans le but de pouvoir mener des actions en justice, se soulève désormais contre l’Office français de la biodiversité, auquel elle reproche son absence de transparence.

L’OFB appelé à réviser sa copie

L’inimitié entre l’OFB et l’Observatoire du loup ne date pas d’hier. Pour le savoir, il n’y a qu’à jeter un œil aux publications de l’association de bénévoles sur X (ex Twitter). En 2020, alors que la présence du canidé était confirmée dans le Loir-et-Cher sans que – semble-t-il – l’OFB n’en ait été informé, c’est non sans une pointe d’agacement que l’association de protection du loup pointait l’incapacité supposée de l’Observatoire de la biodiversité.

Désormais, les actions de l’Observatoire du loup semblent plus musclées, puisque c’est par la voie de leur avocat qu’une mise en demeure a été adressée à l’OFB, réclamant un accès aux documents, type compte-rendu d’autopsies, en sa possession, afin de dresser un état des lieux précis des populations sur le territoire français. Jusqu’à présent, ces demandes répétées sont restées lettre morte.


Conférence de presse du 15 novembre 2023 – Observatoire du loup

L’association déplore donc également la politique menée depuis 15 ans vis à vis des populations de loup et pointe notamment les tirs d’effarouchement, suivis de tirs de destruction qui, selon elle, seraient contreproductifs « puisqu’ils mettent une pression sur les loups qui, par un phénomène de résilience, induit une augmentation de la population via une accélération des naissances », a expliqué Jean-Luc Valérie, l’un des porte-parole de l’Observatoire du loup, lors de cette conférence de presse, précisant que « tirer toujours plus ne mènera nulle part ». 

Mercredi 20 décembre, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, a par ailleurs de son côté proposé un déclassement du statut de protection du loup. Il passerait ainsi d’espèce « protégée » et non plus « strictement protégée ».

Décidement, les temps sont durs pour les loups.

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Anaïs Hollard

Captivée par les sujets liés à l’énergie, Anaïs a longtemps collaboré avec de grands acteurs du secteur, avant de choisir la voie de l’indépendance, en tant que journaliste web. Aujourd’hui, elle continue de délivrer son expertise en matière d’énergie et de transition écologique. Ses passions : la lecture, l’écriture (forcément) et les DIY créatifs !

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