Mégabassines : deux projets annulés par la justice en Poitou-Charentes

Par Charlotte Combret , le 4 octobre 2023 - 4 minutes de lecture
L’arrivée du convoi de l’eau à Paris en août 2023

L’arrivée du convoi de l’eau à Paris en août 2023. Crédit : Caron / Zepellin / SIPA

Le verdict est tombé. Mardi 3 octobre, deux projets impliquant la création de quinze retenues d’eau pour l’irrigation agricole sont annulés par le tribunal administratif de Poitiers. Contestés par de nombreuses associations environnementales, ils sont jugés inadaptés aux effets du changement climatique.

Deux projets de mégabassines tombent à l’eau. À l’origine de cette décision de justice inédite : les associations locales de défense de l’environnement. Alliées à l’UFC Que Choisir, à la Confédération paysanne de la Vienne, ainsi qu’à la Ligue de Protection des Oiseaux, elles avaient saisi le tribunal administratif de Poitiers pour faire annuler les arrêtés préfectoraux ayant autorisé, en 2021, ces projets portés par des collectifs d’agriculteurs irrigants. Alors que d’autres projets sont toujours en cours, le litige portait ici sur neuf retenues prévues sur les bassins de l’Aume et de la Couture dans les départements de la Charente, Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, et six autres dans le sous-bassin de la Pallu dans le département de la Vienne. 

« Inexactitudes, omissions et insuffisances »

Une première décision consultée par l’AFP épingle des « inexactitudes, omissions et insuffisances » dans l’étude de l’impact environnemental des neuf bassines programmées dans le bassin Aume-Couture. Ces dernières ont eu « pour effet de nuire à l’information complète de la population ». Le tribunal considère par ailleurs que « le projet n’est pas associé à de réelles mesures d’économie d’eau et ne tient pas compte des effets prévisibles du changement climatique ».

Dans la Vienne, les juges pointent un « sur-dimensionnement du projet » en termes de volumes d’eau à prélever pour remplir les réserves, au regard de ce que le milieu hydrologique local « est capable de fournir dans des conditions écologiques satisfaisantes » et compte tenu des « effets prévisibles du changement climatique ». Le tribunal conclut à « une erreur manifeste d’appréciation » de la préfecture « dans la mise en œuvre du principe de gestion équilibrée et durable de la ressource » défini par le Code de l’environnement.

Une « très bonne nouvelle »

Trois millions de mètres cubes : c’est la capacité totale des quinze réserves, dites « de substitution », qui voulaient être créées et exploitées au sein de ces deux projets. Autant d’eau qui rejoindra finalement les sols, plutôt que les mégabassines. Pour rappel, le principe de ces installations géantes consiste à prélever de l’eau dans les nappes superficielles en hiver, pour la mettre à disposition d’agriculteurs irrigants en été, quand la pluie se fait rare. Problème, sous l’effet du changement climatique, la sécheresse gagne les mois froids du calendrier et les nappes phréatiques ont de plus en plus de mal à se régénérer. 

20 ans que les associations locales de défense de l’environnement dénoncent ce mécanisme qui « accapare » l’eau pour arroser une poignée de représentants de l’agriculture industrielle. En mars dernier, une manifestation organisée à Sainte-Soline avait porté le sujet devant les yeux du grand public. Après des épisodes houleux avec les forces de l’ordre, puis joyeux avec le convoi de l’eau, la justice leur donne raison. Pour Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines non merci, cette décision est un « grand soulagement » et « une très bonne nouvelle pour tous ceux qui se battent pour l’eau et contre les mégabassines ». Fort de cette victoire, le groupe militant poursuit sa mobilisation et appelle l’exécutif à réagir à son tour : « il est grand temps que le gouvernement reconnaisse la nécessité d’un moratoire immédiat et cesse de réprimer le mouvement de défense de l’eau ».

(Avec AFP)

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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