Nicolas Meyrieux devient « comédien-paysan »
Nicolas Meyrieux, comédien de standup, s’est installé depuis quelques années dans les Landes, afin de devenir agriculteur, tout en continuant à proposer des spectacles et vidéos autour de l’écologie. Il a pour projet de créer un spectacle vivant, dans le jardin-forêt qu’il commence à planter.
Peux-tu nous parler de ton projet « Farm Tour » que tu as fait au mois de juin ? Quel était l’objectif ?
C’est un peu comme en permaculture, il y avait plusieurs objectifs à cette tournée ! Le premier, c’était de sortir des lieux de théâtre habituels, où une place pour venir me voir coûte 27 euros. Pendant le « Farm Tour », c’était participation libre, ça permettait de rendre le spectacle accessible à tout le monde. L’autre principe, c’était d’aller faire découvrir le spectacle à des gens qui n’ont pas l’habitude de le voir. Habituellement, les spectacles se jouent dans des grosses villes, et là, le but, c’était d’emmener le spectacle dans des endroits où il n’y a pas de spectacle. Ça permettait aussi de se confronter à des gens qui n’ont pas les mêmes opinions politiques que moi. Parce qu’on ne va pas se mentir, tout le monde n’est pas écolo de gauche ! Et c’était aussi, pour moi qui m’installe en tant qu’agriculteur, l’occasion de faire le tour de France des fermes et de gagner une expérience incroyable. J’ai vu 26 fermes en un mois, et j’ai appris plein de choses, à tel point que même de ferme en ferme, je me permettais de donner des conseils à d’autres gens que j’avais eus des fermes d’avant ! Puis, tous les jours, sur chaque ferme, j’ai tourné un film documentaire de trois à quatre heures. Et à partir de septembre, toutes les semaines, je vais diffuser une vidéo. Toute la connaissance que j’ai ingurgitée pendant ce mois-ci, je vais pouvoir la retransmettre gratuitement aux gens sur Internet. J’espère inspirer un maximum de gens à devenir paysannes et paysans, parce que pour moi, une des priorités de notre siècle, si ce n’est la priorité, c’est de pouvoir nourrir les gens demain dans un monde sans pétrole. Si on ne veut pas s’entretuer, il faut de la nourriture. On ne s’entretuera pas s’il y a une pénurie sur le lithium ou sur les Iphones. Ce qui comptera c’est de pouvoir manger et comme aujourd’hui 90 % de ce qu’on mange est dépendant du pétrole et qu’on sait que le pétrole, il n’y en a plus pour longtemps, il faut-il faut revenir vers des modes d’agriculture plus durables.
Et toi, qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans le projet de devenir agriculteur ?
Pendant dix ans, j’ai fait des vidéos et des spectacles sur l’environnement. Et à force de me renseigner sur ces sujets, je me suis rendu compte que la base de l’écologie, c’est l’agriculture. Parce qu’avec une agriculture durable, on pollue moins les sols, on pollue moins l’air, on arrête de tuer la biodiversité, les gens ont moins de problèmes de santé, il y a moins besoin de filtrer l’eau, il y a moins besoin de médicaments. L’agriculture est la base de tout. Et dans une société où tout le monde mange bio, il y a moins d’inégalités sociales aussi. Si soudain il n’y a que du bio, les classes les plus précaires auront moins de problèmes de santé par rapport aux bourgeois qui peuvent se payer du bio. Dans une société où il y a moins d’inégalités sociales, je pense qu’il y a plus de bonheur aussi. En fait l’agriculture durable c’est un cercle vertueux pour tout : pour la biodiversité, pour les hommes, pour les sols… En ayant conscience de ça, à force de faire des vidéos, je me suis dit c’est bien de s’en rendre compte mais c’est mieux de passer à l’acte. Je me suis dit « let’s go Nico, il faut que tu changes de vie et que tu deviennes paysan ! » Et puis, comme je continue ma double activité, j’espère inspirer les autres à oser cette reconversion ! Plein de gens me disent que je suis déjà utile en faisant mes vidéos et mon spectacle. Oui, mais je ne le ressens pas. Alors que quand je fais pousser des choses, quand je plante un arbre, je me sens directement utile, parce que je vois la vie revenir. C’est pour ça que je le fais, pour me sentir utile.
Où en es-tu dans ce projet de devenir agriculteur ?
J’ai déménagé dans les Landes il y a six ans, je devais monter un écolieu avec des potes. Ça n’a pas marché pour des raisons humaines, et il y a trois ans, je suis retourné à l’école passer mon diplôme de responsable d’exploitation. J’ai ensuite cherché du terrain avec mon associé pendant deux ans. On a acheté un terrain de 15 hectares en février mais la paperasse fait que tout prend énormément de temps ! Ça avance tout de même, là il faut tout défricher et comme c’est la période de nidification des oiseaux, on attend fin août pour commencer l’exploitation à proprement parler. À côté de ça, je suis en crowdfunding pour mon jardin forêt. Il y a plusieurs activités sur la ferme : du maraichage, des poules pondeuses mobiles, je vais produire des plants maraichers bio, des variétés anciennes et reproductibles, et je fais un jardin-forêt, qu’on appelle aussi forêt comestible, sur deux hectares et demi. Le principe, c’est d’imiter les biotopes forestiers mais qu’avec des essences comestibles. Avec cette forêt, je souhaite créer un métier, celui de « comédien-paysan ». Les gens pourront payer pour venir se balader pendant une heure et demi avec moi dans la forêt comestible où je vais créer un spectacle sur l’histoire de la vie du sol, des insectes, des oiseaux, des fleurs, des feuilles, des arbres… Ce sera un spectacle vraiment vivant, on pourra se promener, cueillir et goûter les fruits. Il y a plein de raisons de faire des jardins-forêts, mais une des principales, c’est que l’agro-industrie a fait qu’on a complètement réduit les choses qu’on mange. Moi ce qui m’intéresse, c’est de créer une sorte de musée du végétal comestible pour retrouver toutes ces espèces oubliées et travailler la résilience alimentaire de mon territoire.
Quand est-ce que tu envisages de lancer ce spectacle vivant ?
Dans deux ans, le temps que tout se mette en place. Mais dès mai 2024 on commence la vente de légumes, d’œufs et de plants maraichers. Je fais ferme pédagogique pour les enfants aussi dès le mois de septembre. Je vais faire une pause de mon spectacle mais continuer à faire des vidéos à propos de la ferme.
Qu’est ce qui a fait que tu as eu une prise de conscience écologique ?
C’était vraiment progressif, notamment avec mon émission La Barbe que j’ai fait pendant cinq ans (à partir de 2014 – ndlr). Chaque semaine je sortais un nouvel épisode, je travaillais avec des journalistes, qui m’apportaient de la documentation. Chaque semaine, je me rendais de plus en plus compte de la m*** dans laquelle on est était et je me disais, face à ce problème, qu’est-ce que je peux faire à mon échelle ? C’est comme ça que j’ai modifié ma vie pendant cinq ans. Je ne suis pas devenu un écolo ceinture noire du jour au lendemain ! Mon premier déclic, c’était en 2011 en voyant le film Océans. Je me rends compte que l’être humain est en train de creuser sa tombe et je décide d’utiliser mon métier, qui est un métier de parole, au service de cette cause. C’est là que tout bascule. Et à partir de ce film je n’ai fait qu’écrire des films, des vidéos et des spectacles autour de l’environnement.
As-tu d’autres projets en cours ?
Mes gros projets en cours, ce sont les vidéos sur Youtube tous les mois, mon crowdfunding et l’ouverture de ma ferme ! Avec la Fondation pour la Nature et pour l’Homme, on a aussi créé un site qui s’appelle, « J’agis je plante ». On propose une formation en ligne gratuite et accessible à tous pour créer des chantiers de plantation d’arbres, que ce soit pour les particuliers, pour les collectivités, pour les écoles, les clubs de sports, tout le monde. On explique tout, même comment trouver des financements pour pouvoir planter des arbres. On va lancer la journée nationale de la plantation d’arbres le 25 septembre prochain, c’est un gros projet qui me tient à cœur. Beaucoup de gens ne savent pas comment agir, et là on a donné toutes les clés en main ! Planter des arbres c’est vraiment une chose qu’on peut faire facilement et qui a un impact tout de suite. Plus que de devenir zéro déchet. Je ne dis pas qu’il faut pas devenir zéro déchet, mais je dis juste que planter des haies et des arbres ça a beaucoup plus d’impact !
À lire aussi :