Ouragans : pourquoi la saison 2023 s’annonce beaucoup plus active que prévu ?
Avec près de 10 tempêtes tropicales déjà recensées, la saison des ouragans 2023 s’annonce plus explosive que prévu. Qu’est-ce qui peut expliquer cette intensité ? Décryptage.
La saison des ouragans bat son plein. Elle débute le 1er juin, pour se terminer le 30 novembre avec deux mois généralement très actifs : septembre et octobre. Or, cette année, après avoir constaté des températures records en mer, le NHC (National Hurricane Center qui surveille la formation de ces tempêtes) a prédit une probabilité d’une saison cyclonique plus active que d’habitude de près de 60%. Le grand nombre de phénomènes cycloniques déjà formés depuis juin rend désormais cette saison, non pas plus active que la normale, mais « hyperactive » selon les météorologues américains. Entre le 20 août et le 16 septembre, pas moins de 10 tempêtes tropicales ont été nommées, battant du même coup le record de 9 tempêtes établi en 2020. Aussi, pour la première fois depuis 1950, deux ouragans avec des vents de 177 km/h et plus se sont formés simultanément dans le bassin atlantique : Franklin et Idalia.
Idalia a frappé la côte est des États-Unis fin août, touchant terre en Floride. Les vents violents ont causé des dégâts significatifs et provoqué de nombreuses coupures d’électricité. Actuellement, un autre phénomène est surveillé de près dans l’Atlantique : Nigel, qui est officiellement né samedi 16 septembre et devrait connaître une intensification au cours des prochains jours pour atteindre la catégorie 2. Sa trajectoire reste, pour l’instant, au large des côtes de l’Amérique du Nord, ses conséquences risquent donc d’être limitées sur le territoire américain.
En quelques semaines à peine, le nombre de tempêtes tropicales nommées frôle les pronostics établis pour toute la saison 2023.
La température des océans en cause
En cause pour expliquer cette forte activité : la température anormalement chaude de l’océan Atlantique qui donne du carburant aux perturbations et accentue leur intensité.
Elle est actuellement plus élevée que prévu, parfois deux à trois degrés au-dessus des normales de saison. Rappelons que les tempêtes tropicales ne peuvent se former que lorsque l’eau est à 26 degrés minimum et, depuis quelques semaines, vers la Martinique, celle-ci affiche une température de 27 degrés, soit un degré de plus que la normale. Aussi, proche du Cap-Vert (au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest), là où les tempêtes tropicales se forment, le mercure affiche aussi des valeurs deux à trois degrés au-dessus de la normale.
Au-delà des rafales de vent potentiellement puissantes, les fortes précipitations associées constituent un réel danger. Selon une nouvelle étude de l’Université de Maynooth, une hausse de seulement 1 °C dans l’océan Atlantique pourrait entraîner une augmentation de plus de 140 % des précipitations générées par les ouragans sur Terre.
Le phénomène El Nino jouera-t-il un rôle de frein pour la saison des ouragans ?
En temps normal, dans la région du Pacifique tropical, les vents alizés soufflent d’est en ouest, transportant les eaux chaudes de surface de l’Amérique du Sud vers l’Océanie et l’Asie. L’eau chaude qui est ainsi déplacée par les alizés est ensuite remplacée par de l’eau froide qui remonte depuis les profondeurs, un phénomène que les scientifiques désignent sous le terme « upwelling ».
Mais, dans des conditions El Niño (que nous connaissons actuellement), les vents faiblissent et l’eau chaude s’accumule à l’est du Pacifique. Les eaux plus chaudes en surface s’évaporent et créent des vents forts en altitude capables de perturber des tempêtes situées aussi loin que dans l’Atlantique Nord. Ce phénomène est connu sous le nom de « cisaillement du vent ».
Ce phénomène climatique naturel pourrait appuyer sur la pédale de frein de la saison des ouragans. Or la plupart des recherches indiquent que les eaux plus chaudes de l’Atlantique renforcent les tempêtes et les rendent plus résistantes au cisaillement du vent causé par El Niño. Difficile donc de prédire à l’heure actuelle lequel de ces deux facteurs opposés prévaudra. Il est cependant important de noter que l’influence d' »El Niño » ne pourra pas empêcher complètement la formation des cyclones, mais elle pourrait réduire leur nombre. Une chose est sûre : El Niño est encore trop faible pour avoir un réel impact sur la formation des cyclones, mais son renforcement prévu entre fin octobre et novembre pourrait donner lieu à une fin de saison plus calme.
2022, saison dans la norme
En 2022, huit ouragans, dont deux de catégories 4 s’étaient formés dans l’Atlantique : Ian, qui a dévasté le sud-est des États-Unis et entraîné150 morts, et Fiona, responsable d’au moins 29 morts entre les petites Antilles et l’est du Canada. Sur la période de 1991 à 2020, les saisons cycloniques annuelles ont enregistré en moyenne environ sept ouragans par an. Le record appartient à la saison 2005, qui a compté quatorze ouragans.
Mais dans un contexte de réchauffement climatique, au-delà de l’intensité des tempêtes, il semble que la saison pendant laquelle elles se produisent s’allonge. Enfin, de nombreuses études démontrent que le changement climatique rend les ouragans plus dangereux, mais son effet sur leur fréquence reste encore à démontrer.
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