Pourquoi les nappes ne se rechargent-elles pas davantage malgré les pluies abondantes ?
La pluie tombe, en grande quantité répétée sur certaines régions depuis novembre, et pourtant plusieurs nappes phréatiques ne font toujours pas le plein à l’approche du printemps.
Moins de la moitié (46%) sont au-dessus des normales au 1er mars, note jeudi le BRGM, alors que février a été très arrosé. Un paradoxe apparent qui résulte à la fois d’une forte hétérogénéité des précipitations, de la nature des nappes, plus ou moins rapides à se remplir mais aussi d’un historique de sécheresse plus ou moins ancien selon les régions.
Il n’a pas plu partout
Si dans certaines régions on a l’impression d’avoir dû sortir cirés et parapluies quasiment tous les jours depuis des mois, ce n’est pas le cas partout. La France a connu entre décembre et fin février un excédent de pluie de 10% en moyenne, mais la situation a été très contrastée selon les régions et janvier a été plutôt sec.
Si le Pas-de-Calais a connu des inondations records et que la région PACA a subi deux épisodes de pluies intenses en février, le golfe du Lion et la Corse n’ont pas vu une goutte de pluie ou presque jusqu’à début mars. La pluviométrie a également été faible en février sur l’Alsace, les Alpes du nord ou le Massif Central. Mais des fortes précipitations ne constituent pas forcément des « pluies efficaces ».
En premier lieu, une partie de l’eau retourne dans l’atmosphère par évapotranspiration (évaporation de l’eau au sol et transpiration des plantes) sans atteindre les nappes souterraines. Cet hiver 2023-2024 a été le troisième plus chaud jamais mesuré en France, accentuant le phénomène.
Toutes les nappes ne se valent pas
Par ailleurs, l’infiltration est plus ou moins facile et rapide selon la nature des nappes. La différence vient de leur degré de porosité (nature de la roche et pourcentage de vides) et de la perméabilité (capacité à laisser circuler l’eau – connexion entre ces vides). Plus les vides sont importants, grands et reliés entre eux, plus l’eau s’infiltrera vite.
Les « nappes réactives » (alluvions, calcaires jurassiques et crétacés, grès triasiques et socle) réagissent très rapidement aux excédents ou déficits de pluie. À l’inverse, une « nappe inertielle » (craie, formations tertiaires et volcaniques) se caractérise par un écoulement plus lent, jusqu’à trois mois entre les précipitations et l’infiltration réelle. Les nappes où les niveaux restent les plus bas sont quasiment toutes inertielles (Languedoc-Roussillon, sud de l’Alsace ou du Massif central, couloir de la Saône).
L’importance des sols
L’état du sol sur lequel tombe les pluies est aussi crucial. S’il est trop sec, l’eau ne s’infiltre pas et les sols sont juste humidifiés en surface, bénéficiant à la végétation et à l’agriculture mais pas aux nappes.
De plus, la sécheresse des sols favorise un ruissellement direct vers les cours d’eau jusqu’à la mer. Le phénomène est encore accentuée par l’artificialisation des sols, notamment en raison de l’urbanisation importante de certains territoires, ou par la compacité des terrains, conséquences d’un excès d’intrants chimiques défavorables aux vers et aux autres organismes vivants qui aèrent les sols.
Un déficit trop ancien pour être rattrapé ?
Dans certaines régions, les nappes restent à des niveaux insuffisants à cause des importants déficits accumulés sur les années précédentes. C’est le cas du Languedoc-Roussillon, où la sécheresse dure depuis quasiment deux ans.
Depuis le printemps 2022, on a « la pluviométrie de la Jordanie », a alerté lundi Fabienne Bonnet, présidente de la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales. Résultat: la nappe, à un niveau « historiquement bas », mettra des années à se recharger … pourvu qu’il pleuve régulièrement. Ce qui est loin d’être le cas.
Car les problèmes ont tendance à se combiner. Dans le Sud-Est, « les niveaux actuels sont la conséquence des niveaux sous les normales lors de l’étiage 2023 (moment de l’année où le niveau est le plus bas, NDLR) et d’un déficit de recharge durant l’automne et le début de l’hiver », indique le BRGM.
Par conséquent, même les récentes pluies tombées sur la région auront un « impact probablement limité », estime le Bureau, qui prévient : « les pluies survenant après une longue période sèche permettront dans un premier temps d’humidifier les sols avant de réussir à s’infiltrer en profondeur ».
(Avec AFP)
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