Qu’est-ce que la solastalgie ? Comment lutter contre l’éco-anxiété ?

Par Caroline Dusanter , le 21 août 2024 — réchauffement climatique, Transition Écologique - 9 minutes de lecture
Personne en proie à la solastalgie

Personne en proie à la solastalgie

La solastagie serait-elle le mal du siècle ? Ce blues vert, proche de l’éco-anxiété, nous touche de plus en plus. Il correspond à un mal être ressenti par une personne qui s’attriste de la dégradation immédiate de son environnement. Plus précisément comment définir la solastalgie ? Quelles conséquences peut-elle avoir sur nos vies ? Comment lutter contre ce phénomène ? 

Quelle est la définition de la solastalgie ? 

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » disait Nicolas Boileau. Et malheureusement pas simple de concevoir ce qu’est la solastalgie. Voici une définition. 

La solastalgie est un néologisme créé par le philosophe australien Glenn Albrecht en 2003. Ce concept est formé à partir de deux termes : 

  • solacium (réconfort) en latin 
  • et algia (douleur) en grec. 

Il exprime la douleur liée à la perte du réconfort et de la sécurité que procurait un environnement familier. Plus concrètement, il désigne un sentiment de détresse et de malaise ressenti par un individu en réponse à la dégradation de son environnement immédiat. 

Quelle différence avec la nostalgie ? 

Elle se distingue de la nostalgie que Milan Kundera réussit à définir dans son roman : « Le retour, en grec, se dit nostos. Algos signifie souffrance. La nostalgie est donc la souffrance causée par le désir inassouvi de retourner. »

Contrairement à la nostalgie, qui est ancrée dans le passé, la solastalgie s’ancre dans le présent. Elle correspond à une sorte de mal du pays sans avoir quitté son lieu de vie. 

Quelle différence avec l’éco-anxiété ? 

Si la nostalgie est l’expression du passé, la solastalgie celle du présent, l’éco-anxiété, elle est une angoisse quant au futur. Elle correspond à la peur des grands changements climatiques à venir. Selon la définition d’Alice Desbiolles, médecin épidémiologiste l’éco-anxiété « reflète […] l’inquiétude anticipatoire que peuvent provoquer les différents scenarii établis par des scientifiques – comme ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – sur la viabilité de la planète dans les décennies à venir ».

La solastalgie est donc très liée au sentiment d’éco-anxiété. Est solastalgique celui ou celle qui observe une dégradation de son environnement immédiat. Iel peut également être empreint-e d’éco-anxiété, s’iel estime que son environnement immédiat est amené à se dégrader davantage. 

Ce sentiment est aujourd’hui partagé par une large proportion de la population. 85% des Français-e selon un sondage de l’IFOP se disent « inquiets face à l’avenir et au réchauffement climatique ». Ce taux est encore plus marqué chez les jeunes puisqu’il monte à  93 % chez les 18/24 ans. 

Comment se manifestent la solastalgie et l’éco-anxiété ?

La solastalgie et l’éco-anxiété ne sont pas à prendre à la légère. Et pour cause, elles pèsent sur notre moral, voire sur notre santé. Elles peuvent créer une sorte de stress pré-traumatique, selon la psychiatre américaine Lise Van Susteren. Comment se manifestent-elles ? 

Un état d’impuissance face au changement climatique 

La première manifestation de la solastagie et de l’éco-anxiété, c’est bien l’état d’impuissance dans lequel elles nous plongent. En effet, face aux grands changements climatiques et à l’effondrement de la biodiversité, quelles sont nos possibilités d’action ? Comme l’explique Glen Albrecht « C’est ce que traversent des gens qui vivent sur les îles Tuvalu, dans le Pacifique Sud, bientôt noyés sous l’élévation des eaux. C’est peut-être aussi ce que vivent les Inuits, dont les modes de vie traditionnels sont totalement chamboulés. On doit dire au revoir à quelque chose qui a toujours été là et qui nous environnait ».

Et, ce qui touche des populations à l’autre bout du monde, nous touche également. Sentiment anthropologique, nous n’y échappons pas forcément. Comment rester de marbre quand on sait qu’en France, par exemple, « À l’échelle du territoire métropolitain, la perte d’intégrité de la biodiversité est estimée à 61 % pour les vertébrés en 2020 ». 

Des phénomènes de dépression nerveuse 

D’autre part, l’inquiétude liée au changement climatique met à l’épreuve notre santé mentale. «Il y a eu une démonstration directe des conséquences d’une catastrophe climatique pour la santé mentale de la population : suicides, troubles anxio-dépressifs, formes de stress post-traumatique», explique Guillaume Fond, psychiatre à l’hôpital de la conception à Marseille. On parle même désormais de dépression verte. 67 % des Français-es en seraient atteint-e-s d’après un sondage IFOP. 

Vers une recrudescence des maladies psychiatriques

La solastagie est une première manifestation de l’impact du changement climatique sur notre santé mentale. Et les citoyen-ne-s ne se contentent pas de broyer du noir. La hausse des températures et le dérèglement climatique pourraient avoir d’autres impacts sur nos psychés. 

Toujours d’après Guillaume Fond « le risque de développer des troubles psychiatriques, et notamment de troubles psychotiques comme la schizophrénie, augmente. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer : le changement d’alimentation et d’exposition solaire, le stress, la stigmatisation qui augmente le sentiment de persécution… Avec le changement climatique, l’inadaptation du corps à un changement d’environnement brutal peut déclencher des maladies ». 

Comment lutter contre la solastalgie ?

La dépression verte amène donc à un noir tableau. Et face à cela, comment retrouver un peu de couleur et lutter contre la solastalgie ? 

Se faire accompagner par un-e thérapeute 

Première chose à faire si vous ressentez des effets d’anxiété et de dépression : consulter un-e professionnel-le de santé. En effet, mettre des mots sur des situations de stress, de détresse morale ne peut qu’aider. 

Si vous ne savez pas trop vers qui vous tourner, vous pouvez commencer par aller voir votre médecin généraliste. En fonction de vos échanges lors de la consultation, iel pourra vous recommander un-e thérapeute adapté-e (psychiatre, psychologue, psychanaliste, etc.). 

De la même manière, si vous observez qu’un-e de vos proches ne va pas bien, vous pouvez également l’encourager, avec beaucoup de bienveillance et en choisissant les mots avec soin, à aller voir son médecin traitant pour qu’iel puisse se confier sur son état de mal-être. 

Adopter un mode de vie plus sobre 

Pour lutter contre l’éco-anxiété, on peut également agir au quotidien en faisant nôtre la philosophie de la « sobriété heureuse ». Consommer moins et mieux. Comme l’explique Laure Noualhat, autrice de Comment rester écolo sans finir dépressif, « On doit renoncer à nos rêves d’enfant pourri gâté, au 20ème siècle au siècle de la pub, du développement sans limite, sans réflexion sur les limites de la planète. N’importe quel enfant comprend que quand il n’y a plus de gâteau, il n’y a plus de gâteau ! »

Dès lors, on peut repenser nos pratiques de consommation à l’aune de notre empreinte carbone. Comment faire ? 

  • En renonçant à prendre l’avion, par exemple, au profit du train pour aller en vacances ; 
  • En consommant des produits bios, locaux et de saison ; 
  • En limitant notre consommation de viande ; 
  • En nous déplaçant à vélo plutôt qu’en voiture, etc.

Tout cela, c’est aussi bon pour la santé. Moins de décalage horaire, une meilleure alimentation, une meilleure hygiène de vie, ce sont là des gestes anti-déprime. Bref, face à la solastalgie, on s’essaye à l’adage « un esprit sain dans un corps sain ». 

Bon à savoir : S’il est important d’agir au quotidien, il est pour autant inutile de se mettre trop la pression. En effet, en cherchant à devenir un-e écolo trop parfait-e du jour au lendemain, vous risquez un « burn-out écologique ». Commencez par prendre de bonnes habitudes et fixez-vous des objectifs petit à petit. 

S’inspirer du Hygge, un art de vivre scandinave 

A la sobriété heureuse, on essaye d’ajouter la philosophie hygge, venue tout droit du Danemark et de Norvège. Prononcé « hu-gueu », ce mot n’a pas d’équivalent direct en français, néanmoins il peut être décrit comme une volonté de partager ensemble des moments de convivialité et de bien-être. La version scandinave du cocooning. 

Plus qu’une philosophie, c’est un véritable art de vivre. C’est pourquoi, même si l’on est conscient de l’urgence climatique, on essaye de trouver des moments de tranquillité avec ses proches. Lire ensemble au coin du feu, faire un jeu de société, cuisiner des petits plats ensemble, faire une belle randonnée pas loin de chez soi, les possibilités sont infinies. 

Le Hygge invite à se recentrer sur l’essentiel, à se détendre, et à vivre pleinement le moment présent, tout en cultivant des relations significatives.

S’engager pour l’environnement 

Prendre des bonnes habitudes éco-friendly, c’est bien. Toutefois, face à l’éco-anxiété et la solastalgie, ce n’est pas toujours suffisant. Pour Laure Noualhat, il faut agir plus profondément et s’engager pour la planète !  

Quelles options s’offrent aux citoyens ? S’engager en politique, par exemple, au sein de sa collectivité locale ou s’engager dans une association environnementale, pour faire bouger les choses à un plus haut niveau. 

Enfin, il est également possible de s’engager au travers de son travail. C’est d’ailleurs ce que souhaitent de nombreux jeunes aujourd’hui. D’après une étude Harris Interactive, « 7 jeunes sur 10 affirment qu’ils pourraient renoncer à postuler dans une entreprise qui ne prendrait pas suffisamment en compte les enjeux environnementaux à leurs yeux ». Les entreprises doivent donc s’organiser pour améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux au sein de leurs activités.

En conclusion, la solastalgie ne doit pas devenir une fatalité. Si le phénomène nous touche de plus en plus, il est possible de lutter contre par l’adoption d’un mode de vie plus sobre, le recours à un soutien psychologique si nécessaire, et l’engagement pour l’environnement. On espère que cet article vous aura donné envie de vous engager toujours plus en faveur du climat ! 💚

Caroline Dusanter

Intéressée le développement durable et d'écologie, j'essaye d'éveiller ma curiosité (et la vôtre) en rédigeant des articles sur le sujet. Fondatrice de l'agence éditoriale Aurorae, quand je n'écris pas, j'aime beaucoup lire et pratiquer des activités DIY.

Voir les publications de l'auteur