Sainte-Soline : de lourdes peines pour les opposants aux mégabassines

Par Charlotte Combret , le 18 janvier 2024 - 4 minutes de lecture
Les militants écologiste après le verdict, devant le tribunal correctionnel de Niort, le 17 janvier 2023

Les militants écologiste après le verdict, devant le tribunal correctionnel de Niort, le 17 janvier 2023. Crédit : Philippe Lopez / AFP

Après les violences de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), la justice a choisi la fermeté mercredi contre trois militants antibassines, condamnés à de la prison avec sursis pour organisation de manifestations interdites. Un jugement qualifié de « politique » par les opposants à ces réserves d’irrigation.

À six mois d’un nouveau rassemblement, le tribunal correctionnel de Niort a suivi quasiment à la lettre les réquisitions du procureur qui avait fustigé le « climat de terreur » dans le département lors d’un procès houleux, dans la droite ligne des manifestations violentes à Sainte-Soline en octobre 2022 et mars 2023.

Porte-parole du collectif « Bassines non merci » (BNM), Julien Le Guet a été condamné à douze mois de prison avec sursis et à une interdiction de paraître pendant trois ans à Sainte-Soline et Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres), où se trouve la première des seize bassines contestées en projet. « Nous espérions avoir un juge indépendant. Au contraire, nous avons eu un jugement politique avec un juge aligné sur des positions gouvernementales à l’envers du bon sens et de l’urgence climatique », a réagi Julien Le Guet, dénonçant « l’argumentaire clairement pro-bassines du juge ».

La bataille continue

Vêtu d’un sweat-shirt portant la mention « éco-terroriste », il a appelé à « continuer la bataille sur le terrain, sur le plan juridique et politique ». Il a ensuite indiqué lors d’une visioconférence de presse faire appel de cette décision comme quatre des huit autres prévenus, d’autres organisations, souhaitant soumettre cette décision à leurs assemblées générales. Parmi ceux qui font appel figurent les membres du collectif « Les Soulèvements de la Terre » Joan Monga, alias Basile Dutertre, et Nicolas Garrigues, alias Benoît Feuillu, condamnés respectivement à neuf mois et six mois de sursis, avec également interdiction de paraître dans les Deux-Sèvres.

Benoît Feuillu a dénoncé « des peines de bannissement politique » visant « des personnes parce qu’elles auraient pris la parole pour un mouvement ». « C’est absolument scandaleux », a ajouté le militant, qui s’était présenté à l’audience comme simple « lanceur d’alerte », niant comme les autres prévenus être l’organisateur des manifestations interdites. Basile Dutertre, absent mercredi, a également été condamné pour le vol d’une valve de canalisation pour l’arrosage des céréales, à Épannes (Deux-Sèvres) en mars 2022.

Ces mesures d’interdiction de paraître dans les Deux-Sèvres, assorties d’une exécution provisoire, pourraient empêcher ces militants de participer à la prochaine mobilisation contre les « bassines » annoncée en juillet dans un lieu à définir dans le Poitou, juste avant les Jeux olympiques de Paris. « Le lieu d’une mobilisation ne se décide pas en fonction des interdictions de territoire de neuf personnes, mais (…) de là où il faudra être pour impacter les projets des bassines », a précisé Benoît Feuillu en visioconférence de presse. Le tribunal a également prononcé des amendes contre les six autres prévenus pour leur implication dans quatre mobilisations autour des chantiers contestés entre le 26 mars 2022 et le 25 mars 2023.

Un « parti-pris répressif extrêmement inquiétant »

« Ce procès s’est tenu dans un contexte d’intenses pressions des pouvoirs exécutif et législatif pour criminaliser le mouvement écologiste en général et tenter de mettre un coup d’arrêt au mouvement anti-bassines en particulier » ont réagi collectivement « Les Soulèvements de la terre » et « Bassines non Merci » dans un communiqué publié « à chaud » à l’issue du procès.

« Incarnant ce matin la voix du vieux monde, le juge est allé jusqu’à justifier sa décision en remettant en cause, au nom de son analyse lunaire des rapports du GIEC, l’état de nécessité et l’urgence à agir face à l’urgence climatique » dénoncent-ils. D’après les mouvements, le président du tribunal a ainsi « choisi de se soumettre à l’intimidation politique et de condamner pour l’exemple quelques-unes des voix de ce mouvement pour tenter d’étouffer les autres ». Inquiets du « parti-pris répressif extrêmement inquiétant vis-à-vis des libertés publiques et syndicales dans ce pays », les militants anti-bassines assurent néanmoins que « les batailles juridiques vont se poursuivre ».

Solidaire, la Confédération paysanne juge de son côté « inacceptable » le délibéré prononcé par le tribunal correctionnel de Niort. Teintée de « déni climatique », cette décision de justice condamne aussi, selon elle, « tous les paysannes et paysans victimes de l’accaparement et de la privatisation de l’eau au profit de quelques-uns. L’eau doit être gardée dans les sols et non pompée par une minorité pour le modèle agro-industriel ».

(Avec AFP)

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Charlotte Combret

Issue d’une grande école de commerce, Charlotte délaisse rapidement les open spaces parisiens pour s’engager dans la voie de l’indépendance. Son désir de lier pédagogie et poésie la conduit à devenir journaliste rédactrice, dans les Landes, pour des entreprises et médias engagés. Ses passions : le cinéma animalier, les voyages en train, les lectures féministes et les jeux de mots en tout genre.

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