Super Green Me : Lucas Scaltritti raconte sa transition écologique

Par Gaëlle Coudert , le 26 juillet 2023 — influenceur.se, interview - 9 minutes de lecture
Portrait-Lucas-Scaltritti

Lucas Scaltritti a créé le podcast Super Green Me, Crédit Julie Sebadelha

Dans son podcast Super Green Me, le journaliste Lucas Scaltritti, 29 ans, raconte les six mois de défi qu’il s’est lancé pour effectuer sa transition écologique. En une trentaine d’épisodes, il explique comment il est passé de quelqu’un qui n’en a « rien à carrer de l’écologie » à un citoyen averti ! La saison 2 est en cours de tournage pour une sortie prévue cet automne. Rencontre.

Peux-tu nous raconter ton « déclic écologique » ?

Je n’ai pas vraiment eu de déclic écologique. Je me suis intéressé aux enjeux écologiques à la base par opportunisme professionnel. C’est moche, mais c’est une réalité ! Pendant le confinement, comme pas mal de gens, je m’ennuyais un peu et je commençais à me poser des questions un peu bizarres : est-ce que les voitures électriques sont vraiment écologiques ? Est-ce que supprimer ses mails a vraiment un impact sur la planète ? J’ai cherché les réponses à ces questions et je n’ai pas trouvé de travaux journalistiques clairs qui y répondaient. Donc j’ai décidé de le faire. Ça s’appelle « Y’a le feu au lac », c’est un podcast produit par Ouest France qui essayait de déconstruire les idées reçues qu’on peut avoir à partir de l’écologie. A partir de là, j’ai commencé à lire des études, à écouter des interviews scientifiques, j’ai lu les rapports du GIEC, de l’ADEME et ça a infusé en moi. J’ai commencé à prendre conscience qu’on vivait une crise écologique. C’est à partir de là que l’écologie est née en moi.

Qu’est ce qui t’a donné l’idée de faire de ta transition écologique un podcast ?

On discutait avec ma compagne de tout ça, et ce chiffre de deux tonnes de CO2 (le niveau par an et par personne d’émissions de CO2 que l’on estime nécessaire pour limiter le réchauffement climatique – ndlr), revenait dans ce que je lui disais. Elle m’a dit une phrase très juste : « On ne sait pas ce que ça veut dire, je n’ai aucune idée de ce que représentent deux tonnes de CO2. » C’est comme ça qu’est née l’idée de faire Super Green Me : on doit aller vers ces deux tonnes-là, vers ce mode de vie-là mais personne ne sait ce que ça veut dire. Est-ce que ça veut dire qu’il faut tout arrêter, quitter la civilisation, aller manger des baies, se nourrir de la cueillette dans une grotte avec un pagne, ou est ce qu’on peut rester dans nos appartements avec nos amis et nos relations sociales et juste vivre d’une manière un peu différente ? Ce podcast répond un peu à mon questionnement, avec pour objectif d’être le plus concret possible sur l’écologie.

Tu as pensé que le prisme de ton expérience allait plus parler aux gens ?

Oui, j’aime bien faire des choses que j’aimerais lire, écouter ou regarder et ce podcast-là, j’aurais eu envie de l’écouter, car il n’y a pas de côté moralisateur ou donneur de leçons. Je ne voulais surtout pas être dans cette posture-là. Mon histoire personnelle illustre très bien ça, c’est-à-dire qu’à la base, je suis comme tout le monde, je le dis dans le premier épisode, « j’en ai rien à carrer de l’écologie » : je ne recycle pas, je prends l’avion, je mange de la viande… Je ne suis pas du tout climatosceptique, mais je ne fais aucun effort parce que c’est lointain. Je pense sincèrement que la plupart des gens sont comme ça, qu’ils pensent qu’il n’y a pas d’urgence à agir. Ils ne pensent pas qu’ils ont un poids sur la crise climatique et c’est ce que j’ai voulu montrer.

S’il n’y avait qu’un seul épisode à écouter, lequel conseillerais-tu ?

Je conseillerais le premier parce que ça s’écoute dans l’ordre : il faut suivre tout le cheminement, pour comprendre la démarche, pourquoi je me lance là-dedans et jusqu’où je vais essayer d’aller. Mais beaucoup d’auditeurs et auditrices du podcast parleraient peut-être du 2e épisode avec ma maman, dans lequel j’annonce que je fais cette transition écologique et que je vais arrêter de manger de la viande (Sa mère a du mal à comprendre – ndlr). C’est un épisode qui a beaucoup marqué. Mais dans l’épisode 1, on comprend qui je suis, on comprend que je ne vais pas donner de leçons et que je reviens de très loin. Je pense que c’est ce qui permet aux gens de vraiment s’identifier. Tout au long du podcast, je prends des situations dans lesquelles les auditeurs et auditrices peuvent se retrouver ; par exemple, l’appel avec ma mère, c’est ma maman à moi certes, mais ce genre de discussion va parler à beaucoup de gens, j’enregistre aussi des vacances, mon repas de Noël, des discussions avec ma compagne… Ce sont des situations de vie dans lesquelles tout le monde peut se retrouver.

Où en es-tu aujourd’hui ? As-tu gardé le même mode de vie que pendant le défi ?

J’étais persuadé en faisant Super Green Me que ça ne durerait que six mois. Je me suis dit « dans six mois et un jour, tu remanges de la viande, t’es tranquille », mais en fait il n’y a pas vraiment eu de jour d’après. J’ai conservé 90 ou 95 % des choses que j’avais mises en place pendant ce défi. Je n’ai toujours pas repris l’avion, je remange un petit peu de viande mais c’est très rare et c’est très souvent par pression sociale, j’utilise très peu la voiture. J’ai gardé quasiment ma vie de Super Green Me. Ce qui est bien c’est que ce n’est pas une contrainte, c’est absolument naturel. Cette transition je l’ai vraiment assimilée, je ne la perçois pas négativement, je n’ai pas l’impression de faire de sacrifice au quotidien. Je vis bien et en plus je suis plus tranquille parce que j’ai l’impression d’être en accord avec mes valeurs et mes convictions. J’avais peur que ces six mois me soient vraiment très durs, que ce soit un combat permanent dans ma vie de tous les jours, mais on s’aperçoit que même un mec comme moi qui adore la viande peut s’en passer, parce qu’il y a plein de trucs végétariens qui sont délicieux ! Ce message est quand même très positif.

Est-ce que c’est possible d’être un vrai écolo ?

Pour simplifier les choses, je vais dire oui, mais il ne faut simplement pas s’imaginer qu’un écolo c’est l’incarnation de la perfection. On ne demande pas aux gens d’être absolument parfaits. En revanche, on demande une refonte quasi intégrale de notre modèle de société. Parce que cette transition écologique qu’on nous demande de faire ne peut pas se faire en l’état.

Qu’est ce qui t’a paru le plus difficile pendant le défi ?

Le point négatif c’est mon logement. Je me suis aperçu qu’il émettait énormément de gaz à effet de serre (GES), beaucoup plus que ce que je pouvais imaginer ; de mémoire, je crois qu’il émettait une tonne et demie de GES par an. Il coche beaucoup de mauvaises cases :  il est en simple vitrage, très mal isolé, chauffé en chauffage central à gaz. Il y a eu beaucoup de réflexions autour de ça. On s’est même posé la question de changer d’appartement à un moment donné. Mais une auditrice m’a rappelé que si je quittais l’appartement, quelqu’un d’autre allait le récupérer et émettre autant de CO2. Ça m’a vraiment fait prendre conscience des échelles de temps nécessaires pour la transition écologique. Cet appartement, c’est un problème qu’il va falloir régler. Je suis locataire, donc j’ai peu de marge de manœuvre. Je peux soit mettre la pression au propriétaire soit dans un temps encore plus long me dire que si je peux acheter un appartement plus tard, peut être que je vais acheter une passoire thermique et faire les travaux de rénovation, pour avoir une action sur le logement.

Dans la foulée de Super Green Me, tu as lancé Super Green You. Peux-tu en dire quelques mots ?

Je disais tout à l’heure que beaucoup de gens peuvent s’identifier aux situations que j’enregistrais dans Super Green Me. C’est vrai mais en même temps, c’est ma transition écologique. Et il y a des milliers d’autres transitions écologiques. J’ai vu que Super Green Me a eu un très bel écho, ça a engendré des prises de conscience. Je constate que ça motive les gens, ça me fait très plaisir mais j’ai voulu apporter d’autres modèles à mes auditeurs et auditrices en montrant d’autres exemples. C’est ça l’ambition de Super Green You.

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Gaëlle Coudert

Ancienne avocate parisienne reconvertie en journaliste basée dans les Pyrénées-Atlantiques, Gaëlle s’est spécialisée sur les sujets liés à l'écologie. Elle a cofondé le magazine basque Horizon(s), a été rédactrice en chef d'ID, l’Info Durable et rédige aujourd’hui des articles pour divers médias engagés dont Deklic. Ses passions : le sport (surf, yoga, randonnée) et la musique (guitariste et chanteuse du groupe Txango)

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