TotalEnergies et EDF : d’ennemis à amis sur le marché de l’énergie ?
Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, cherche à resserrer les liens avec EDF à coup de grandes arabesques. Un rapprochement inédit qui n’est pas sans déplaire à Luc Rémont, patron de l’électricien tricolore, à l’heure où il se bat pour une nouvelle régulation du marché. Alliance éphémère ou début de relation solide ? Les deux plus gros énergéticiens français public et privé se retrouvent pour le moment autour de quelques intérêts communs.
Une trêve serait-elle amorcée entre les deux camps ennemis dans un contexte de crise énergétique ? Pendant des années, EDF et TotalEnergies se sont fait la guerre, sans relâche, sur le devant de la scène publique. Mais depuis quelques mois, retournement de situation, les tensions semblent apaisées. Luc Rémont, arrivé à la tête de l’électricien français fin 2022 et Patrick Pouyanné, en place depuis 2015, affichent une entente plus que cordiale. En août dernier, dans le cadre d’un débat organisé aux universités d’été du Medef, le patron de TotatEnergies fait une passe assumée à son allié de circonstance. « Comme Luc », M. Pouyanné considère que le marché de l’énergie traverse une « économie de guerre », mais que « la France a une chance, c’est Luc, c’est le mix nucléaire ».
Le terrain d’entente
« Les gens pensent qu’on a fait un accord » avait-encore lâché Patrick Pouyanné devant un Luc Rémont visiblement embarrassé. Si cette nouvelle relation fait l’objet de soupçons, c’est qu’elle avait déjà été affichée au grand jour au mois de juin, lors du colloque de l’Union française de l’électricité (UFE). Les deux PDG avaient uni leurs verbes autour d’un même combat : celui de remplacer la régulation stricte du marché de l’énergie par la signature de contrats longue durée. « Des fournisseurs d’électricité peuvent parfaitement devenir les partenaires d’EDF, on n’a pas besoin d’un règlement d’Etat » avait estimé le patron du mastodonte pétrolier. C’est bien ici que convergent les intérêts des deux groupes, dans un moment décisif où l’ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique), principal objet de leur discorde, arrive à expiration. Depuis 2011, ce dispositif oblige l’électricien français, désormais détenu à 100% par l’Etat, à vendre à prix coutant 25% de la production de son parc nucléaire historique à tous les français.e.s à travers les TRV ou un mécanisme de revente aux fournisseurs alternatifs.
TotalEnergies prêt à signer
Dans ce climat post-ARENH, Luc Rémont veut développer une nouvelle stratégie basée sur des « contrats à long terme » avec des prix fixes sur cinq, dix ou quinze ans proposés à ses grands comptes, fournisseurs et entreprises. Parmi les gros clients, le premier à répondre présent, c’est lui : Patrick Pouyanné. « TotalEnergies est prêt à signer des contrats d’achat d’électricité nucléaire de long terme (20 ans voire plus) adossés sur les réacteurs existants et en développement » est-il écrit sur une note du groupe destinée à des parlementaires. Une nouvelle qui n’enchante que très peu les équipes d’EDF en interne, à commencer par Gwénaël Plagne. La secrétaire du CSE de l’entreprise publique a fait part de ses inquiétudes face à ce rapprochement fortuit et les risques de dérégulation qu’il comporte.
Balayer la concurrence
Pour certains, si M. Pouyanné se range du côté de son rival historique, c’est qu’il y verrait une nouvelle opportunité de gagner des parts de marché. Dans son viseur notamment : les fournisseurs alternatifs qui sont aujourd’hui traités sur un pied d’égalité. Alors que le groupe a enfoncé les portes de la concurrence, peut-être s’efforce-t-il désormais de bien les refermer derrière lui. En début de mois, en raison d’un désaccord probant, TotalEnergies claque celle de l’ANODE, l’Association nationale des opérateurs détaillants en énergie qui regroupe les principaux challengers des opérateurs historiques. Contrairement aux autres membres, le géant pétrolier se positionne pour que le prochain cadre réglementaire oblige les fournisseurs à devenir producteurs. Une telle mesure n’est cependant pas prête d’être appliquée, au risque de voir se dessiner un oligopole aux mains de trois acteurs : EDF, TotalEnergies et Engie. N’est-ce pas là le projet du groupe de Patrick Pouyanné ?
À lire aussi :
TotalEnergies : ces scandales qui entourent le groupe pétrolier français
Patrick Pouyanné : le PDG risque de poursuivre ses activités écocides à la tête de TotalEnergies
Prix de l’électricité : entre EDF et l’État, la tension monte
Soyez dans le vent 🍃 :
Abonnez-vous gratuitement à la newsletter de Deklic en cliquant ici