Véronique Jannot : « Nous vivons dans un système individualiste qui nous fait disparaître petit à petit. »

Par Joséphine Simon-Michel , le 25 septembre 2023 — interview - 8 minutes de lecture
Véronique Jannot, Crédit Anthony Quittot

Véronique Jannot, Crédit Anthony Quittot

Véronique Jannot nous raconte sa perception de l’écologie, sa façon de consommer et son attachement indéfectible à la nature.

Êtes-vous éco-anxieuse?

Eco-anxieuse, non. En revanche, je suis éco-inquiète. On tente de soulever des problèmes sans vraiment être pris au sérieux. La déforestation ou le rejet du mercure dans les fleuves à cause de l’orpaillage illégal continuent de tuer. Tout le monde le sait mais personne ne bouge. 

Êtes-vous dans la culpabilité en tant que consommatrice ?

Je ne me sens pas coupable de quoi que ce soit dans la mesure ou je ne fais aucun excès. Je suis toujours d’une grande vigilance quand il s’agit d’utiliser l’eau ou l’électricité.

Qu’est-ce qui vous a donné le « «deklic » green ? 

J’ai grandi à la campagne, en Haute-Savoie avec ses lacs, ses montagnes… Quand on fréquente quotidiennement la nature, que l’on évolue avec elle, on prend forcément conscience de son importance, de sa beauté et de sa puissance envers nous, les humains. 

La nature est mon ADN et j’ai toujours eu à cœur de la partager. En revanche, j’ai ressenti un vrai déclic vers 20 ans, grâce à mon compagnon de l’époque. Il m’a montré la nature avec un regard différent. Celui d’un chasseur passionné par les espèces, les plantes, les arbres et les balades avec son chien. Les chasseurs ne sont pas tous des « gros beaufs », prêts à tirer sur le premier animal. Ils sont nombreux à la pratiquer par amour de la nature, à respecter les quotas. Les citoyens qui balancent leurs déchets dans la forêt sont beaucoup plus critiquables. 

Qu’avez-vous banni de votre quotidien ?

Le veau et l’agneau. Ce sont des bébés qui n’ont même pas eu le temps de vivre. On (veut) pourrait bannir les sacs plastiques mais ils sont encore utilisés pour les ordures. Difficile de faire autrement. Franchement, je peux comprendre que certains citoyens baissent les bras car on ne leur facilite pas la tâche dans les gestes au quotidien. 

Qu’est-ce qui n’est pas écologique chez vous ? 

Tout, sauf ma pensée, car je vis dans ce monde. Ou alors, il faudrait vivre dans une yourte, appartenir à ces peuples premiers qui ont toujours vécu en harmonie avec la nature. Eux seuls sont dans la vérité et pourtant, ils continuent à être martyrisés, virés de leurs terres ancestrales. 

Ma pensée est écologique, mais ma façon de vivre ne peut pas l’être totalement. Je suis tellement en colère contre cette société de consommation, ces publicités qu’on nous assène en permanence. Au lieu de jeter, j’essaie d’abord de réparer. L’obsolescence programmée n’est pas un mythe, chacun de nous a pu la constater.  

Quel est LE mot écologique du moment et pourquoi ? 

Les mots « seconde main », «recyclage ». Ce qui n’est plus essentiel pour l’un peut l’être pour l’autre. Je trouve formidable ce nouveau système d’échange.  

Quelles sont les premières étapes pour faire bouger chaque citoyen ?

A mon sens, il y a un (sérieux) manque d’éducation dans les écoles. Ça devrait commencer par là. Une vraie prise de conscience destinée à chaque écolier. On devrait leur expliquer pourquoi et comment nous sommes (si) liés à la terre. Quand un enfant aura compris ça, il aura parcouru un énorme chemin. Le respect passe par l’éducation et la connaissance.

Comment expliquez-vous qu’encore autant d’êtres humains ne se sentent pas concernés par l’avenir de notre planète ?

Je peux comprendre que les citadins ne se sentent pas concernés par les problèmes de sécheresse et d’appauvrissement des sols que l’on compense par des engrais chimiques, mais ce serait bien qu’ils fassent le rapprochement car ils sont au bout de la chaine alimentaire.

Nous vivons dans un système individualiste qui nous fait disparaître petit à petit. J’avais retrouvé cette solidarité au moment du Covid mais une fois la vie normale retrouvée, elle a disparu (pour de bon.) Nous sommes pourtant faits pour vivre ensemble, sans pour autant penser la même chose. Le discours unique n’est pas constructif. Penser ensemble, mais différemment, c’est la clé pour un avenir meilleur. 

Quels sont les écologistes ou personnalités qui vous ont inspirés ?

Pierre Rabhi évidemment, mais aussi des gens comme Cousteau par exemple. Certains reportages comme celui D’Al Gore, ou encore Demain de Mélanie Laurent, des lectures sur les peuples premiers, et bien d’autres documentaires sur la folie des hommes et l’urgence d’agir en conscience si l’on veut que cette terre soit encore vivable dans quelques décennies.

Enfant, vous sentiez-vous déjà concernée par l’avenir de notre planète ?

L’avenir de la planète ne faisait pas partie des préoccupations des enfants de mon époque. J’étais sensible à la nature sans ressentir le danger. Et puis on n’en parlait pas autant que maintenant.

Pourriez-vous vivre dans un éco lieu ?

Je pense que oui. J’ai eu l’occasion dans un lieu qui s’appelle Auroville en Inde, de visiter un endroit du nom de « Saddhana Forest ». Des jeunes venaient du monde entier pour planter des arbres. Pas pour eux mais pour les générations futures. Pendant leur séjour qui pouvait durer des mois, ils vivaient à la Robinson Crusoé, dormaient dans des Hamacs, n’utilisaient que l’eau nécessaire, de l’énergie solaire, des toilettes sèches, des petits poêles à bois pour la cuisine, beaucoup d’huile de coude pour assurer les tâches quotidiennes etc…Tout est aussi question d’habitude.

C’était très intéressant et édifiant de voir tout ça : dans la bonne humeur, la conviction et l’élan de la jeunesse. Pour des gens âgés certes cela aurait été plus difficile, mais dans d’autres pays les jeunes sont aidants et responsables envers les ainés.

Dans un récent rapport, la Cour des comptes appelle à élever moins de vaches pour respecter les engagements français de réduction des émissions de méthane. Qu’en pensez-vous ? 

Si ça peut diminuer l’élevage intensif et la consommation de viande à outrance, ce serait une bonne chose pour la santé. Mais franchement je pense que les pets de vaches sont une préoccupation secondaire comparée à la déforestation de la forêt amazonienne ou indonésienne et à ce qu’on laisse partir comme polluants dans les fleuves ou dans les mers.

Si vous étiez président de la République, vous… 

Je nommerais des ministres qui ont sagesse et ouverture d’esprit, un minimum d’égo et une expertise de terrain pour régler les problèmes de géopolitique et d’environnement. Je subventionnerais des recherches sur l’énergie libre, j’encouragerais les aides associatives de proximité, je lutterais contre l’isolement, je redonnerais du pouvoir aux maires des communes, je remettrais la jachère et le renouvellement des sols et des haies. J’enlèverais le goudron ou le béton dans les campagnes là où il n’est pas absolument nécessaire et je faciliterais ou instaurerais d’autres moyens de locomotion.  Se déplacer à cheval ou en calèche pour des trajets courts ce serait génial ! C’est si bon de rêver…

Pour aller plus loin :

🎤 L’interview écolo de Thomas Dutronc : « Le plastique et tous les gadgets chinois m’exaspèrent. »

🎤 L’interview écolo de Kareen Guiock-Thuram : “Nous vivons au-dessus des moyens de la Terre »

🎤 L’interview écolo d’Alexandra Rosenfeld : “Si rien ne change, l’humanité en paiera le prix”

🎤 L’interview écolo Philippe Vandel : « Être écolo, c’est agir local, penser global »

🎤 L’interview écolo Tatiana Silva : « Je tente, à travers mes bulletins, de conscientiser les téléspectateurs sur le changement climatique. »

L’actu de Véronique Jannot : Son prochain livre « Le présent est mon refuge », sortira le 12 octobre 2023 chez XO Editions.

Joséphine Simon-Michel

Journaliste infotainment, Joséphine excelle dans l'art des interviews. Pour Deklic, elle interroge des personnalités de différents univers (cinéma, télé, humour, politique…), toutes engagées pour la protection de l’environnement et conscients que la transition écologique est l’affaire de tous.

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