Autoroute A69 : un rapporteur de l’ONU sur la ZAD pour observer les méthodes des forces de l’ordre
Le projet controversé d’autoroute Toulouse-Castres prend une dimension de plus en plus internationale avec la visite sur le chantier du rapporteur spécial de l’ONU, Michel Forst, venu voir les opposants jeudi 22 février, après avoir reçu des alertes inquiétantes vis-à-vis des « méthodes de maintien de l’ordre actuellement employées ».
Il est accueilli sous les hourras. Michel Forst, rapporteur spécial de l’ONU sur la protection des Défenseurs de l’Environnement, est arrivé en début d’après-midi sur la Zone à défendre (ZAD) – appelée « Crem’Arbre » – mise en place par les opposants à l’A69 à Saïx, dans le Tarn. La veille, le collectif La Voie est Libre avait annoncé avoir déposé plainte auprès de M. Forst, face aux violences subies par « plusieurs citoyens et citoyennes qui occupent pacifiquement des arbres centenaires dans le Tarn, pour s’opposer à des coupes illégales ».
En présence des gendarmes, qui tenaient à distance les journalistes et la quarantaine de militants sur place, il a d’abord déclaré avoir « besoin de calme et d’espace », demandant à ce qu’on le « laisse faire (son) travail ». Puis il est monté à bord d’une nacelle pour s’entretenir avec les opposants, baptisés « écureuils », qui campent dans des arbres menacés d’abattage pour la construction de l’autoroute.
Un travail d’investigation
Le rapporteur spécial de l’ONU a ensuite expliqué être là pour « faire un travail d’investigation, recueillir des témoignages, entendre la parole des uns et des autres, avant de réagir ». « J’ai demain (vendredi) un entretien avec le préfet à 11h00 à Albi. Bien évidemment, c’est important qu’on écoute pas seulement la voix des militants qui sont dans les arbres, pas seulement la voix de ceux qui les accompagnent, mais également la voix des autorités nationales », a-t-il ajouté, précisant qu’il verrait après « s’il y a lieu ou non de faire une communication publique ».
Puis il s’est entretenu avec des militants sur un terrain privé aux abords de la ZAD, hors présence des journalistes. Un peu plus tôt, son attachée de presse avait signalé à l’AFP qu’il venait « observer la situation et recueillir des informations complémentaires auprès des observateurs de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et des militants qui sont sur place » et qu’il avait « rendez-vous avec les deux avocates Claire Dujardin et Alice Terrasse », qui représentent les anti-A69.
Le 16 février, M. Forst avait écrit sur X que « les alertes sur les méthodes de maintien de l’ordre actuellement employées contre les militants pacifiques sur le chantier de l’A69 sont alarmantes. Il est indispensable d’apaiser la situation sur place pour que la démocratie environnementale s’exerce ».
Des « scènes surréalistes »
Le même jour, six organisations avaient annoncé déposer une plainte contre X auprès du Procureur du tribunal de Toulouse pour mise en danger volontaire de la vie d’autrui. « Les pratiques des forces de l’ordre sont totalement inadmissibles. Nous refusons qu’un nouveau drame arrive pour que les instances compétentes se saisissent d’une expertise approfondie du dossier » avait alors déclaré l’avocate Claire Dujardin.
Les associations dénoncaient les nombreuses exactions commises par les forces de l’ordre en bordure de la ZAD, menant à des « scènes surréalistes » abondamment documentées par les opposants sur place. « Les forces de l’ordre ont déversé de l’essence aux pieds des arbres dans lesquels les écureuils sont installés, incendié en soirée une cabane située en pleine forêt, 2 gros spots ont été dirigés cette nuit vers les grimpeurs, les privant ainsi de sommeil et ce matin, tout ravitaillement leur a été interdit » témoignaient-ils dans un communiqué commun. La militante écologiste suédoise, Greta Thunberg, était venue le 10 février leur apporter son soutien.
Des arbres sont abattus
Cela fait désormais plusieurs jours que les forces de l’ordre encerclent la « Crém’Arbre » et sont accusées par les opposants d’empêcher le ravitaillement des « écureuils ». M. Forst a précisé leur avoir « apporté des médicaments ». « On a discuté également du ravitaillement en eau et en produits de première nécessité », a-t-il ajouté. Peu avant son arrivée, un de ces militants avait été contraint de descendre d’un arbre par des gendarmes qui l’ont interpellé.
Dans la matinée, au moins cinq arbres ont été abattus, alors que des tronçonneuses se faisaient entendre, derrière plusieurs fourgons de gendarmerie. Lundi, une nacelle avait déjà été amenée sur place et avait permis aux forces de l’ordre de détruire une des plate-formes en bois où campent les anti-A69. Mais les « écureuils » se sont repliés sur une autre partie de la zone, à l’aide de cordes pour passer d’un arbre à l’autre.
Atosca, le concessionnaire privé de l’A69 désigné par l’Etat, estime avoir depuis le 15 février le droit de reprendre les coupes d’arbres sur le tracé. Mais pour le collectif d’opposants La Voie est libre, le bois occupé par les zadistes est à « enjeu environnemental fort » et ne peut être défriché qu’entre le 1er septembre et le 15 octobre. Sur place, la députée LFI Karen Erodi a demandé « un moratoire, en attendant le résultat de la commission d’enquête parlementaire » qui a été créée.
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