C’est quoi le traité sur la charte de l’énergie ?
On vous explique ce qu’est le traité sur la charte de l’énergie, ce traité international que plusieurs pays européens envisagent maintenant de dénoncer.
En fin de semaine dernière, Londres a annoncé son possible retrait du traité sur la charte de l’énergie, comme l’ont déjà fait certains de ses voisins européens. La raison évoquée par les pays souhaitant se désengager : le fait que cet accord est trop protecteur des investissements faits dans les énergies fossiles. On en profite pour faire le point sur ce traité, son histoire et les obligations qui incombent à ses signataires.
Le contexte de la signature du TCE
Le traité sur la charte de l’énergie (TCE) a été signé en 1994 à Lisbonne avant son entrée en vigueur en 1998. Il vise à établir un cadre pour la coopération transfrontalière et l’investissement financier dans le secteur de l’énergie. Le TCE traite en particulier de la protection des investissements, du commerce des matières et des produits énergétiques, du transit et du règlement des différends.
Ce traité international, conclu dans un contexte post guerre froide, avait plusieurs objectifs : le développement d’un marché ouvert et concurrentiel de l’énergie, la protection des investissements étrangers, la lutte contre les distorsions de marchés ou les entraves à la concurrence, la garantie de flux de transit transfrontaliers des matières et produits énergétiques au moyen de réseaux (tels que des pipelines…), la reconnaissance de l’importance des flux de capitaux destinés à financer les échanges de matières et de produits énergétiques, les investissements dans les activités économiques du secteur de l’énergie ou encore la création de conditions stables et équitables pour les investisseurs.
L’objectif de départ était d’inclure les pays de l’ex-Union Soviétique et d’Europe de l’Est dans les marchés européens et mondiaux. Les pays de l’Est disposaient de nombreuses ressources (charbon, bois, gaz, pétrole) tandis que l’Europe faisait face à des besoins énergétiques de plus en plus importants.
Les parties au TCE
Parmi les signataires de ce traité international, on trouve notamment tous les pays de l’Union Européenne (sauf l’Italie qui a dénoncé le traité en 2015), l’Union Européenne en tant qu’entité, le Royaume-Uni, la Norvège (qui n’a pas ratifié le traité), la Suisse, la Turquie, le Japon et plusieurs États d’Asie centrale et orientale. La Russie, signataire du traité qu’elle n’a jamais ratifié, a cessé de l’appliquer à compter de 2009.
Plus récemment, en 2022, avant l’annonce du Royaume-Uni faite à la rentrée, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Allemagne, la Slovénie, le Luxembourg et la France ont annoncé leur volonté de se désengager du traité. S’agissant de la France, cette annonce a été faite le 21 octobre 2022 et prendra effet le 8 décembre 2023. En novembre 2022, le Parlement européen a appelé la Commission européenne à organiser la sortie collective de tous les États membres du TCE. Début 2023, la Commission a indiqué que cette option lui paraissait être « la plus adéquate ».
Les critiques du TCE
Ainsi, un processus de modernisation du TCE a été engagé en 2017, mais les avancées n’ont pas été jugées suffisantes pour les pays ayant décidé de sortir de l’accord. La décision de la France a suivi un avis du Haut Conseil pour le Climat (HCC) qui a jugé que « les amendements proposés (…) ne sont pas à la hauteur de l’ambition climatique de la France et de ses engagements internationaux sur le climat », et en particulier que le TCE « n’est pas compatible avec le rythme de décarbonation du secteur de l’énergie et l’intensité des efforts de réduction d’émissions nécessaires pour le secteur à l’horizon 2030 ».
Le GIEC était parvenu à cette même conclusion en indiquant dans son rapport de 2022 que le TCE « s’attache toujours à promouvoir le développement des combustibles fossiles, (…) conçu pour protéger les intérêts des investisseurs dans des projets énergétiques contre les politiques nationales ». Avant cela, de nombreuses ONG et activistes dénonçaient déjà le TCE en soulignant notamment que ce traité permettait à des multinationales polluantes d’obtenir des indemnisations colossales de la part d’États qui tentaient de réglementer le secteur de l’énergie pour atténuer les effets du changement climatique.
L’article 47 du TCE prévoit une « clause de survie ». Selon cette clause, malgré le retrait par un État partie du TCE, ses dispositions restent applicables pendant 20 ans. Toutefois, selon certains juristes et ONG, un retrait coordonné de l’Union Européenne pourrait permettre de neutraliser en partie cette clause.
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