Comprendre : comment les bombes carbone menacent le climat

Par Gaëlle Coudert , le 6 novembre 2023 — réchauffement climatique - 4 minutes de lecture
Mine de charbon de Hambach

Vue aérienne de la mine de charbon de Hambach, en Allemagne, qui figure parmi les bombes carbone répertoriées. Rolf Vennenbernd/DPA via AFP

Deux ONG françaises ont étudié les bombes carbone, méga-gisements d’énergies fossiles particulièrement émetteurs de gaz à effet de serre et levé le voile sur les acteurs économiques liés à ces projets. Les résultats publiés le 31 octobre ont été révélés par Le Monde et un consortium de médias internationaux.

Le 31 octobre 2023, deux ONG, Éclaircies et Data for Good ont publié sur Carbonbombs.org un travail de recherche autour des 425 bombes carbone dans le monde, révélant tous les acteurs économiques en lien avec ces projets : entreprises, banques et États. Le sujet a donné lieu à une série d’enquêtes du Monde et d’un consortium de médias internationaux.

Émissions pharaoniques de gaz à effet de serre 

Un gisement de combustibles fossiles est qualifié de bombe carbone si l’exploitation des réserves disponibles de ce gisement implique l’émission d’au moins un milliard de tonnes de CO2/Eq avant de s’épuiser. Ce terme a été employé en 2022 par le chercheur allemand Kjell Kühne, dans une étude recensant 425 bombes carbones partout dans le monde. Trois de ces projets ont été stoppés depuis la publication de cette étude alarmante. Il en reste donc 422 : 294 sont des gisements en exploitation et 128 sont pour l’instant seulement des projets d’exploitation. Il s’agit principalement de mines de charbon, de gisements de gaz et de pétrole.

Les émissions que pourraient engendrer l’exploitation totale de ces gisements s’élèvent à 1180 gigatonnes de CO₂/Eq, dont 880 gigatonnes correspondent aux projets effectivement en service.

Cette quantité d’émissions à venir est à lui seul largement supérieur à la limite des émissions à ne pas dépasser pour respecter l’Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. En effet, selon le dernier rapport du GIEC, l’humanité n’a plus que 500 gigatonnes de CO₂/Eq à émettre.

Où se trouvent ces bombes carbones et qui se cache derrière ?

Elles sont un peu partout, mais surtout dans trois pays. En tête : la Chine, où se trouvent 141 des bombes carbone, principalement des mines de charbon, susceptibles d’émettre 28 % des émissions potentielles liées à l’ensemble. Viennent ensuite la Russie, avec 40 bombes carbone (10 % des émissions potentielles) et les États-Unis, avec 28 bombes carbone présentes sur son territoire (13 % des émissions potentielles). Les pays du Golfe Persique ne sont pas en reste. Soixante-quinze bombes carbone s’y trouvent, dont 23 en Arabie Saoudite, 16 en Iran et 13 au Qatar. Le projet le plus émetteur : le Permian Delaware Tight aux États-Unis et ses réserves colossales de pétrole et de gaz de schiste.

L’enquête met aussi en exergue la chaîne des responsabilités : derrière les entreprises exploitant directement les infrastructures, il y a aussi les États qui autorisent la construction des gisements, les entreprises qui possèdent des parts dans les infrastructures mais aussi les banques qui financent les projets, entre autres acteurs économiques.

Ainsi, 454 entreprises auraient un lien avec les bombes carbone. China Energy est l’entreprise en tête, et juste derrière on trouve TotalEnergies, 2e au classement donc, qui est associée en tant qu’opérateur ou actionnaire à une vingtaine de bombes carbone.

Puis, parmi le top 10 des banques finançant ces opérations, on trouve deux banques françaises : BNP Paribas, à la cinquième place du classement, et le Crédit Agricole, à la septième place. 

Chaque année, de nouveaux projets de « bombes carbones » sont annoncés par les majors de l’énergie, qui arguent qu’il serait nécessaire de le faire pour répondre à la demande mondiale, en attendant le développement des énergies renouvelables. En 2021, le directeur de l’Agence Internationale de l’Energie a pourtant déclaré le contraire : « Si les États sont sérieux sur la crise climatique, il ne devrait plus y avoir de nouveaux investissements dans le pétrole, le gaz et le charbon dès maintenant. » 

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Gaëlle Coudert

Ancienne avocate parisienne reconvertie en journaliste basée dans les Pyrénées-Atlantiques, Gaëlle s’est spécialisée sur les sujets liés à l'écologie. Elle a cofondé le magazine basque Horizon(s), a été rédactrice en chef d'ID, l’Info Durable et rédige aujourd’hui des articles pour divers médias engagés dont Deklic. Ses passions : le sport (surf, yoga, randonnée) et la musique (guitariste et chanteuse du groupe Txango)

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