Décarbonation : qu’est-ce que c’est ?

Par Wanis Cassim , le 2 juillet 2024 — pollution, Protection de l’environnement, réchauffement climatique, Transition Écologique - 16 minutes de lecture

Les rapports du GIEC sont clairs, sans un changement drastique de notre manière de produire et de consommer, la température du globe va continuer à grimper. La prise de conscience écologique, bien qu’assez tardive, a tout de même permis de théoriser et mettre en pratique des solutions pour lutter contre ce réchauffement. 

Parmi ces solutions, l’une des plus connues est sans doute la décarbonation.

Alors, en quoi cela consiste ? Quels sont les moyens mis en place pour parvenir à cette décarbonation ? 

Découvrons-le ensemble !

La décarbonation, c’est quoi ?

On connait tous-tes le dioxyde de carbone, ce gaz devenu célèbre à cause de son effet de serre. La décarbonation (ou décarbonisation) est à la fois l’objectif et le procédé visant à réduire, voire éliminer les rejets de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère, émis par les activités humaines.

Tous les protocoles, toutes les mesures, les politiques et les actions menés en vue de diminuer ou d’éliminer les gaz à effet de serre peuvent donc entrer dans la décarbonation.

Dans un système qui a longtemps donné la part belle (et qui la donne encore) aux énergies fossiles comme le pétrole, le charbon ou le gaz), la décarbonation implique donc un changement radical, une refonte profonde de nos systèmes.

⚡Les systèmes énergétiques

Dans des sociétés qui fonctionnent encore largement avec les énergies fossiles, les systèmes énergétiques figurent parmi les secteurs les plus polluants en termes de gaz à effet de serre. Pour contrer cet état de fait, la décarbonation mise donc sur les énergies renouvelables pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre. C’est notamment le cas d’EDF, qui avait promis la décarbonation des territoires insulaires dont l’entreprise avait la charge en 2023.

🤖Les technologies

L’évolution des technologies doit s’orienter vers un principe de décarbonation. Fini le temps de l’optimisation des moteurs thermiques dans les voitures en Europe. Parce qu’elle interdit la commercialisation des voitures neuves à moteurs thermiques d’ici 2035, l’Union Européenne œuvre pour la décarbonation, en privilégiant la technologie des moteurs électriques, bien moins émettrice de gaz à effet de serre sur le long terme.

Parallèlement, la démocratisation d’un moyen de produire de l’électricité à partir d’une énergie renouvelable comme les panneaux solaires permet une orientation progressive du secteur de l’énergie qui mise sur la création de grandes centrales électriques écologiques (parcs éoliens, centrale solaire, barrage hydroélectrique, etc.) et la multiplication des solutions pour une autoconsommation de la production (panneaux solaires sur le toit d’une maison par exemple).

💶Les comportements économiques

La décarbonation doit aussi privilégier une nouvelle approche dans les comportements économiques. Si l’on ne parle pas explicitement de décroissance, les entreprises doivent quand même prendre en compte leur impact écologique de façon globale.

De la production à l’emballage, en passant par le transport dans les centrales d’achat ou les entrepôts, jusqu’à la distribution dans les boutiques ou chez les gens, la décarbonation doit être présente à chaque étape des processus marchands de l’entreprise.Le transport de marchandises, particulièrement émetteur de pollution, est un secteur qui doit se décarboner massivement. En ce sens, des cargos voiliers sont en construction et devraient prendre la mer d’ici 2027.

👪Les comportements sociaux

La décarbonation est l’affaire de toutes et tous. C’est la société entière qui doit opter pour cet objectif afin de baisser durablement, et à un rythme convenable, les émissions de gaz à effet de serre.⚠️ La décarbonation fait directement référence au dioxyde de carbone (CO2), le second gaz à effet de serre (après la vapeur d’eau) responsable du réchauffement de la planète. Pourtant, la décarbonation concerne aussi les autres gaz à effet de serre. Le méthane, une forme de carbone, est ainsi 25 fois plus puissant dans son effet de serre que le CO2 bien présent en moindre quantité dans nos émissions. A cela, on peut ajouter les hydrocarbures perfluorés et les hydrofluorocarbures, l’oxyde nitreux, l’hexafluorure de soufre ou encore le trifluorure d’azote. Tous sont des gaz à effet de serre. La décarbonation ambitionne donc la réduction à moyen terme, et la suppression à long terme, de tous ces gaz.

Pourquoi la décarbonation ?

La décarbonation n’est pas une pratique morale ou visant à éliminer les gaz à effet de serre (GES) par principe. Elle tente de contrer (ou du moins, d‘atténuer) les effets néfastes des activités humaines sur la planète.

C’est une réponse à un constat scientifique : le réchauffement de la planète dû aux activités humaines, notamment depuis la révolution industrielle, est bien réel.
Les différents rapports du GIEC, comme “l’Emissions Gap Report 2022” du programme des Nations Unies pour l’environnement sont clairs, les changements doivent êtres profonds et rapides. Ainsi, afin de limiter l’augmentation des températures mondiales à 1,5 °C, les émissions de gaz à effet de serre doivent baisser de près de 45 % en huit années à peine. D’ici 2030, donc, il faudra que les pays réduisent de près de moitié leurs émissions de GES par rapport à 2022. Plus encore, l’effort devra encore être accentué en 2030 pour pouvoir respecter les engagements de l’Accord de Paris qui visent une neutralité carbone d’ici 2050.

Atteindre la neutralité carbone

C’est en 2015 que près de 200 pays ont signé l’Accord de Paris. L’objectif de cet accord est de limiter le réchauffement de la planète en dessous des 2 °C de plus que les niveaux préindustriels. Depuis, c’est le chiffre de 1,5 °C qui est avancé, un recul tant les efforts entre 2015 et 2020 ont été timides de la part des acteurs de cet Accord de Paris. Pour tenter de restreindre cette augmentation de température, les pays ont décidé ensemble d’un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.

Parvenir à la neutralité carbone est donc un des buts à atteindre pour lutter contre le réchauffement climatique.

Concrètement, les pays devront absorber et éliminer autant de gaz à effet de serre qu’ils en produisent.

🗓️D’ici 2050, les pays (dont la France) qui se sont engagés doivent impérativement aboutir à un bilan carbone de zéro.

🏭En 2050, une usine française qui émet mensuellement 15 tonnes de GES devra en en absorber (ou en éliminer) 15 tonnes par mois. Ainsi, l’usine sera considérée comme n’émettant pas de GES, elle sera alors en neutralité carbone.

🏞️Dès 2021, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) publiait un rapport indiquant que la neutralité carbone exigeait différentes mesures

  • Investir 5 000 milliards de dollars par an, tous les ans, dans la recherche et le développement de technologies bas carbone, de la low-tech, et d’autres solutions pour démocratiser des technologies qui n’émettent que très peu (ou pas du tout) de GES
  • Une multiplication par 4 des capacités solaires et éoliennes des pays d’ici 2030
  • Le renoncement à tout nouveau projet d’exploitation des énergies fossiles
  • La fin de la vente des voitures thermiques neuves d’ici 2035

Suivant ce plan, en 2050, le monde devra

  • Avoir développé des technologies permettant de capter et supprimer plus de 50 % des émissions de gaz à effet de serre sur la planète
  • Offrir une part de l’électricité provenant des énergies renouvelables ou nucléaires à plus de 90 %
  • Privilégier une diminution des ressources fossiles qui ne fourniront plus qu’un cinquième de l’énergie produite dans le monde (contre ⅘ aujourd’hui)
  • Promouvoir un développement des technologies à bas carbone qui offriront une réduction de 50 % des émissions de GES dans le monde

Réduire les dépendances énergétiques

La décarbonation permet aussi de modérer la dépendance des pays non producteurs d’énergies fossiles. L’importance de ces énergies dans nos sociétés offre un levier géopolitique aux nations qui en sont dotées.

Certains pays sont donc parfois réduits dans leurs mouvements par une dépendance énergétique vis-à -vis d’un autre pays. L’exemple récent de la Russie démontre parfaitement la nécessité pour tous les états du monde, mêmes les plus développés, d’atteindre une certaine indépendance énergétique. 

Pour remplacer le gaz russe, l’UE a, en partie, opté pour du gaz de schiste américain. En plus d’être une catastrophe environnementale lors de son extraction, ce gaz traverse l’Atlantique pour nous parvenir, ce qui n’est absolument pas conforme à la trajectoire visée par les pays de l’Union Européenne, tous signataires de l’Accord de Paris.

Le grand avantage des énergies renouvelables, c’est que tous les territoires en sont dotés. Certes, il y a plus d’ensoleillement ici, favorisant la mise en place de panneaux solaires, ou plus de vent là, qui bénéficierait aux éoliennes, toutefois, il est possible d’installer des centrales pour produire de l’énergie renouvelable partout !Le soleil, le vent, les vagues ou encore la différence de taux de sel entre deux eaux dans un estuaire, autant de moyens de produire de l’énergie verte, et donc de faire cesser la dépendance à des pays tiers.

L’Etat français, une décarbonation illustrée

La décarbonation vise la société en général. Tout le monde est donc concerné, même l’Etat, dans son fonctionnement. 

Réformer nos habitudes passe par tous les domaines et c’est ainsi que les pouvoirs publics, afin de montrer l’exemple, pratiquent la décarbonation depuis 2018 et leur Stratégie Nationale Bas-Carbone. Dans les ministères et autres instituts publics, on tente donc d’adopter des gestes pour décarboner les activités de l’Etat.

Pour cela, le plan prévoit plusieurs changements dont voici quelques exemples : 

  • 2 jours de télétravail en moyenne par semaine
  • Diminution de la surface des bureaux de 25 %
  • Diminution de 50 % des gaspillages alimentaires
  • Réduction du parc de véhicules de 20 %
  • Diminution de 85 % des GES émis par les déplacements (hors usage de la flotte de l’Etat, avions ou véhicules présidentiels, etc.)
  • Diminution de 60 % de la consommation énergétique tertiaire

Et au niveau des entreprises ?

La décarbonation est l’affaire de tous-tes, et les acteurs publics comme privés sont donc priés de se lancer dans cette grande aventure. Pour les entreprises, la décarbonation est tout autant une nécessité qu’un argument de vente et de légitimation de la marque. 

Le public étant aujourd’hui sensibilisé aux causes écologiques, ne pas respecter ses engagements peut mener à une décrédibilisation de l’entreprise, et celles qui exploitent les énergies fossiles souffrent d’une mauvaise image. Au contraire, les sociétés commerciales qui œuvrent pour la transition énergétique et la décarbonation jouissent d‘une très bonne image qui peut améliorer leur santé en boostant leurs ventes.

Comment décarboner le monde ?

La décarbonation peut passer par différents chemins. Néanmoins, ils visent tous le même objectif, l’élimination, voire la fin totale des émissions de GES.

Réduire la consommation d’énergie en visant l’efficacité énergétique

Pour émettre moins de GES, il faut naturellement réduire la consommation énergétique. Cet objectif vise donc une certaine sobriété, qui se rapproche de la low-tech. Moins un produit, une personne, une usine ou un processus ne consomme d’énergie, plus il est décarboné.

Pour cela, la sobriété s’accompagne de l’efficacité énergétique. Le but n’est donc pas de créer un objet bien moins performant, il est de créer un objet (un processus ou une organisation, etc.) efficace utilisant le moins d’énergie possible.

L’efficacité énergétique n’est donc pas une dépense en soi pour les entreprises ou les pouvoirs publics, il s’agit plutôt d’économies faites en optimisant au maximum les protocoles et en favorisant les moyens d’abaisser la consommation d’énergie.

🏡Une bonne isolation d’une maison ou d’un bâtiment participe à l’efficacité énergétique en évitant les passoirs thermiques, cauchemars pour la consommation d’énergie.🗺️L’efficacité énergétique ne doit pas viser l’exportation des productions énergétiques puisque le réchauffement climatique est un problème mondial. En faisant construire des batteries pour voiture électrique ou des équipements en Chine, on déplace les émissions de GES d’un endroit à l’autre. Pour qu’elle soit performante, l’efficacité énergétique doit être mondiale.

Miser sur les ressources renouvelables et l’électrification

En préférant les énergies renouvelables aux énergies fossiles pour produire de l’électricité ou du gaz, on diminue grandement les émissions de gaz à effet de serre. 

🔥Ainsi, le gaz peut remplacer le charbon dans les endroits où cette ressource est encore exploitée. Le biogaz ou l’hydrogène peuvent remplacer le gaz naturel, etc. L’objectif est simple, opter pour une énergie moins polluante que la précédente afin que cette décarbonation reste réalisable. Demander à un pays dépendant du charbon de passer directement au solaire pour se fournir en électricité tient plus de l’utopie. 

La transition demande des années, en attendant, il faut donc pouvoir diminuer les émissions de GES, car, comme le démontrent les scientifiques, le temps presse.

Avec la multiplication des ressources renouvelables et par conséquent des méthodes pour les exploiter, la décarbonation passera forcément par une démocratisation de ces moyens, afin que les énergies renouvelables deviennent la première ressource dans le monde.

Grâce à cette exploitation des énergies renouvelables pour produire de l’électricité, on peut aussi miser sur l’électrification, un autre moyen pour soutenir la décarbonation.

⚡Le concept ici est très simple, tout ce qui peut être électrifié pour remplacer un carburant fossile, est bon à prendre.

🚗On peut ainsi contribuer à cet objectif en optant pour des véhicules électriques plutôt que thermiques par exemple.

L’électrification peut aussi passer par un le chauffage (on remplace le vieux poêle à fioul par un poêle à granulés ou un chauffage électrique), la fabrication (des machines d’usines qui tournent à l’électricité plutôt qu’au gasoil ou autres ressources fossiles).

Préserver les puits de carbone et mettre en place une gestion des émissions résiduelles

Les émissions de GES sont naturelles, comme leur absorption par la nature. Le problème réside dans la proportion d’émission de GES produite par les humains. Une proportion tellement grande que la nature est incapable de tout absorber.

La première des mesures est donc de promouvoir ces puits de carbone naturels, qui sont des endroits qui capturent les GES et les retiennent.

🌳Les forêts sont ainsi des puits de carbone très connus. Les arbres absorbent les GES comme le dioxyde de carbone, pour le recracher sous forme d’oxygène !

🌊Les océans (grâce aux organismes photosynthétiques) sont aussi des puits de carbone. Ils enferment les gaz à effet de serre sans les rejeter dans l’atmosphère.

Les émissions résiduelles représentent celles de GES qu’il est impossible d’éviter. Quel que soit le degré de perfection de la décarbonation, les activités humaines continueront d’émettre des GES qu’il faut donc traiter.

Pour traiter ces émissions que l’on ne peut pas empêcher, des technologies de capture et de traitement des GES ont été développées ces dernières années. Il est ainsi possible de capturer les GES au moment de leur production pour ensuite les stocker. Cela empêche leur prolifération dans l’atmosphère et donc l’augmentation de l’effet de serre sur la planète.

🌬️Une autre solution consiste à aspirer de l’air pour le transporter vers des modules qui emprisonnent le CO2 avant de laisser le reste de l’air repartir vers l’atmosphère.

La séquestration du dioxyde de carbone (et des autres GES) est cependant un processus coûteux et fastidieux, qui demande donc une véritable volonté de la part des pouvoirs publics ou des entreprises.

🍂La biomasse, qui peut servir pour fabriquer du biogaz et ainsi participer à la décarbonation, exige souvent la destruction d’un espace naturel (pour du bois, il faut couper un arbre). Or, ces espaces naturels sont souvent des puits de carbone en soi. 

Un difficile équilibre entre croissance économique et décarbonation

La décarbonation ne peut pas toucher tout le monde de la même manière. En effet, face aux inégalités économiques entre les pays, aussi bien que les inégalités de responsabilités, la décarbonation est l’affaire de tous-tes, de façon différente.

On ne peut pas demander à un pays en voie de développement de faire les mêmes efforts qu’une grande puissance ayant participé pleinement à la révolution industrielle et ses conséquences contemporaines.

Les objectifs de l’Accord de Paris n’étant pas contraignants, chaque pays signataire est libre de développer sa propre méthode pour décarboner sa société et son environnement. La décarbonation n’est donc pas effective de la même manière partout sur la planète. Certains pays développés font des gros efforts, quand d’autres ignorent tout simplement cet accord. 

La disparité des politiques et la complexité des relations internationales freinent donc les possibilités d’un objectif commun qui rassemble toute la planète derrière une même intention : préserver notre « maison ».

La décarbonation est donc un but autant qu’une méthode pour lutter contre le réchauffement climatique et ses conséquences. Pour autant, ce cap est difficile à maintenir, tant les changements affectent chaque aspect de la société et de la vie, de la rue jusqu’à nos domiciles. Elle apparaît cependant comme une nécessité de plus en plus évidente tant les rapports alarmistes des scientifiques prouvent notre impact sur les émissions de gaz à effet de serre, et donc l’importance de notre rôle à jouer pour les diminuer.

Sources :

https://www.economie.gouv.fr/actualites/transition-ecologique-strategie-accelereration-decarbonation-sites-industriels

https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Strategie_decarbonation_Etat_VF.pdf

https://www.economie.gouv.fr/actualites/transition-ecologique-strategie-accelereration-decarbonation-sites-industriels

https://www.unep.org/resources/emissions-gap-report-2022

Wanis Cassim

Après des études de philosophie, Wanis décide de laisser la théorie afin d’agir à sa façon en faveur de l’écologie. Passionné de science-fiction, de nouvelles technologies aussi bien que de la nature, il tente d’allier ses centres d’intérêts dans son travail de rédacteur Web.

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