Un écolieu, c’est quoi ?

Par Wanis Cassim , le 28 novembre 2024 — biodiversité, engagement écologique, Protection de l’environnement, Transition Écologique - 9 minutes de lecture

Vivre en harmonie avec la nature, en ne lui prenant pas plus que ce qu’elle peut nous donner. Un rêve ? Une utopie ? Pas pour certains-es ! Les écolieux ou écovillages (c’est la même chose, on parle d’écovillage pour un écolieu conséquent) représentent cet idéal incarné dans des systèmes de gestion en communauté qui font parler d’eux. Minimiser l’impact écologique des êtres humains et tenter de faire plus et mieux avec moins, voilà le projet des écolieux, temples de la low-tech et des nouvelles façons de produire et de consommer, plus respectueuses de la nature.

Autoconsommation, permaculture, économie circulaire, plongeons ensemble dans les écolieux !

On parle d’écolieux pour décrire de nombreux endroits bien différents. Leur point commun est cependant un projet de vie en harmonie avec la nature. Ainsi, les pratiques durables et respectueuses de l’environnement sont au cœur de ces projets.

On peut tenter de définir les écolieux ainsi (même si les définitions immuables ne conviennent pas tout à fait à ces projets aussi différents que celles et ceux qui les initient)

👥 Une vie en communauté. On ne parle pas ici d’ermites, un écolieu abrite plusieurs habitants-es qui vivent donc en communauté ;

🛖 La recherche d’un habitat durable, qui respecte l’environnement tout en étant efficace énergétiquement parlant ;

🥕 Une alimentation saine et autoproduite au maximum (permaculture par exemple) ;

🍃 Un style de vie basé sur le respect de l’environnement ;

La recherche d’une autonomie, qu’elle soit alimentaire ou énergétique (une autonomie portée par de la low-tech si possible) ;

🤔 Des valeurs et réflexions communes sur l’écologie et les moyens de se recentrer vers une consommation raisonnable des ressources planétaires.

Quelques écolieux emblématiques en France et ailleurs

Rien de mieux que des exemples pour saisir ce qu’est un écolieu.

La ferme du Bec Hellouin

Nous partons en Normandie pour cette première étape à la découverte de ces espaces. La ferme du Bec Hellouin est sans aucun doute l’un des écolieux les plus célèbres de France.

Fondée par Charles et Perrine Hervé-Gruyer, un couple, cette ferme se base sur le principe de la permaculture.

🌾 La permaculture est une méthode qui s’inspire des écosystèmes naturels pour créer des cultures (ou des environnements, plus largement) qui respectent la nature et s’autosuffisent. Une plante ou un insecte peut être introduit afin de protéger une autre plante par exemple. Elle inclut aussi une certaine organisation des activités humaines, une gestion de l’eau ou la conception d’habitats respectueux de la nature. C’est une philosophie qui englobe une manière de vivre.

La ferme cultive une multitude de fruits, de légumes, d’herbes et de fleurs de manière biologique. Des arbres sont aussi implantés pour offrir une plus grande biodiversité et améliorer le climat au milieu des plantations. 

La ferme tend à appliquer la philosophie de la permaculture dans la pratique, et elle l’enseigne aussi !

🧑‍🏫 En effet, elle est dotée d’un centre de formation qui dispose des cours sur la permaculture et l’agriculture biologique et durable. La ferme est aussi un centre scientifique qui produit des rapports sérieux et reconnus.

🧑‍🎤 Véritable rock star des écolieux, la Ferme du Bec Hellouin compte particulièrement dans la promotion de ces endroits !

Findhorn en Ecosse

Au nord de l’Ecosse, dans la région de Moray, la fondation Findhorn est aussi un écolieu important qui abrite près de 500 personnes en moyenne sur 64 hectares. 

Il a été fondé au début des années 60 par quelques personnes. Le principe, dès le départ, était de tenter de vivre en harmonie avec la nature et de trouver des techniques innovantes pour encourager une production et une consommation durables.

Ici aussi, le lieu est tout autant axé vers la recherche scientifique, le débat philosophique, que l’expérimentation de nouvelles techniques.

Findhorn se distingue par son utilisation des énergies renouvelables pour alimenter ses travaux et la vie en son sein. Le solaire et l’éolien sont mis à contribution pour donner vie à cet écolieu.

Des cours et des “retraites spirituelles” pour se reconnecter à la nature sont proposés par l’institut dans un esprit inclusif.

Auroville en Inde

Créée en 1968 par Mirra Alfassa (La Mère), une Française d’origine égyptienne, cette cité avait pour ambition première d’accueillir tout le monde pour vivre en paix et en harmonie avec la nature.

Auroville a été fondée sur des principes comme : 

  • l’absence de propriété privée
  • l’absence d’argent au maximum
  • une gestion collective de la ville sans hiérarchie

👋 Si cette ville possède des services publics gratuits (écoles, hôpitaux, etc.), il n’en reste pas moins que l’argent n’est pas complètement absent. Les habitant-e-s y utilisent un système de contribution financière et de cartes électroniques pour les dépenses locales.

La ville se démarque de par sa volonté de produire en agriculture biologique avec la permaculture comme philosophie et son utilisation des énergies renouvelables pour s’alimenter en énergie électrique.

🌧️ L’eau de pluie est récupérée pour recharger les nappes phréatiques asséchées et pour irriguer les sols. 

♻️ Les déchets sont recyclés et le compost qui en est issu sert directement aux fermes de la ville. Ceux qui ne sont pas recyclables sont transformés par l’artisanat pour causer le moins de pertes possible.

🛖 Les bâtiments et les habitations de la ville s’intègrent à l’environnement. Le sol autrefois aride est aujourd’hui fertile grâce à la reforestation et d’autres projets associés (la forêt de Sandhana est un des projets les plus connus de Auroville).

🧑‍🔬 La ville est aussi réputée pour son centre de recherche sur les énergies renouvelables !

Les difficultés que peut rencontrer un écolieu

Parce que le fonctionnement d’un écolieu est très différent d’une ferme normale, il existe des difficultés propres à l’installation de ce genre de structure.

Ecolieu, la nécessité d’un statut juridique

Généralement, ils se constituent en coopératives ou associations. Un écolieu peut cependant avoir plusieurs statuts, qui correspondent à chaque activité. Par exemple, pour gérer du foncier, il faudra opter pour le statut de Société Civile Immobilière (SCI). Pour pouvoir s’associer à des partenaires dans l’aventure, il faudra créer une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). 

Toutefois, ces lourdeurs administratives peuvent compliquer la vie d’un écolieu, qui peut avoir plusieurs statuts de par sa nature même.

Des règles qui s’appliquent pour toutes et tous

Les écolieux n’échappent pas aux lois en vigueur. Toutes les constructions doivent donc faire l’objet d’un permis de construire. Or, les écolieux ont tendance à se situer dans des endroits où les contraintes sont parfois plus strictes. 
Si on ajoute à cela les règles spécifiques qui concernent les systèmes écologiques d’assainissement (phyto-épuration par exemple), les activités agricoles ou d’accueil du public, cela peut vite se transformer en montagne administrative.

Un financement souvent participatif

Les écolieux ne sont pas construits par des grands fonds d’investissement. Pour créer ce genre de lieux, il faut donc pouvoir lancer (et réussir) un financement participatif (crowdfunding) tout en sollicitant toutes les subventions disponibles. Le projet doit donc convaincre les autorités capables de le soutenir financièrement, ainsi que certain-e-s citoyens-nes engagé-e-s (à propos de citoyen engagé, découvrez notre interview de Redouanne Harjane) !

Une existence à contre-courant

Un écolieu qui produit des fruits et des légumes ne peut pas rivaliser avec les fermes agricoles presque entièrement automatisées. Dur dur donc de faire face à la concurrence des géants, si l’on veut proposer des prix abordables pour les fruits et légumes par exemple. Les écolieux comptent donc aussi sur l’engagement des consommateurs-ices, pour payer plus cher un produit de meilleure qualité, cultivé avec un plus grand respect de la nature.
Les écolieux se pensent donc comme des lieux de résilience face à une société qui ne prend pas conscience des enjeux climatiques réels. Loin du “système individualiste qui nous fait disparaitre petit à petit” comme le dit Véronique Jannot dans une de nos interviews, les écolieux se partagent.

Les écolieux, une diversité intrinsèque à la démarche

Si on peut donc dire que les écolieux œuvrent à avoir une bonne qualité de vie pour leurs habitants-es, au travers d’un développement personnel et collectif, sans oublier un impact écologique positif, tous sont différents les uns des autres.

Les aspirations, le terrain, la région, les personnes qui y viennent sont autant de facteurs qui font de chaque écolieu un endroit unique, avec ses propres objectifs et difficultés.

Ces oasis écologiques dans un monde urbanisé à outrance tentent de recréer des embryons de sociétés qui vivent en harmonie avec la nature. Pas dans un souci d’isolation, bien au contraire. L’objectif est de propager les idées, les méthodes et les techniques développées dans ces espaces au travers de stages, de formation ou de visites. Faire prendre conscience aux prochaines générations qu’une autre façon de vivre est possible est une des constantes des écolieux.

👶Ce sont souvent les enfants qui éduquent leurs parents au sujet de l’écologie selon Evelyne Dhéliat, une théorie confirmée dans l’interview de Valérie Damidot, qui constate que ce sont ses enfants qui l’ont aidée à prendre conscience du problème climatique. Le volet éducation des écolieux est donc primordial pour continuer à propager cette prise de conscience.
Les écolieux sont des havres pour que la nature puisse s’y développer en harmonie avec les personnes qui viennent s’y installer. Fermes, écoles, centres de recherches, lieux de rencontre et d’échange, lieux de vente ou d’achat, les écolieux peuvent prendre mille et une forme pour tenter d’écrire le futur de l’aventure humaine, qui prend en compte la planète sur laquelle on vit et les écosystèmes qui nous entourent. 🌞

Sources : 

https://www.fermedubec.com
https://www.fermedubec.com/wp-content/uploads/sites/8/2024/10/RAPPORT_SCIENTIFIQUE_IFBH_2023-2024_011024.pdf
https://www.findhorn.org

Wanis Cassim

Après des études de philosophie, Wanis décide de laisser la théorie afin d’agir à sa façon en faveur de l’écologie. Passionné de science-fiction, de nouvelles technologies aussi bien que de la nature, il tente d’allier ses centres d’intérêts dans son travail de rédacteur Web.

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