G20 et climat : ce qu’il faut retenir du très critiqué sommet de New Delhi

Par Gaëlle Coudert , le 12 septembre 2023 — réchauffement climatique - 7 minutes de lecture
G20 à New Delhi

Emmanuel Macron, lors du sommet du G20 à New Delhi, Crédit : Sonu Mehta/Hindustan Times/Shutterstock

Les 9 et 10 septembre 2023, le 23ème sommet du G20 s’est tenu à New Delhi, en Inde. Sur les questions climatiques, la déclaration finale, qui n’appelle nullement à sortir des énergies fossiles, déçoit. On fait le point sur ce qu’il faut en retenir.

Le soutien au triplement de la production d’énergie renouvelable

Point positif de ce dernier sommet – peut-être l’un des seuls -, qui s’est tenu ce week-end à New Delhi : le G20 a déclaré soutenir les efforts visant à tripler la capacité mondiale en matière d’énergies renouvelables d’ici à 2030, tout en promettant d’intensifier les mesures de lutte contre le changement climatique. Le groupe « poursuivra et encouragera les efforts visant à tripler les capacités en matière d’énergies renouvelables », peut-on lire dans la déclaration finale du sommet. C’est la première fois que le G20 soutient ainsi l’accélération des énergies renouvelables. L’objectif du triplement des capacités mondiales est ainsi en bonne voie pour faire l’objet d’un consensus à la COP28 qui se tiendra à compter du 30 novembre aux Émirats Arabes Unis. « Cette déclaration envoie un signal fort en faveur du progrès climatique », a salué Sultan Al Jaber, le président des Emirats Arabes Unis, hôte de cette prochaine COP. « Il s’agit d’une avancée significative et surprenante de la part du G20 », s’est félicitée Aditya Lolla, du groupe de réflexion sur l’énergie Ember, saluant « un grand revirement de la part de l’Arabie saoudite et de la Russie ». Une avancée à nuancer tout de même, la déclaration n’ayant pas été aussi ambitieuse sur la sortie parallèle des énergies fossiles.

L’absence de déclaration de sortie des énergies fossiles

La déclaration finale se contente ainsi d’appeler à « accélérer les efforts vers la réduction de la production d’électricité à partir de charbon ». Cet objectif exclut le gaz et le pétrole. Les membres du G20 ont également réaffirmé l’engagement à « réduire et rationaliser, à moyen terme, les subventions pour des usages inefficaces des énergies fossiles ». La déclaration finale du G20 ne contient donc pas d’appel à sortir à terme des énergies fossiles polluantes, objectif jugé pourtant « indispensable » par le premier bilan de l’accord de Paris publié vendredi par l’ONU Climat, qui fera l’objet de discussions lors de la COP28 à venir. 

Le G20 est un forum de coopération économique internationale qui réunit 20 grandes puissances mondiales, dont la France, les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Union Européenne, le Brésil ou l’Argentine, membres qui représentent 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Malgré l’absence d’engagement notable, les dirigeants des pays du G20 reconnaissent toutefois que, conformément aux recommandations du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat de l’ONU), la limitation du réchauffement à 1,5 °C « nécessite une réduction rapide, forte et soutenue des émissions de 43 % d’ici 2030 par rapport à 2019 ».

Le G20, dont les désaccords géopolitiques sont nombreux, notamment sur l’Ukraine ou en raison de la rivalité entre les États-Unis et la Chine, s’oppose aussi sur l’avenir du pétrole, avec de grands producteurs comme l’Arabie Saoudite très réticents sur le sujet.

Des investissements plus conséquents en faveur du climat

La déclaration prévient que les investissements dans le domaine du climat doivent « augmenter considérablement », notamment par le biais d’un financement plus ambitieux de la part des banques et institutions multilatérales, revendication cruciale et constante des pays en développement. L’Inde, pays hôte, a profité de sa présidence pour presser les pays riches à respecter leurs engagements existants – notamment celui, non atteint depuis 2020, de porter l’aide climatique annuelle à 100 milliards de dollars- et d’aller plus loin pour aider les nations à se protéger des futurs désastres climatiques.L’engagement sur les renouvelables est « une lueur d’espoir dans notre lutte contre le chaos climatique », a pour sa salué Andreas Sieber de l’ONG 350.org. À condition que les pays riches « fournissent les financements 
nécessaires
 » aux plus pauvres.

Un manque d’ambition largement critiqué

Si plusieurs voix saluent l’avancée du G20 sur la question des renouvelables, de nombreuses autres critiques l’absence d’ambition de ce dernier rapport. Ainsi, pour Tracy Carty de Greenpeace international, ce triplement des énergies renouvelables n’est qu’un « engagement timide » qui sera réalisé par le biais des « objectifs et des politiques existantes », sans véritable hausse des ambitions. « Malgré les températures record, les incendies, la sécheresse, les inondations et les autres catastrophes récentes qui ont touché des dizaines de millions de personnes, les dirigeants du G20 n’ont pas réussi à faire quoi que ce soit de significatif sur le changement climatique cette année », a-t-elle déploré.

Alors que l’année 2023 est en voie de devenir la plus chaude jamais mesurée, « ce G20 était censé montrer la voie vers un avenir sans énergies fossiles », a également réagi Friederike Roder, vice-présidente de l’ONG Global Citizen, dénonçant « un très mauvais signal pour le monde ». Même déception pour Laura Fisher, experte du cercle de réflexion E3G, qui a souligné que « les dirigeants se sont mis d’accord sur le strict minimum, une répétition de l’engagement du G20 de Bali en 2022 sur la réduction progressive du charbon ».

La France critique aussi ce manque d’ambition

Emmanuel Macron a jugé dimanche « insuffisants » les résultats du sommet du G20 de New Delhi en matière de climat et a « alerté tout le monde » sur la nécessité de fixer des objectifs plus ambitieux notamment sur la sortie du pétrole. « Et je suis pour ma part très préoccupé de l’esprit qui commence à régner, y compris d’ailleurs au sein des membres du G20, sur la question du climat, à moins de trois mois de la COP28 », a-t-il ajouté devant la presse. « J’alerte tout le monde, nous n’y sommes pas », a-t-il insisté, disant entendre « un discours trop facile qui s’installe chez certains émergents pour dire que seuls les pays les plus riches ont une responsabilité ». Emmanuel Macron a appelé à « sortir très rapidement et beaucoup plus vite qu’aujourd’hui du charbon », dès « 2030 », mais aussi « le plus vite possible du pétrole », « bien avant 2050 ». « Les pays les plus riches doivent faire l’effort, nous sommes en train de le faire, ça nous coûte », « mais nous le faisons, c’est légitime et normal », a-t-il estimé, tout en demandant aux pays émergents, notamment producteurs de pétrole, de faire désormais aussi leur part. Rappelons tout de même que les pays du nord comme la France ne sont pas si exemplaires. Fin août, le gouvernement réhaussait par décret le plafond d’émissions de gaz à effet de serre applicable aux producteurs d’énergie, afin d’éviter d’éventuelles coupures d’électricité. Cette hausse permettra aux deux centrales à charbon encore en activité en France de fonctionner 1800 heures jusque fin 2024, soit 500 heures de plus que ce qui était prévu pour la période précédente.

(Source : AFP)

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Gaëlle Coudert

Ancienne avocate parisienne reconvertie en journaliste basée dans les Pyrénées-Atlantiques, Gaëlle s’est spécialisée sur les sujets liés à l'écologie. Elle a cofondé le magazine basque Horizon(s), a été rédactrice en chef d'ID, l’Info Durable et rédige aujourd’hui des articles pour divers médias engagés dont Deklic. Ses passions : le sport (surf, yoga, randonnée) et la musique (guitariste et chanteuse du groupe Txango)

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