Girl Go Green est toujours plus « green »
Derrière Girl Go Green et ses 100 000 abonné·e·s, on trouve Camille Chaudron, 33 ans. De Parisienne, salariée dans le marketing, elle est passée au zéro déchet, puis à un mode de vie plus alternatif, en s’installant, il y a un an et demi dans une ferme permacole en Mayenne.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de lancer ton compte Instagram en 2018 ?
Ce qui m’a donné envie de le faire c’est un séjour dans une ferme en wwoofing, où vivait une communauté de personnes. Je commençais à m’éveiller à peine aux questions liées aux enjeux écologiques et j’étais plutôt prise d’angoisses face à l’ampleur du problème. Vivre sur cette ferme m’a permis de voir, de façon très incarnée, que des solutions existaient et qu’il y avait vraiment d’autres manières de vivre, d’autres imaginaires, d’autre récits qui prenaient forme et vie. Ça m’a donné énormément d’espoir. Les premières photos que j’ai mises sur Instagram, c’était pour donner à voir ce mode de vie-là. Parce que pour moi c’était très nouveau : c’était la première fois que je voyais des toilettes sèches, la démarche zéro déchet était poussée au maximum, la façon de penser l’alimentation était vraiment très écologique, et holistique en plus. Moi-même j’entamais une démarche zéro déchet à l’époque et je n’en parlais pas, c’était très personnel. Dans le livre de Cyril Dion, qui s’appelle Petit manuel de résistance contemporaine, il explique que ne pas avoir de dimension collective dans les actions indivuelles, en gros, ça ne sert à rien. Ça m’a donné envie de prendre la parole pour a minima donner à voir ce que je fais. Sachant qu’à l’époque, en 2018, personne ne s’intéressait au zéro déchet. Ça n’avait pas de hype quoi ! Au départ j’ai décidé de partager quelques idées avec mes amis et ma famille, en me disant que si je réussissais à faire passer dix personnes aux cotons démaquillants lavables, ce serait déjà incroyable !
Tu ne t’attendais pas à ce que ce que ton compte prenne une telle ampleur ?
Absolument pas, jamais ! Déjà parce que je me disais que le sujet n’intéressait pas grand monde. Je visais déjà à convertir mes potes. Ensuite, quand j’ai vu que ça commençait à prendre, je me suis dit, dans le plus incroyable scénario, un jour j’atteindrais peut-être 10 000 abonné-es. Et aujourd’hui, je suis à plus de 100 000 abonné-es.
Qu’est ce qui t’a fait changer de mode de vie au départ ? Y a-t-il eu un déclic ?
Non, il n’y a pas eu de déclic. C’est vraiment une suite de prises de conscience que je continue à avoir, qui sont toujours plus poussées, toujours plus complexes aussi. Je prends conscience de l’interrelation des problèmes. Quand je me suis lancée dans l’action écologique par le biais des déchets, c’était une vision hyper partielle et coupée de la dimension du problème. C’était une vision complétement erronée. À cette époque-là, je tirais un bout de ficelle mais je déroulais une pelote de laine. Petit à petit, j’ai commencé à comprendre la dimension du sujet et sa complexité : on ne parle pas que d’écologie, on parle aussi de problèmes sociaux, de luttes de classes, de racisme, d’anticapitalisme… Tout ça est lié. Donc il n’y a pas eu un déclic, il y avait simplement le fait que je travaillais à l’époque en marketing dans des grands groupes agro-industriels et que je voyais bien la quantité de packaging qu’on générait. On me demandait de créer toujours plus de packaging et je voyais bien que ça servait pas du tout le consommateur et que d’un point de vue écologique il y avait quand même une aberration, même si je n’étais pas du tout sensibilisée à l’époque. À ce moment-là, je me suis dit que j’aimerais bien juste générer moins de déchets. C’est comme ça que j’ai commencé.
Comment ton compte a-t-il évolué depuis sa création ?
Déjà, on est sorti des micro-actions individuelles et de la démarche colibri pour aller vers plus de démarches collectives. À la base je parlais de tawashi (éponges lavables DIY – ndlr), maintenant je parle de désobéissance civile, d’actions à impact, d’actions politiques, même si je continue de montrer mon quotidien. En fait ces gestes sont tellement intégrés dans mon quotidien et maintenant je suis équipée. L’avantage de passer à des choses durables c’est qu’une fois qu’on les a achetées, on les a achetées, ça dure ! Donc je ne vais pas remontrer ma brosse à dents à tête changeable à chaque fois que je change la tête de ma brosse à dents, même si je suis sûre qu’il y a plein de gens qui seraient encore là pour apprendre et découvrir qu’on peut faire ça. Je parle aussi beaucoup plus de cette dimension collective, politique, de comment organiser de nouvelles formes de gouvernance. Parce que pour adresser la question écologique, selon moi il est important de l’adresser dans d’autres termes et dans une autre logique que celle de prise de pouvoir et de domination qu’il y a dans la société actuelle. Comment fait-on ensemble différemment avec plus d’horizontalité dans nos rapports ? Toute cette question est pour moi hyper importante. La troisième dimension qui est nouvelle c’est aussi que j’ai un mode de vie qui a évolué. Je vis dans une communauté, à la campagne, dans une ferme permacole, et je partage un quotidien autour des écolieux pour donner à voir d’autres modes de vies plus résilients. Quand j’habitais dans un appartement à Paris et que je faisais de l’écologie, ce n’était pas la même écologie que celle que je fais aujourd’hui. Je me suis aussi investie lors des dernières législatives pour la NUPES en tant que suppléante du candidat sur le territoire où je vis. C’est ce que j’essaie de porter plus, et de prendre la parole ici avec des œuvres plus artistiques pour essayer de faire basculer un peu nos imaginaires
Quels sont tes projets en cours et à venir ?
C’est une bonne question, c’est un peu ma réflexion de cet été. Là je sors d’un gros projet dont je n’ai pas encore parlé sur les réseaux sociaux : j’ai converti un petit camion en habitat léger. Ça m’a pris pas mal de temps et c’était un peu mon gros sujet ! L’idée maintenant c’est de voir sur le lieu où je suis comment je peux amener de nouvelles choses. Là on est sur un projet de poulailler par exemple. Et ensuite, j’envisage – c’est encore en réflexion – un voyage au Portugal en vélo, éventuellement !
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