Glyphosate : Théo Grataloup indemnisé pour des malformations « in utero » imputées à l’herbicide
Le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides a retenu le lien entre les malformations congénitales d’un jeune isérois vivant avec une trachéotomie depuis l’âge de trois mois et l’exposition de sa mère au glyphosate pendant sa grossesse. Certainement une « première » sur le territoire français.
Théo Grataloup a seize ans et vit en Isère avec ses parents. En 2007, il naît avec de graves malformations du larynx et de l’œsophage. Après avoir subi 54 interventions chirurgicales, l’adolescent parvient désormais « à manger par la bouche, à respirer par trachéotomie et à parler par voie oesophagienne » comme le confie sa mère, Sabine Grataloup. Depuis mars 2022, Théo perçoit 1 000 euros par mois du Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides. Dans le cadre d’une décision visiblement inédite, le comité d’expert a retenu le lien possible entre son handicap et son exposition « in utero » au glyphosate.
« Au niveau mondial, il y a eu des procès gagnés aux Etats-Unis dans des dossiers de cancers, mais pour les malformations, à ma connaissance, on est les premiers » à obtenir une telle reconnaissance officielle, souligne Mme Grataloup. C’est en 2009 que la famille a commencé à alerter les autorités sur la responsabilité du Glyper, un produit générique du Roundup, dans la maladie dont souffre le jeune garçon. Aujourd’hui, « c’est un soulagement énorme de voir qu’enfin cela a été reconnu » confie-t-elle récemment sur France Télévision.
Le glyphosate, coupable
Comme dans un autre dossier accepté en 2022, « il y a une reconnaissance du lien entre la pathologie de l’enfant et l’exposition de la mère à des pesticides, mais la nature du pesticide n’est pas notifiée » précise Christine Dechesne-Ceard, en charge du pilotage du fonds d’indemnisation créé par une loi de 2020 et géré par la MSA (Mutualité sociale agricole).
Pour Sabine Grataloup, il n’y a toutefois aucun doute. Enceinte de Théo, elle travaillait à l’époque dans un centre équestre. « J’ai passé du glyphosate sur 700 m2 exactement au moment où se formaient l’œsophage et la trachée. C’est un moment très, très précis à la fin du premier mois de grossesse » expliquait-elle en 2019 dans l’émission d’Envoyé Spécial consacrée à Monsanto. Présente dans plusieurs herbicides, dont le tristement célèbre Roundup de la firme américaine, la substance active est classée comme un « cancérogène probable » pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé depuis 2015.
Une possible reconduction de dix ans dans l’UE
La famille iséroise n’avait initialement pas souhaité communiquer sur cette indemnisation dans le but de préserver ses membres. En 2017, après avoir déposé plainte contre deux fabricants de glyphosate, Novajardin et Monsanto, les Grataloup avaient essuyé une campagne hostile sur les réseaux sociaux. Mais alors que l’Union européenne se prépare à prolonger l’autorisation du glyphosate sur son territoire pour les dix prochaines années, Sabine Grataloup se ravise. « Nous ne pouvions plus nous taire. Nous ne pouvions pas laisser des politiques et des journalistes continuer à dire qu’il n’y avait pas de problème avec le glyphosate.»
Pour faire porter sa voix et celle de son fils, elle multiplie les interventions dans les médias. « On devait partager cette victoire avec les autres victimes (…) et avec les Etats-membres pour qu’ils prennent leur décision en connaissance de cause » explique-t-elle. « C’est un dossier qui a fait l’objet de beaucoup de batailles, de lobbying et de manipulations, là, on a un point d’appui scientifique. » « Une commission d’experts sélectionnés pour leur compétence et leur indépendance (…) a estimé qu’il y avait un niveau de certitude suffisante pour déclencher une indemnisation » poursuit-elle.
« Quand comptez-vous tenir vos promesses ? »
Cela fait quelques jours seulement que Théo est au courant de la décision de la commission du Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides. Une première victoire qui, selon lui, doit servir d’exemple. Dans une vidéo publiée le 11 octobre par le média Vakita, l’étudiant en classe de première générale s’adresse directement à Emmanuel Macron. « Quand comptez-vous tenir vos promesses ? Combien de victimes faudra-t-il encore pour que vous interdisiez cet herbicide ? » demande-t-il à celui qui avait fait de la sortie du glyphosate un de ses arguments de campagne en 2017.
La famille Grataloup espère peser dans le vote des Vingt-Sept qui déterminera, le 13 octobre prochain, l’avenir du glyphosate dans l’UE. Interrogé quant à la position de l’Hexagone sur le plateau de Franceinfo, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran se défend d’avoir « déjà réduit de 20% l’utilisation » en rappelant qu’une « solution scientifique rationnelle » est en train d’être développée. Alors que l’indemnisation de Théo envoie un signal fort sur les risques sanitaires liés à l’utilisation du glyphosate, la France s’y opposera-t-elle fermement ? Réponse vendredi. Quant à Théo, en attente de subir sa cinquante-cinquième opération, il compte se lancer dans la restauration. Une revanche étonnante « pour quelqu’un qui n’a pas pu manger normalement avant l’âge de 6 ans », comme le souligne sa mère.
(Avec AFP)
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