Felix Radu : « C’est toujours difficile de sensibiliser une personne quand elle a des factures à payer »

Par Joséphine Simon-Michel , le 5 octobre 2023 — interview - 8 minutes de lecture
Felix Radu, Crédit Loris Romano.

Felix Radu, Crédit Loris Romano.

Il fait partie de cette nouvelle génération consciente de l’urgence climatique, de cette nouvelle génération qui prône l’action positive et qui tente de balayer les vieux préjugés autour de l’écologie. Pour Félix Radu, la sensibilisation passe d’abord par la communication pour ramener tous les citoyens à des questions qui les concernent émotionnellement.

Êtes-vous éco-anxieux ?

Oui, comment ne pas l’être ?

Qu’est-ce qui vous a donné le Deklic green ?

L’empathie de manière générale t’interdit de rester de marbre face à tout ce qui se passe. Il y a tellement de changements concrets dans nos vies de tous les jours : le changement climatique, la hausse des prix, la pollution de l’air, les crises économiques et politiques qui engendrent de lourdes crises sociales … Alors comment, nous, nouvelle génération ne pouvons-nous pas avoir le déclic ?

Qu’avez-vous banni de votre quotidien ?

Les tournées de mon spectacle se font en train et je m’interdis les avions au maximum. Je n’achète plus de coton tige et j’essaie d’utiliser de manière plus responsable les choses du quotidien. J’ai de plus en plus recours aux achats de seconde main et je privilégie les marques qui ont une histoire éthique ou sont fabriquées en France.

Qu’est-ce qui n’est pas écologique chez vous ?

Même quand on veut faire des efforts, c’est toujours très compliqué de rester pur et 100% cohérent car tout nous pousse à concéder. Et je pense aux jeunes étudiants qui n’ont pas toujours le portefeuille pour manger bio français ou acheter des meubles artisanaux made in France.

Quel est LE mot écologique du moment et pourquoi ? 

« Action positive » « Action réjouissante » sont les mots de ma génération. Les grands parents, parents étaient conscients des problèmes qu’il y avait à régler mais avec une passivité et une procrastination. Aujourd’hui, on met les mains dans la gadoue. Il faut devenir acteur principal du changement que l’on veut voir dans le monde. L’écologie a longtemps été considérée comme une contrainte, rébarbative. Mais grâce à des voix qui s’élèvent, les idées préconçues ont évolué. Je pense essentiellement à Camille Etienne qui parvient à montrer que l’écologie n’est pas nécessairement négative. La décroissance, les questionnements que l’on peut avoir sur le système économique mis en place ne sont pas forcément négatifs. Au contraire, c’est plutôt réjouissant de changer ses habitudes. S’interroger sur le monde qui nous entoure et vouloir sauver l’humain, la vie…C’est ça l’action positive !

Comment vous déplacez-vous ? 

A pied ou à vélo. Si j’ai un rendez-vous à une heure de chez moi, je peux très bien y aller en marchant. J’adore ça.

Quelles sont les premières étapes pour faire bouger chaque citoyen ?

La communication. Il faut rendre au combat sa part d’émotion. Ramener tous les citoyens aux questions qui les concernent émotionnellement. C’est toujours difficile de sensibiliser une personne quand elle a des factures à payer, des enfants à gérer. C’est pour ça que les artistes et les vulgarisateurs ont une place essentielle dans ce genre de combat.

Quelles sont les remarques les plus absurdes et récurrentes que vous entendez autour de vous sur l’écologie ?

« Les écolos exagèrent », « Quoi que l’on fasse, rien de changera » … Toutes ces remarques sont des appels à l’immobilité. Ils condamnent ceux qui essaient de bouger car, pour eux, ça ne sert à rien, c’est une goutte d’eau dans un évier. Mais peu importe. Toute goutte est bonne à prendre. On devrait valoriser et se réjouir de tous ceux qui essaient de faire bouger les mentalités.

Comment expliquez-vous qu’encore autant d’êtres humains ne se sentent pas concernés par l’avenir de notre planète ?

Il y a plein de nihiliste, de personnes blasées qui vivent dans une bulle. Je me souviens de ma grand-mère qui me disait « Je m’en fous, je ne serai plus là dans 20 ans ». Et d ‘autres qui se bercent d’illusions. Tout le monde a son excuse.

Quels sont les écologistes ou personnalités qui vous ont inspirés ?

Camille Etienne représente exactement le mouvement que j’aime et que je soutiens. Celui de la jeunesse réjouissante, un peu insolente, toujours dans le respect, dans l’envie de bouger, de faire avancer les choses, de créer, envie de renouer. Et de cette reconnaissance de l’incapacité à être constamment cohérent. Parler du monde avec elle autour d’une bière, il n’y a rien de plus cool.

L’actu de Felix Radu :
La pièce Rose et Massimo au Théâtre du Petit Montparnasse jusqu’au 12 novembre ainsi que cette même pièce éditée aux Éditions Fayard.

Enfant, vous sentiez vous déjà concerné par l’avenir de notre planète ?

Oui et non. Quand on est enfant, il est difficile d’avoir conscience de l’avenir de la planète. Surtout dans le monde dans lequel j’ai grandi. Mes parents en parlaient très peu ou alors, ça nous paraissait complètement absurde. Trier nos déchets nous paraissait suffisant. Je n’avais aucune idée à quel point une voiture pouvait polluer. J’ai pris conscience petit à petit, avec le cœur. Je suis devenu végétarien vers 15 ans parce que je ne voulais pas avoir des animaux dans mon assiette. Et puis j’ai réalisé qu’en plus, ça polluait moins.

Plus tu te renseignes, plus tu as les informations factuelles et concrètes. Plus tu as des ressentis empathiques et émotionnels sur ce qui se passe, plus tu as envie d’agir et de prendre ta place dans ce combat.

Selon vous, où en serons-nous dans 50 ans ?

Si l’on continue comme ça, je ne suis pas sûr que l’on puisse envisager aussi loin. Je pense que ça sera une catastrophe mondiale et je suis très anxieux. J’espère que d’ici là, il y aura des retournements, des bouleversements, des actions.

En 1974, René Dumont, décédé en 2001, premier candidat écologiste à l’élection présidentielle et chercheur ingénieur agronome est passé pour un hurluberlu lorsqu‘il a déclaré à la télévision que la planète manquerait d’eau potable dans les 40 prochaines années. Qu’aimeriez-vous pouvoir lui dire ?

Désolé René. Il aurait fallu qu’on puisse t’entendre et t’écouter. Il y a encore beaucoup de René Dumont qui prennent la parole et qui passent pour des cons à la radio alors qu’ils ont tout à fait raison. 

Comment éduquez-vous vos enfants pour qu’ils soient éco-responsables ?

Je n’en ai pas. Mais si j’en avais, je les emmènerais dans des manifestations, je leur montrerais des documentaires et leur expliquerais les conséquences de certains actes. Les enfants sont des éponges alors ils reproduisent les mêmes comportements que leurs parents.

Si vous étiez président de la République, vous…

Je ferais l’intégralité de ce qu’Emmanuel Macron a fait à moitié. Convoquer une assemblée citoyenne, débattre sur des sujets et prendre le temps d’expliquer, d’être pédagogue. Je mettrais mon espoir sur l’intelligence collective, même si elle nous a souvent déçue. Je reconnais que ce sont des idées un peu naïves qui semblent impossibles mais ce serait ça, ma présidence… Et qui durera sûrement qu’une semaine avant de me faire virer ! (rires)

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Joséphine Simon-Michel

Journaliste infotainment, Joséphine excelle dans l'art des interviews. Pour Deklic, elle interroge des personnalités de différents univers (cinéma, télé, humour, politique…), toutes engagées pour la protection de l’environnement et conscients que la transition écologique est l’affaire de tous.

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