Glyphosate : la Commission européenne renouvelle son autorisation dans l’UE pour 10 ans
Le jeudi 16 novembre, Bruxelles annonce le renouvellement de l’autorisation du glyphosate dans l’UE pour 10 ans, à la suite d’un vote des États membres qui n’a pas permis de dégager de majorité sur le sort de cet herbicide controversé. La France s’est de nouveau abstenue.
Dans le doute, allons-y quand même. « Conformément à la législation de l’UE et en l’absence de la majorité requise dans un sens ou dans l’autre, la Commission est tenue d’adopter une décision avant le 15 décembre 2023, date d’expiration de la période d’approbation actuelle », explique l’exécutif européen dans un communiqué. Comme lors d’un premier vote le 13 octobre dernier, la majorité qualifiée requise pour valider ou rejeter la proposition de la Commission – soit 15 Etats sur 27, représentant au moins 65% de la population européenne – n’a pas été atteinte au matin du 16 novembre. Sept pays, dont la France – première puissance agricole de l’UE – l’Allemagne et l’Italie, se sont abstenus, selon des sources diplomatiques. En conséquence, Bruxelles tranche. « La Commission, en collaboration avec les États membres de l’UE, va maintenant procéder au renouvellement de l’approbation du glyphosate pour une période de dix ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions ».
Un « cancérogène probable »
La Commission avait proposé de renouveler son feu vert après le rapport, lui-même très controversé, d’un régulateur européen estimant que le niveau de risque ne justifiait pas d’interdire l’herbicide. Elle prévoit quelques garde-fous et interdit l’usage de cette substance pour la dessiccation, c’est-à-dire l’épandage pour sécher une culture avant récolte. Mais pour de nombreux scientifiques, c’est loin d’être suffisant et le danger est bel et bien réel. Dès 2015, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (CIRC) classe le glyphosate, substance active de plusieurs herbicides – dont le Roundup de Monsanto, très largement utilisé dans le monde – comme « cancérogène probable ». Six ans plus tard, en 2021, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale passe de « faible » à « moyen » le lien de présomption entre un cancer du système immunitaire et l’exposition au glyphosate. En 2022, l’Institut national de recherche agronomique (INRAE) rappelle que le glyphosate perturbe les fonctions de reproduction animale et humaine.
Des cancers du sang chez les rats
Ces dernières semaines, l’actualité ne joue pas non plus en faveur du glyphosate. C’est ce que rappelle Camille Etienne dans une vidéo publiée sur son compte Instagram le 14 novembre. En début de mois, le groupe allemand Bayer, qui a acquis Monsanto en 2018, perd un nouveau procès. Les jurés du tribunal californien de San Diego accordent 7 millions de dollars d’indemnités et 325 millions de dollars de dommages et intérêts punitifs à Michael Dennis, un géomètre de 57 ans, diagnostiqué d’un lymphome non hodgkinien après avoir utilisé l’herbicide à base de glyphosate pendant plus de 30 ans. Quelques jours avant, une étude toxicologique internationale montre que le glyphosate, même à faible dose, provoque une leucémie chez des rats. « Ces premiers résultats sont d’une telle importance pour la santé publique que nous avons décidé qu’il était essentiel de présenter dès maintenant une synthèse de nos données. Les données complètes seront accessibles au public dans les semaines à venir », a indiqué le Dr Daniele Mandrioli, coordinateur de l’étude et directeur de l’Institut Ramazzini. Plusieurs articles évalués par les pairs, comme le veut la méthode scientifique, devraient être publiés sur le sujet en 2024. En attendant, l’appel des chercheurs, associations et victimes du glyphosate n’aura pas fait le poids.
« Une trahison »
Le verdict se faisait sentir. Mercredi 15 novembre, le ministre français de l’Agriculture Marc Fesneau avait réaffirmé qu’une interdiction totale de l’herbicide n’était « pas possible » à l’heure actuelle faute d’alternative pour les agriculteurs. « Il faut reconnaître qu’il y a des usages pour lesquels nous sommes aujourd’hui en impasse. On continuera à défendre au niveau européen la volonté de réduire l’usage du glyphosate et en même temps de prendre acte des situations d’impasse dans lesquelles nous nous trouvons », avait-il déclaré devant le Sénat. Pour les ONG Foodwatch et Générations futures, « cette position est une trahison, sans surprise, de la promesse faite par le président de la République (Emmanuel Macron) en 2017 ». Elles estiment que le renouvellement de l’autorisation « va à nouveau à l’encontre du principe de précaution alors que les preuves de la dangerosité du glyphosate pour l’homme et pour l’environnement continuent de s’accumuler ». De son côté, Bayer s’est réjoui de l’annonce de la Commission. « Cette nouvelle autorisation nous permet de continuer à fournir aux agriculteurs de toute l’Union européenne une technologie importante pour la lutte intégrée contre les mauvaises herbes », a déclaré un porte-parole.
(Avec AFP)
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