La justice annule la procédure de TotalEnergies contre Greenpeace, une « victoire pour la liberté d’expression »
La justice française a annulé jeudi 28 mars la procédure judiciaire lancée par le groupe pétrolier TotalEnergies contre l’association Greenpeace qui l’accuse de sous-estimer son empreinte carbone.
Alors que la major pétrogazière célèbre ses 100 ans aujourd’hui, la justice a donné raison à Greenpeace, jugeant l’assignation trop imprécise pour permettre à Greenpeace de se défendre utilement sur le fond, a déclaré l’ONG dans un communiqué.
« C’est une très belle victoire pour la liberté d’expression, non seulement de Greenpeace mais aussi de toute la société civile et du monde de la recherche qui doit pouvoir questionner la l’ampleur de l’impact climatique de TotalEnergies et des entreprises polluantes » a réagi Clara Gonzales, juriste au sein de la branche française de l’ONG. « Le jour des 100 ans de la multinationale largement contestée par le mouvement climat pour ses activités destructrices, la justice vient confirmer que le droit protège nos libertés fondamentales face aux tentatives d’intimidation des pouvoirs économiques » a-t-elle ajouté.
Règlement de compte
En avril 2023, la major pétrolière avait assigné l’ONG pour « diffusion d’informations trompeuses » aux marchés boursiers après la publication fin 2022 de son rapport « Bilan carbone de TotalEnergies, le compte n’y est pas » réalisé avec un cabinet d’analyse, Factor-X.
Dans ce rapport, Greenpeace estimait que les vraies émissions de gaz à effet de serre de TotalEnergies pour l’année 2019 étaient quatre fois plus importantes que ce que la multinationale annonce – soit près de 1,6 milliard de tonnes contre 455 millions de tonnes CO2e – ouvrant ainsi la voie à un débat sur les méthodes de comptabilité carbone, complexes et discutées.
Lors d’une audience le 29 février consacrée à des questions de procédure, l’association avait plaidé la nullité de cette assignation, au motif d’une part qu’elle était imprécise dans ses termes et d’autre part qu’elle constituait une « procédure-bâillon » destinée à entraver sa liberté d’expression en s’appuyant sur le droit boursier plutôt que d’emprunter la voie habituelle des poursuites en diffamation.
TotalEnergies avait alors reproché à Greenpeace de vouloir couper court à cette action judiciaire pour « échapper au débat sur le fond ».
15 000 euros à verser
Dans son ordonnance consultée par l’AFP, le juge a estimé que « le défaut de précisions cause nécessairement grief » aux parties assignées, « qui, ne disposant pas d’une liste précise et exhaustive des informations prétendument fausses ou trompeuses » mises en avant par TotalEnergies, « ne peuvent se défendre utilement sur le fond ». Le juge n’a toutefois pas reconnu l’action judiciaire de TotalEnergies comme une « procédure abusive ».
« Dans une phase purement procédurale », le juge « a considéré que l’action engagée par TotalEnergies et Factor-X n’était pas abusive sans pour autant être recevable en l’état puisque les termes de l’assignation ne seraient pas suffisamment précis », a commenté le groupe.
Il a été condamné à payer à Greenpeace et Factor-X la somme de 15 000 euros au titre des frais de justice. TotalEnergies a dit à l’AFP prendre « acte de la décision du juge » du tribunal judiciaire de Paris et examiner « les suites à donner ». Le groupe a quinze jours pour faire appel à compter de la signification de la décision.
« Le combat n’est pas terminé »
Si Greenpeace savoure sa victoire contre le géant pétro-gazier dirigé par Patrick Pouyanné, par Patrick Pouyanné, l’association n’en reste pas moins sur ses gardes. « Nous devons rester vigilants. Le combat n’est pas terminé : cette poursuite-bâillon s’inscrit dans un contexte inquiétant d’augmentation des tentatives d’intimidation judiciaire contre la société civile » a prévenu Clara Gonzales, rappelant que « Greenpeace a fait l’objet de trois procédures simultanées de la part de trois majors pétro-gazières : en Grande-Bretagne, c’est Shell qui nous réclame des millions de dollars pour une action pacifique, et en Italie, ENI a engagé une procédure qui pourrait aboutir à un procès en diffamation ».
Greenpeace France rappelle ainsi que dans un contexte d’urgence climatique, la voix des ONG qui défendent l’intérêt général est vitale et doit être protégée face aux attaques de l’industrie fossile.
(Avec AFP)
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