La règlementation européenne sur les emballages menace-t-elle le camembert français ?
Des producteurs s’inquiètent de l’interdiction d’utiliser des emballages en bois léger, utilisés notamment pour le camembert, que pourrait imposer l’Europe. On fait le point pour décerner le vrai du faux.
Sur internet, de nombreux contenus relaient l’inquiétude des producteurs de camembert et d’emballages de camembert. Leur crainte : que la réglementation européenne interdise l’utilisation de la fameuse boite en bois léger qui fait le caractère mais aussi le goût de ce fromage incontournable pour les Français.
De quelle réglementation s’agit-il ?
Le 24 octobre 2023, les eurodéputés ont examiné un texte, proposé fin 2022 par la Commission européenne, visant à verdir les emballages dans l’Union Européenne. Un prochain vote aura lieu le 20 novembre et le texte sera débattu entre les États membres au mois de décembre. Cette règlementation a pour but de contrer la propagation exponentielle des déchets d’emballage. En effet, les Européens n’ont jamais généré autant de déchets d’emballages : 188,7 kg par habitant en 2021 – un bond de 11 kg en un an et de 32 kg en une décennie – pour un taux de recyclage de seulement 64 % (moins de 40 % pour les seuls emballages plastiques), selon les chiffres d’Eurostat.
La législation proposée par la Commission fixe un objectif de réduction de 10 % par habitant d’ici 2035, par rapport à 2018, du volume de déchets d’emballages (-15 % d’ici 2040). Pour y parvenir, Bruxelles souhaite notamment imposer des niveaux contraignants de réemploi des emballages pour chaque secteur (e-commerce, restauration, bières au détail…), fixer un taux minimum de contenu recyclé dans les emballages plastiques, ou encore restreindre les espaces vides des colis.
En quoi cela pourrait concerner le camembert ?
La règlementation européenne à venir devrait notamment imposer aux fabricants d’utiliser, d’ici 2030, des emballages qui peuvent être recyclés ou réutilisés. Or, à ce jour, en raison de la faible quantité de boites en bois léger, aucune filière de recyclage n’existe pour ces contenants. Dans certains reportages, on a vu des fabricants expliquer qu’il faudrait donc exempter le bois de cette règlementation.
Sébastien Breton, secrétaire général du Conseil national des appellations d’origine laitères (Cnaol), interrogé par Le Monde, tempère et souligne que « le texte prévoit que les produits sous indication géographique protégée (IGP) et appellation d’origine contrôlée (AOP) soient exemptés au titre de leur cahier des charges. Et Frédérique Ries, rapporteuse principale du Parlement européen (groupe Renew), a souligné, dans son rapport publié en octobre, l’importance de respecter les emballages spécifiques des IGP ».
Le camembert exempté ?
Dans ce cas, seuls les « camemberts » qui n’ont pas l’AOP seraient concernés par la règlementation. La crainte des producteurs pourrait donc ne pas être fondée, si effectivement la règlementation n’est pas applicable aux produits sous indication géographique protégée et appellation d’origine contrôlée.
En l’état, cependant, le projet de règlement n’est pas si clair. L’article 9 du règlement tel que rédigé par la Commission et le préambule font bien référence aux emballages qui relèvent d’une indication géographique d’origine protégée et d’une dérogation applicable à ces emballages, mais il s’agit d’un article concernant la taille des emballages et leur conception, et non leur recyclabilité.
Un texte en cours de discussion
Quoi qu’il en soit, le texte n’est pas à ce jour définitif, de nombreux amendements pourront encore être déposés lors des prochaines discussions. Le sort de la boite de camembert tant chérie pourrait donc encore basculer ou être précisé.
Rappelons aussi que les contraintes de ce texte européen, d’ailleurs jugées insuffisantes par de nombreuses associations, qui dénoncent les pressions des lobbies, ne seront pas applicables avant 2030 au plus tôt. Un temps suffisant peut-être pour verdir également les fameux emballages du camembert ?
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