Le bouclier tarifaire : quid de ce dispositif de protection

Par Anaïs Hollard , le 4 mars 2024 - 6 minutes de lecture
Le bouclier tarifaire

© CHAMUSSY/SIPA

Vous avez sans doute déjà entendu parler de ce dispositif de protection, mis en place pour vous éviter de voir le montant de vos factures de gaz et d’électricité flamber. Depuis un peu plus de deux ans, le bouclier tarifaire a participé à ménager le pouvoir d’achat de milliers de consommateurs Français. Comment fonctionne-t-il ? Est-il toujours d’actualité ? On vous dit tout.

Le bouclier tarifaire : l’exception française

Jeudi 30 septembre 2021, retour sur le plateau du 20 heures de TF1. Alors que les factures de gaz et d’électricité ne cessent d’augmenter, pour faire face à la crise, Jean Castex, Premier ministre, annonce la mise en place d’un tout nouveau dispositif de protection baptisé « bouclier tarifaire ». Cette mesure gouvernementale inédite vise à geler les prix du gaz et de l’électricité, afin de protéger les consommateurs d’une hausse trop importante des prix de l’énergie. 

Dès février 2022 et alors que partout en Europe, les prix grimpent de manière exponentielle, le bouclier tarifaire « made in France » permet ainsi de limiter à 4 % TTC la hausse des tarifs pour les clients éligibles au tarif réglementé de l’électricité (TRVe) du fournisseur EDF, contre les 45 % d’augmentation suggérés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Rebelotte le 1ᵉʳ février 2023, avec une hausse cette fois-ci maintenue en moyenne sous la barre des +15 % TTC.

Il faut dire qu’à cette période, partout sur le continent, les factures flambent. Sur les marchés de gros, les prix s’envolent. À titre de comparaison, en Espagne par exemple, les prix de l’électricité ont augmenté de 32,2 % au cours du premier semestre 2022. Au même moment, la République tchèque voit également ses factures d’électricité croître de 62 %. En matière d’augmentations, c’est toutefois l’Estonie qui obtient la palme avec un « petit » +154 % sur l’électricité.

En plus du secteur résidentiel, en France, le bouclier tarifaire est même étendu aux TPE de moins de 10 salariés, dont le chiffre d’affaires est inférieur à deux millions d’euros. Un « amortisseur » qui, s’il empêche un boom considérable des prix de l’énergie, n’évite pas aux ménages d’avoir à mettre la main au porte-monnaie pour pouvoir s’acquitter de leurs factures de gaz et d’électricité. Depuis le début d’année 2022, les prix de l’électricité ont ainsi augmenté de la façon suivante : 

📈 Février 2022 : +4 % TTC ;
📈 Février 2023 : + 15 % TTC ;
📈 Août 2023 : + 10 % TTC ;
📈 Février 2024 : +8,6 à 9,8 % TTC.

Pourquoi les prix de l’énergie se sont affolés ?
Dès l’automne 2021, l’Europe entre doucement dans ce qui s’avèrera être par la suite une véritable crise énergétique. En cause ? : la reprise économique post-COVID, rapidement suivie par les conséquences du conflit russo-ukrainien et la dépendance du continent au gaz soviétique. Parallèlement, le parc nucléaire hexagonal fait défaut. Si bien que la France est contrainte, pour la première fois depuis près de trois décennies, d’importer son lot d’électricité. 

La fin du bouclier tarifaire sur les prix du gaz

Côté gaz, le Gouvernement a donc gelé les tarifs réglementés de vente du gaz naturel (TRVg) à leur niveau d’octobre 2021, du 1ᵉʳ novembre 2021 au 31 décembre 2022. Il a fallu attendre le 1ᵉʳ janvier 2023 pour voir les factures augmenter de 15 % en moyenne. Seulement voilà, depuis plusieurs années maintenant et conformément au droit européen, le tarif réglementé du gaz prépare sa sortie de scène. En effet, en application de la loi Énergie et Climat de 2019, les TRVg ont pris fin le 30 juin 2023. Or, c’est sur cette grille tarifaire qu’était calculé le bouclier tarifaire. Plus de TRVg = plus de bouclier tarifaire ! En lieu et place de l’ex-Tarif réglementé, un prix « repère » a été déployé par la Commission de régulation de l’énergie, actualisé tous les mois, et qui doit servir de guide aux consommateurs, en fonction des cours du marché.

Pour justifier la fin du bouclier tarifaire sur les prix du gaz, de son côté, le gouvernement a argué un relatif retour à la normale du prix du gaz. En effet, à y regarder de plus près, le dispositif a un prix. Fin 2022, Bercy a ainsi évalué à 110 milliards d’euros entre 2021 et 2023 le coût du bouclier énergétique pour les ménages, les collectivités et les entreprises. De quoi donner envie aux élus de fermer les vannes et de renflouer les caisses. C’est d’ailleurs la dynamique mise en place en cette rentrée 2024. En juillet dernier, l’ex-ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, rappelait d’ailleurs au micro de RTL qu’il était grand temps de « sortir progressivement du bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie ».

Vers la fin du bouclier tarifaire sur les prix de l’électricité ?

Le bouclier tarifaire sur les prix du gaz n’est plus, mais qu’en est-il du sort réservé à son pendant « électricité » ? Eh bien de ce côté-ci, ça ne devrait plus tarder non plus. Alors même que les prix de l’électricité ont largement diminué sur le marché de gros au cours de ces derniers mois, les consommateurs ont eu à subir une hausse significative du prix de l’électricité, de +8,6 à +9,8 %. Une augmentation qui s’explique justement par le rattrapage du fameux bouclier.

Jadis prompt à alléger le portefeuille des clients Français, il est désormais à l’origine des hausses successives du prix de l’électricité. En effet, compte tenu des coûts engendrés par la mesure, le gouvernement espère bien renflouer les caisses coûte que coûte, pour rentrer dans ses frais. Quelques mois auparavant, pour freiner la progression des prix, une baisse des taxes avait ainsi été mise en place. Au 1ᵉʳ février, l’État a donc décidé de faire remonter le niveau de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, passant ainsi de 1 euro à 21 euros par mégawattheure (MWh), comme la loi de finances pour 2024 l’y autorise. Une première hausse qui devrait être suivie l’an prochain d’une seconde. Si le bouclier tarifaire sur les prix de l’électricité devrait disparaître d’ici à 2025, il y a encore fort à parier que les Français n’aient pas fini d’en entendre parler pour autant. De nouvelles augmentations sont à prévoir !

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Anaïs Hollard

Captivée par les sujets liés à l’énergie, Anaïs a longtemps collaboré avec de grands acteurs du secteur, avant de choisir la voie de l’indépendance, en tant que journaliste web. Aujourd’hui, elle continue de délivrer son expertise en matière d’énergie et de transition écologique. Ses passions : la lecture, l’écriture (forcément) et les DIY créatifs !

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