Maurice Barthelemy : « Si j’étais président de la République, je ferais en sorte que l’écologie ne soit pas punitive mais récréative »

Par Joséphine Simon-Michel , le 19 août 2023 - 8 minutes de lecture
Maurice Barthelemy en 2011 au Festival de Gerardmer, Crédit Philippe SAUTIER/SIPA

Maurice Barthelemy en 2011 au Festival de Gerardmer, Crédit Philippe SAUTIER/SIPA

L’ancien Robin des Bois roule à vélo et en scooter électrique. Son déclic écologique est survenu récemment, il y a trois ans. En tant que membre de la Jane Goodall Institute, il s’est rendu dans la brousse en République Démocratique du Congo à la rencontre des chimpanzés. C’est à ce moment précis qu’il a constaté les dégâts de la déforestation au profit de l’huile de palme.

Êtes-vous éco-anxieux ?

Pas du tout, l’écologie doit être quelque chose de positif.  Il faut que l’on intègre l’écologie dans un processus de plaisir sans aucune forme de culpabilité. Il faut que ça fasse du bien à chacun car l’anxiété ne génère rien.

Êtes-vous dans la culpabilité en tant que consommateur ?

J’essaie d’éviter la culpabilité car ce n’est pas un bon moteur. Il faut surtout être responsable et arrêter de s’autoflageller.

Qu’est-ce qui vous a donné le Deklic green ?

Il y a trois ans, je suis parti en République Démocratique du Congo. J’étais venu pour voir des chimpanzés dans leur environnement naturel, mais on les chassait, on détruisait l’écosystème. A ce moment-là, j’ai réalisé l’intensité de la déforestation, de la culture intensive pour l’huile de palme. Mon expérience m’a encore plus convaincu que nous devions tous être vigilants au quotidien.

Qu’avez-vous banni de votre quotidien ?

Je ne l’aurais imaginé il y a deux ans, mais je me déplace à vélo électrique dans Paris. Ça génère moins de bruit et dégage beaucoup moins de dioxyde de carbone. Ce mode de transport a changé mon quotidien alors qu’avant, j’y allais vraiment à reculons. J’ai aussi un scooter électrique avec une batterie que je recharge le soir.

Qu’est ce qui n’est pas écologique chez vous ?

Je pense que je peux encore améliorer ma consommation d’eau au quotidien. Je n’ai pas systématiquement ce réflexe de la couper en me lavant les dents ou sous la douche. En revanche, je fais gaffe à ma consommation du chauffage, je coupe le chauffe-eau en mon absence et fait des machines aux heures creuses. Ces gestes sont devenus naturels. Si chacun commence à avoir les mêmes réflexes, ce serait déjà un bon début.

Quel est LE mot écologique du moment et pourquoi ? 

Eco-logique. Que l’écologie soit logique. Ni dans un combat trop clivant, ni dans une irresponsabilité. Je ne suis pas persuadé que les mouvements ultra militants fassent du bien à l’écologie. Ça braque ceux qui ne se sentent pas encore concernés.

Pour que chacun réalise l’importance de préserver notre planète, il faudrait déjà sensibiliser les plus petits dès l’école. Comment enseigner les bons gestes en maternelle ? Ça ne se gagne pas sur 5 ans, mais sur toute une génération. Pour que l’écologie du quotidien devienne totalement naturelle.

Quelles sont les premières étapes pour faire bouger chaque citoyen ?

Le citoyen est au courant des incendies qui sévissent partout dans le monde, des intempéries qui causent de sérieux dégâts humains. Il n’y a pas besoin de faire des campagnes spéciales pour leur montrer la réalité. Je trouve qu’elles ne servent pas à grand-chose. Il faut laisser à chacun transformer une information en un acte. Certes, c’est un processus lent mais la jeune génération pousse les autres à être plus actifs dans ce principe de responsabilisation de notre environnement. C’est lent mais c’est exponentiel.

Il faut aussi mettre la pression sur les grandes entreprises pour qu’elles polluent moins. Des mesures pour les forcer à prendre un sérieux virage.

Quelles sont les remarques les plus absurdes et récurrentes que vous entendez autour de vous sur l’écologie ?

J’entends parfois des remarques un peu excessives sur les voyages en avion. J’ai une maison dans le sud de l’Espagne et je n’ai pas d’autres solutions que de prendre ce mode de transport. Certains me font culpabiliser mais je ne vais quand même pas vendre ma maison pour cette raison ! Quoi que, peut-être qu’un jour je changerais d’avis car ça deviendra incompatible avec notre vision de l’écologie. La nouvelle génération est assez doctrinaire et très forte pour la culpabilisation.

Comment expliquez-vous qu’encore autant d’êtres humains ne se sentent pas concernés par l’avenir de notre planète ?

Je pense que c’est un processus lent mais qui évolue. Petit à petit, l’homme adopte des comportements qu’il ne pouvait pas imaginer avant. Avant, on clopait partout et jetait les mégots par terre, la ceinture en voiture n’était pas obligatoire… Bien sûr qu’il y a une urgence, que la situation est très critique mais les changements de comportement se feront avec le temps. C’est un fait, les nappes phréatiques diminuent, les rivières sont à sec… Comme ça touche notre quotidien, même au fin fond du Texas ou du Missouri, l’être humain est en train de prendre conscience.

Quels sont les écologistes ou personnalités qui vous ont inspirés ?

Je suis membre de l’institut Jane Goodall. Quand je me suis retrouvé face aux chimpanzés, je n’ai pas eu le sentiment d’un regard animal. Il me regardait comme un humain avec une profondeur déconcertante. Une expérience comme ça, bouleverse une vie.

Enfant, vous sentiez vous déjà concerné par l’avenir de notre planète ?

Pas du tout. Mon père nous grondait car nous prenions des douches trop longues ou que l’on n’éteignait jamais les lumières. Mais pour lui, c’était juste pour des raisons de moins payer à la fin de mois. Cependant, avec le temps, mon père, un vrai soixante-huitard, diplomate puis reconverti en menuisier a noué des liens forts avec la terre. Le bois avait du sens pour lui. Il avait beau avoir fait Sciences-politiques, il avait déjà une démarche écologique.

Selon vous, ou en serons-nous dans 50 ans ?

Sur cette même terre, sans enrayer la tendance que l’on est en train de prendre. Je reconnais que j’ai une vision super positive car on vit dans des zones protégées ou il y aura un recyclage d’eau. En revanche, les inégalités vont se creuser. Les pays riches seront éco-responsables et les pays pauvres de plus en plus pauvres.

Comment éduquez-vous votre enfant pour qu’il soit éco-responsables ?

C’est ma fille de 18 qui m’éduque !

Dans un récent rapport, la Cour des comptes appelle à élever moins de vaches pour respecter les engagements français de réduction des émissions de méthane. Qu’en pensez-vous ?

Je peux constater l’horreur de la culture intensive à Alméria, dans le sud de l ‘Espagne envahie par des serres à perte de vue. A quel moment les Espagnols vont-ils comprendre qu’ils se tirent une balle dans le pied ? Le Portugal est beaucoup plus responsable !

L’Espagne à un train de retard. Il faut que l’Europe empêche cette culture intensive. C’est un vrai sujet.

Pourriez-vous vivre dans un écolieu ?

Oui, mais pour le plaisir et non pas par nécessité. Je suis fan des Tiny house, ces petites maisons mobiles écologiques en bois avec panneaux solaires et recyclage d’eau. Il existe des villages entièrement de Tiny House.

Si vous étiez président de la République, vous…

Je ferais en sorte que l’écologie ne soit pas punitive mais récréative, qu’elle ne soit plus un sujet. J’imposerais des cours dès la maternelle pour en faire des citoyens éthiques. 

Pour aller plus loin :

🎤 L’interview écolo de Thomas Dutronc : « Le plastique et tous les gadgets chinois m’exaspèrent. »

🎤 L’interview écolo de Kareen Guiock-Thuram : “Nous vivons au-dessus des moyens de la Terre »

🎤 L’interview écolo d’Alexandra Rosenfeld : “Si rien ne change, l’humanité en paiera le prix”

🎤 L’interview écolo Philippe Vandel : « Être écolo, c’est agir local, penser global »

🎤 L’interview écolo Tatiana Silva : « Je tente, à travers mes bulletins, de conscientiser les téléspectateurs sur le changement climatique. »

Joséphine Simon-Michel

Journaliste infotainment, Joséphine excelle dans l'art des interviews. Pour Deklic, elle interroge des personnalités de différents univers (cinéma, télé, humour, politique…), toutes engagées pour la protection de l’environnement et conscients que la transition écologique est l’affaire de tous.

Voir les publications de l'auteur