Loi Barnier sur l’environnement : qu’est-ce que c’est ?

Par Anaïs Hollard , le 4 octobre 2024 - 9 minutes de lecture

La Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « Loi Barnier », ça vous dit un truc ? Oui, non, peut-être ? Eh bien, vous devriez probablement faire le point sur la question, parce qu’il s’agit en réalité d’un texte fondateur, qui n’a pas moins fait que d’instituer les principes généraux du droit de l’environnement, ainsi qu’une série de nouvelles exigences. Alors, pour briller en société et étaler votre savoir de juriste en droit de l’environnement amteur·ice, faites le point !

Les points clés de la loi Barnier

Ce n’est pas un secret, on a tous·tes un passé. Et Michel Barnier n’échappe pas à la règle, pour le meilleur comme pour le pire. C’est pourquoi, avant de prendre la tête du gouvernement d’Emmanuel Macron en tant que Premier ministre, l’homme politique a été à l’origine d’une réglementation pour le moins incontournable en matière d’environnement : la Loi no 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement (dite « loi Barnier », du coup 😉). En substance, que dit ce texte ?

Le principe de précaution

Pour commencer, la loi Barnier est l’une des premières législations à introduire explicitement le principe de précaution dans le droit français. Ce principe stipule que lorsqu’il existe un risque de dommages graves ou irréversibles pour l’environnement, même en l’absence de certitudes scientifiques, des mesures préventives doivent être prises. Autrement-dit, le principe de précaution encourage les autorités publiques à agir de manière prudente face aux risques environnementaux. Par ailleurs, s’il a été initialement introduit pour protéger l’environnement, le concept a par la suite été élargi à la santé et à la sécurité des aliments. En 1996, par exemple, alors que l’on commence tout juste à entendre parler de la fameuse « vache folle », on admet ainsi la transmissibilité à l’homme de la maladie, bien que l’on ne puisse pas encore estimer avec certitude la gravité du phénomène. 

💡 À savoir !
Le droit de l’environnement compte quatre grands principes fondamentaux : précaution et prévention, pollueur-payeur, information et participation du public et non-régression.

La création du fonds de prévention des risques naturels majeurs

Quiconque s’est déjà intéressé de près ou de loin à la loi Barnier sait que l’un des aspects les plus notables de cette réglementation est la création d’un fonds de prévention des risques naturels majeurs, souvent appelé « fonds Barnier ». Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) est financé par une partie des primes des assurances habitation et est destiné à soutenir des mesures de prévention contre les risques naturels, comme les inondations, les tremblements de terre, ou encore les mouvements de terrain. Il peut être utilisé pour financer des travaux de protection, des études, et même des indemnisations pour des biens exposés à des risques majeurs. Grosso modo, face aux catastrophes naturelles, le fonds Barnier a vocation à : 

  • Préserver les vies humaines menacées gravement ;
  • Subventionner des mesures de prévention ou de protection des personnes et des biens exposés aux risques naturels majeurs.

Cette « cagnotte » contribue donc largement à l’adaptation des territoires au changement climatique.

Le principe « pollueur-payeur » et le renforcement des sanctions

Ce principe n’a rien d’une nouveauté, puisqu’il a été adopté par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) dès 1972, en tant que principe économique visant l’imputation des coûts associés à la lutte contre la pollution. Par ailleurs, il est officiellement reconnu par l’UE depuis 1987 et par l’ONU depuis 1992.

Du côté de l’Hexagone, le principe pollueur-payeur est devenu l’un des quatre principes généraux du droit de l’environnement, grâce à… On vous le donne en mille 🥁… La loi Barnier de 1995 ! En langage courant, ce concept régi par l’article L. 110-1 du Code de l’environnement implique que le pollueur doit payer une taxe proportionnelle à la pollution qu’il émet. Le montant de cette taxe est évalué en fonction du nombre d’unités de pollution émises ainsi que des dommages environnementaux causés.

Par exemple, lorsque vous ouvrez votre robinet et utilisez de l’eau, vous la salissez. Il est donc nécessaire de la traiter, afin de la nettoyer. Un processus coûteux. C’est pourquoi, les utilisateur·ice·s sont soumis·es à une redevance sur l’eau. Environ 20 % de la facture d’eau des Français·ses est donc consacrée à dépolluer l’eau. 

D’autre part, la loi Barnier a également renforcé les sanctions à l’encontre des auteur·ice·s de pollutions et de dégradations environnementales, en introduisant des peines plus sévères pour les infractions à la législation sur l’environnement.

Le principe d’information et de participation environnementale

Si ces principes (information et participation) sont deux concepts distincts, ils n’en sont pas moins étroitement liés. Pour commencer, le principe de participation, instauré par la loi Barnier, vise à garantir une meilleure implication des citoyen·ne·s dans les décisions susceptibles de présenter un impact sur l’environnement. Ce principe consacre l’idée selon laquelle la gestion et la protection de l’environnement ne doivent pas être uniquement entre les mains des autorités publiques ou des entreprises, mais doiventt aussi impliquer activement la société civile. Comment, me direz-vous ? En instaurant quelques règles incontournables, comme : 

  • La participation du public à la prise de décision : autrement dit, avant la réalisation de projets ayant des répercussions sur l’environnement, ce principe implique de passer par la case « consultation publique ». Les autorités publiques doivent organiser des enquêtes publiques ou des consultations lorsque des projets d’aménagement ou d’exploitation risquent de porter atteinte à l’environnement.
  • Des enquêtes publiques renforcées : la loi Barnier a renforcé le rôle des enquêtes publiques, qui doivent être menées pour les projets ayant un impact significatif sur l’environnement. Elles permettent entre autres aux citoyen·ne·s de formuler des observations et de proposer des ajustements aux projets. 
  • Le renforcement de l’accès à l’information environnementale : ça y est, on y vient. Le fameux principe d’information. En effet, la législation instaurée par notre nouveau Premier ministre a permis de reconnaître aux citoyen·ne·s un droit d’être informés des projets susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement. Ce droit à l’information leur permet d’accéder à des données pertinentes sur l’état de l’environnement et sur les risques liés à certains projets, comme la construction d’infrastructures, les projets industriels ou les installations polluantes. Cela comprend notamment la consultation des études d’impact environnemental.

La Commission Nationale du Débat Public (CNDP) a d’ailleurs été créée afin d’assurer la participation du public dans la prise de décisions concernant des projets susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement.

Michel Barnier : un Premier ministre écolo ?

Entre principe du pollueur-payeur et fonds de prévention, impossible de nier la contribution majeure de Michel Barnier en matière d’évolution de la réglementation sur l’environnement. Seulement, depuis 95, celui que l’on décrit comme le « premier Premier ministre écolo » peut-il véritablement porter cette ambitieuse casquette ?

Plus de dix ans après l’instauration de la Loi n° 95-101, entre 2007 et 2009, Michel Barnier entrait au ministère de l’Agriculture et de la Pêche, sous le gouvernement de François Fillon. En poste au moment du Grenelle de l’environnement, il a notamment supervisé la mise en place du plan Ecophyto, qui vise à réduire de moitié l’usage des pesticides dans l’agriculture d’ici à 2018. Cependant, depuis, les ambitions du plan agricole ont été largement revues à la baisse.

À lire aussi : Qu’est-ce que le plan Ecophyto mis « en pause » par le gouvernement en réponse à la colère des agriculteurs ?

On aurait pu espérer que cette politique mollassonne en matière de lutte contre l’usage des pesticides hérisse le point de notre nouveau Premier ministre, compte-tenu de son passif encourageant en matière de protection de l’environnement. Pourtant, il n’en est rien. En effet, dans une tribune publiée dans Le Monde en septembre 2023, la figure de proue de la Loi n° 95-101 dénonçait ainsi le « caractère punitif » des « récentes mesures adoptées par la Commission européenne », aussi bien concernant les pesticides, que l’interdiction des véhicules thermiques d’ici à 2035 ou les mesures de protection de la biodiversité. En se présentant à la primaire interne de la droite à l’automne 2021, le nouveau chef du gouvernement appelait à « relancer » l’énergie nucléaire, tout en investissant dans les énergies renouvelables. Un investissement somme toute timide, puisqu’il était essentiellement question d’énergie photovoltaïque, tandis que l’éolien tenait quant à lui une place pour le moins dérisoire au cœur de ces ambitions, Michel Barnier estimant qu’il ne fallait pas s’y engager sans accord local.

Pour résumer les plans de ce dernier, nous pourrions citer les conclusions de son programme de l’époque : « on réduira la pollution agricole avec les agriculteurs, pas contre eux. On décarbonera l’économie avec les entreprises, pas contre elles. » Ne sentirait-on pas tourner un vent de complaisance ?

Si Michel Barnier a été à l’origine d’évolutions considérables en matière de droit de l’environnement, reste à savoir si ses actuelles positions promettent encore un mandat placé sous le signe de l’engagement en faveur de la planète. Alors, affaire à suivre 👀…

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Anaïs Hollard

Captivée par les sujets liés à l’énergie, Anaïs a longtemps collaboré avec de grands acteurs du secteur, avant de choisir la voie de l’indépendance, en tant que journaliste web. Aujourd’hui, elle continue de délivrer son expertise en matière d’énergie et de transition écologique. Ses passions : la lecture, l’écriture (forcément) et les DIY créatifs !

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