Transition écologique : les promesses du gouvernement sont-elles un écran de fumée ?

Par La rédaction de Deklic , le 28 septembre 2023 — Transition Écologique - 9 minutes de lecture
Interview télévisée d'Emmanuel Macron, le 24 septembre 2023

Interview télévisée d’Emmanuel Macron, le 24 septembre 2023, Credit : Jacques Witt/SIPA

De nombreuses mesures en faveur de la transition écologique sont régulièrement annoncées par le gouvernement. Sont-elles ensuite suivies d’effet ? Zoom sur quelques promesses qui ont fait pschitt.

Fin des centrales à charbon, interdiction des chaudières à gaz, taxation du secteur de l’aviation, incitations à prendre le train… Les annonces du gouvernement vont toutes dans le sens d’un véritable effort pour la transition écologique. Mais que deviennent ces annonces ? Au début du second mandat d’Emmanuel Macron, on constate déjà que plusieurs promesses ne sont pas tenues. On passe en revue quelques-uns des projets phares du gouvernement et leur pérennité au fil des saisons politiques. 

Vers la fin du charbon ?

« La France sortira du charbon d’ici 2027 », a assuré Emmanuel Macron lors de son interview télévisée du dimanche 24 septembre, visionnée par les Français.e.s la veille de la présentation de la planification écologique. Il est ainsi prévu que les deux dernières centrales à charbon françaises encore en activité passent d’ici quatre ans à la biomasse.

Bien que cette annonce semble prometteuse sur le papier, elle suscite néanmoins des interrogations quant au cycle de vie et à l’origine de la biomasse utilisée. On se rappelle ainsi la controverse entourant la centrale de Gardanne.

La prudence est aussi de mise quand on se souvient des précédentes promesses du Président quant à la sortie du charbon. En effet, lors de la campagne présidentielle de 2017, le candidat avait promis de fermer toutes les centrales à charbon de l’Hexagone avant 2022. Deux ans plus tard, les centrales de Cordemais et de Saint-Avold ont servi de variable d’ajustement avec les problématiques de pénurie énergétique survenue depuis fin 2021, et tournent encore.

Pour Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique à Greenpeace France, qui a réagi à l’annonce, « cette sortie du charbon en 2027 est un aveu d’échec pour Emmanuel Macron, qui tente de la déguiser en progrès. La France aurait dû sortir du charbon il y a des années. S’il était véritablement ambitieux et précurseur, Emmanuel Macron aurait également annoncé des dates de sortie du pétrole et du gaz fossile. »

Réduire ou augmenter la part du nucléaire ?

L’objectif annoncé : réduire de 75 à 50 % la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité en France. Une volonté vite mise sous le tapis. Ainsi, en novembre 2018, Emmanuel Macron avait indiqué repousser cette échéance à 2050 et que 14 réacteurs de 900 mégawatt seraient arrêtés en 2035.

Depuis, c’est toute la stratégie qui a été redéfinie. Début 2022, le Président a expliqué qu’il n’y avait « plus d’objectifs de fermetures de centrales », puis a annoncé son souhait de « prolonger la durée de vie de « tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être » même au-delà de 50 ans et d’en construire de nouveaux.

Où en est le développement des énergies renouvelables ?

Qui dit baisse du nucléaire dit augmentation des énergies renouvelables. En 2017, Macron évoquait un objectif de doublement de la capacité des éoliennes et du photovoltaïque avant la fin de son premier mandat. Puis lors de la présentation pluriannuelle de l’énergie en 2018, le chef de l’État a indiqué vouloir tripler le nombre de parcs éoliens d’ici 2030 et multiplier par cinq le solaire photovoltaïaque.

Ces objectifs vont être difficiles à atteindre, au vu de la trajectoire actuelle, d’autant que celui de doublement avant 2022 n’a pas été atteint. En effet, selon les chiffres de RTE, entre 2016 et 2021, la capacité du parc éolien est passée de 11 761 à 18 783 MW (60 % d’augmentation), le parc solaire a quant à lui presque doublé en passant de 6 773 à 13 066 MW.

Le sort des chaudières à gaz finalement acté ?

Autre annonce faite dimanche par Emmanuel Macron : l’installation de chaudières à gaz neuves ne sera pas interdite. Cette interdiction avait pourtant été évoquée par le gouvernement, notamment au mois de juin 2023, dans le cadre d’une concertation avec les acteurs du bâtiment sur la décarbonation du secteur.

À ce moment-là, il y a à peine quelques mois, le gouvernement envisageait en effet d’étendre l’interdiction des chaudières à fioul à toutes les « nouvelles chaudières au gaz naturel et au GPL ». Le gouvernement a vite laissé tomber l’idée ; dans une interview donnée aux Échos début septembre, le ministre délégué aux Comptes publics confirmait déjà que l’interdiction n’était plus d’actualité. 

Va-t-on plus taxer le secteur de l’aviation ? 

Lors de l’université d’été du Medef, le 29 août 2023, le ministre des Transports Clément Beaune avait annoncé un alourdissement de la fiscalité pour les concessionnaires d’aéroports, et la création de nouveaux prélèvements, notamment sur le kérosène.

L’objectif de l’exécutif était de plus taxer les transports polluants pour permettre le financement de secteurs moins carbonés, comme le rail par exemple. Cette possible nouvelle taxation, qui a fortement déplu aux acteurs du secteur de l’aviation, avait déjà été évoquée par le ministre des Transports au mois de mai de cette année. 

Qu’en est-il à ce jour ? Rien n’est clair. Dans un article publié le 19 septembre, Les Échos annonçaient que le gouvernement avait renoncé à cette hausse de l’écotaxe sur les billets d’avion. Mais cette information a été démentie par le gouvernement le jour même. « Bercy qui n’a jamais confirmé une taxe sur les billets d’avion, ne confirme pas l’abandon d’une taxe sur les billets d’avion », a déclaré à l’AFP un porte-parole du ministère de l’Économie. « Je ne confirme rien », a ajouté un porte-parole du ministère des Transports. Le flou règne.

Pass rail : le train sera-t-il enfin soutenu ?

Début septembre, le ministre des Transports, confirmant ce qui avait été dit par Emmanuel Macron lors de son interview avec Hugo Décrypte, a annoncé la volonté du gouvernement de mettre en place un « pass rail », un forfait pour prendre les trains régionaux (TER et Intercités) « aux alentours de 49 euros » par mois, sur le modèle de ce qui est proposé en Allemagne. Pourtant, à peine l’annonce faite, la viabilité du projet est mise en doute par les régions.

Carole Delga, présidente du Conseil régional d’Occitanie, tout en soulignant que cette mesure va dans le sens du développement du ferroviaire, a interrogé son financement. Même inquiétude du côté de Valérie Pécresse, présidente de la région Île de France, qui a jugé au micro de France Bleu que cette mesure ne pourrait être mise en œuvre que « si l’État se mettait, comme en Allemagne, à mettre des milliards d’euros sur la table ». 

Est-ce que ce sera le cas ? Le gouvernement a certes renouvelé son intention d’investir dans le ferroviaire, notamment avec l’annonce par Emmanuel Macron de 700 millions d’euros d’investissement pour construire 13 RER métropolitains, à l’issue du Conseil de planification écologique du 25 septembre. Cet objectif ambitieux, déjà évoqué en novembre 2022, deviendra-t-il réalité ?

Le sort chaotique du glyphosate

Comme le lui a rappelé le comédien Pierre Niney, en 2017, via Twitter, le président de la République avait promis l’interdiction du glyphosate. « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France au plus tard dans trois ans », avait-il indiqué. Cet herbicide controversé aurait donc dû être interdit en France en 2021. Mais Emmanuel Macron a finalement rétropédalé, sous la pression notamment du FNSEA.

En janvier 2022, il a même partagé au Parisien son regret d’avoir fait cette promesse : « C’est une erreur que j’ai commise en début de quinquennat : il faut agir sur ces sujets au niveau européen. » En 2017, l’autorisation du glyphosate avait été renouvelée au niveau européen pour cinq ans, jusqu’en décembre 2022, puis prolongée d’un an. Mercredi 20 septembre 2023, la Commission européenne a même proposé de prolonger l’autorisation pour 10 années supplémentaires, une proposition qui devra être validée par les 27 États membres. Le secrétaire général de Renaissance, Stéphane Séjourné, a déclaré sur France Inter, le 21 septembre, que la France compte voter contre cette prolongation.

Planter des arbres pour sauver la planète ?

Dans son interview de début septembre avec Hugo Décrypte, Emmanuel Macron a également indiqué qu’il souhaitait que chaque élève de sixième plante un arbre, afin que les collégiens soient aussi « acteurs de l’écologie ». Cette initiative s’inscrirait dans le cadre de l’objectif de reboisement d’un milliard d’arbres en dix ans. « Ce n’est peut-être pas ça qui va inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre… » a répondu Hugo Décrypte. Notamment quand on constate qu’en parallèle de gros projets comme la construction de l’A69 nécessitent l’abattage de milliers d’arbres.

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